Avant que les ombres s'effacent
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l’avis des lecteurs
Le jeune Ruben Schwarzberg a dû apprendre très tôt à survivre. Pas facile de naître dans une famille juive polonaise en 1913… Séparé des siens par les nazis, emprisonné à Buchenwald, libéré puis refoulé vers la France, il y est accueilli par la petite communauté haïtienne de Paris. A la faveur d’un décret voté par Haïti, il trouve refuge, comme