
Jack Barron et l'Eternité
Résumé éditeur
livré en 5 jours
l’avis des lecteurs
Au gré des mes discussions et découvertes sur les réseaux, un jour, j’ai lu du bien de Norman Spinrad, sans creuser vraiment plus loin. Et puis un jour, j’ai trouvé un exemplaire de Deus Ex en occasion. Après l’avoir lu et chroniqué, on m’a conseillé de plutôt lire le bouquin qui nous concerne aujourd’hui, pour me faire une meilleure idée du talent du bonhomme. Ce que j’ai fait, avec un peu de délai, le temps de tomber par hasard sur un exemplaire en librairie – neuf, celui-ci – et d’effectivement m’y mettre, avec circonspection mais curiosité gourmande.
Bon et on va pas tourner autour du pot, quitte à fugacement verser dans la vulgarité histoire de rendre compte correctement de mon sentiment à la clôture de ce roman : eh bah putain, on s’est pas foutu de ma gueule.
Jack Barron est l’animateur star de l’émission Bug Jack Barron, où toutes les semaines, il confronte les tenants du pouvoir à leurs contradictions et mauvaises influences sur les vies des téléspectateurices qui l’appellent pour lui confier leurs problèmes. Une telle star que son influence massive devient un levier de pouvoir à part entière, qui finit par devenir le nerf de la guerre autour de la Fondation menée par un certain Benedict Howards, promettant à terme l’immortalité à qui voudra bien se laisser hiberner au moment de sa mort, en échange d’une forte somme d’argent ; il ne faudra guère que le temps de trouver le secret de ladite immortalité. Jack Barron, qui clame haut et fort qu’il ne peut être acheté par personne d’autre que ses sponsors, va devoir prouver qu’il ne ment pas, et surtout faire des choix terribles.
Avant toute chose, il me semble très important, pour bien exprimer mon ressenti à la lecture de ce roman, de le replacer dans son contexte. 1969 au moment de sa sortie. Plus de 50 ans nous séparent. Et si j’ai déjà pu le dire, je n’aurais aucun problème à le répéter : la bonne sf n’est jamais meilleure ou plus impressionnante à mes yeux que lorsqu’elle vieillit bien. Et j’ai rarement croisé un bouquin ayant aussi bien conceptuellement vieilli que celui-ci. Alors oui, certains détails, et nous y reviendrons, n’ont pas si bien vieilli que ça ; mais pour l’essentiel, je suis absolument sidéré par la clairvoyance et l’acuité déployées par Norman Spinrad dans ce roman. Clairement, le monsieur avait déjà capté des choses, et sans peur ni reproches, il n’a pas retenu ses coups au moment de les exprimer.
Car si on peut déjà saluer la qualité de l’extrapolation technologique dont son « futur proche » fait preuve, je suis surtout abasourdi par la lucidité d’analyse féroce dont l’auteur y fait preuve, surtout au niveau de son présent et de sa prospective. Lire dans un roman de cette époque une attaque sans concession ni faux-semblants sur le racisme systémique américain et son lien avec la lutte des classes, d’une façon si limpide et mordante, et ce dès les premiers chapitres, j’avoue que je n’y étais absolument pas prêt. Pas plus d’ailleurs qu’à l’excellence du déroulé de l’intrigue montée par Norman Spinrad, faisant la démonstration implacable des ramifications du système capitaliste poussé au bout de ses logiques mortifères, où l’argent permet d’acheter tout et n’importe quoi, et surtout n’importe qui.
Ce qui nous amène logiquement à Jack Barron, protagoniste de notre histoire, plus proche à mes yeux de la figure du anti-héros que du véritable héros, et qui constitue à mes yeux, par sa complexité et l’excellence de son portrait, l’attrait principal du roman. Alors oui, il faut le dire, le personnage exsude d’un machisme old school difficile à complètement laisser de côté en dépit d’une époque qui explique plus qu’elle n’excuse les passages les moins élégants du roman, exerçant une assez mauvaise influence sur les pauvres personnages féminins du roman lui servant plus de faire-valoir et d’outils pour sa progression dramatique ; il faut le dire, parce que c’est sans aucun doute l’aspect du texte qui a le plus violemment vieilli. Mais ceci étant dit, il demeure qu’au delà de ses côtés les plus alpha male coureur de jupons émotionnellement détruit par son seul véritable amour passé un peu (très) agaçants, Jack Barron, par sa lucidité et sa singulière forme d’auto-détestation modérée, est absolument fascinant. Et touchant, d’une certaine manière, par sa lutte permanente entre ses envies, ses besoins, et ses principes.
Le truc, c’est qu’en dépit de tous ses défauts, on comprend que Jack Barron n’a pas volé sa place, et qu’il est parvenu là où il est en restant fidèle à lui-même, même si ça lui a couté. Il est effectivement terriblement malin, foncièrement honnête, dans le sens transparent du terme, et surtout, malgré des idéaux modernistes auxquels il refuse de déroger, il sait laisser la place à certains compromis quand le jeu en vaut la chandelle. Et ce que je trouve le plus impressionnant, je crois, c’est que Norman Spinrad instaure juste assez de distance entre lui et ce personnage, comme les autres, d’ailleurs, pour en faire les vecteurs d’une démonstration qui les dépasse largement. Jack Barron représente ainsi à ses yeux une partie des valeurs auxquelles lui-même voudrait exhorter beaucoup de gens à adhérer, tout en démontrant au travers de son parcours à quel point il est ardu de le faire sans se perdre en chemin.
Comme souvent, quand je complimente un roman à l’extrême, je me dois de saluer la force de son équilibre. Il y a dans Jack Barron et l’éternité juste assez de lucidité mordante et de cynisme désabusé pour rendre la réalité du monde dans lequel vivent ses personnages – et dans lequel nous vivons réellement, ne nous mentons pas – avec clairvoyance et honnêteté, mais pour autant sans nihilisme fatigué et fatiguant. Il ne s’agit pas de dire que tout est foutu et que rien ne peut être fait pour améliorer la situation merdique dans laquelle une trop grande part de la population se retrouve ; il s’agit de dire que pour en sortir, il va falloir être un peu courageux, grandir et se bouger le cul. Ce qui en soit, peut paraître un message un peu usé, j’en conviens, mais parfois, il faut en convenir aussi, il ne s’agit pas tant du fonds du message que de sa forme, pour qu’il soit convaincant.
D’autant plus convaincant, ici, que la distance temporelle du roman lui confère encore plus de poids et de force d’impact : comment se fait-il qu’un roman écrit en 1969 puisse me (nous) paraître si actuel en dépit de tous les progrès censément acquis pendant les 5 décennies qui nous séparent ? Comment expliquer sans trembler des genoux que ça va quand même vachement mieux de nos jours que dans ce roman écrit à une époque devant logiquement être moins avancée que la nôtre, notamment sur les questions sociales liées à la couleur de la peau ou encore plus basiquement, à l’argent ? Et tout ça sans parler de la limpidité de l’exercice de pensée auquel se livre Norman Spinrad autour de la question de l’immortalité, une verbalisation factuelle assez parfaite à mes yeux ; et je ne dis pas ça parce que j’ai toujours pensé ce que l’auteur prouve dans ce roman, avant même de le lire.
Ce roman est effectivement un très grand roman. Pour sa dimension politique, d’abord, une construction conceptuelle renversante de clairvoyance et de subtilité analytique, permettant à Norman Spinrad de balancer nonchalamment quelques punchlines incroyables faisant froid dans le dos tellement elles tapent juste, avec, je me répète 50 piges de délai. Pour sa dimension humaine, ensuite ; parce que si les femmes du roman ne sont pas à la fête, notamment au travers d’une essentialisation dommageable et cruellement datée, Jack Barron et sa némésis Benedict Howards compensent largement ce manquement par leurs profondeurs et symbolismes respectifs. Le but de ce roman était clairement d’établir une autopsie anticipée du rêve américain au travers des hommes qui dirigent ou voudraient diriger les États-Unis, que ce soit par le truchement du pouvoir politique ou de celui de l’argent : la réussite est indéniable. Exceptionnelle.
Jack Barron et l’éternité fait partie de ces romans qui avec un tout petit coup de poliche contextuel et textuel pourrait absolument ressortir aujourd’hui et demeurer aussi exceptionnel qu’à l’époque de sa sortie originelle.
Norman Spinrad, on se retrouvera.
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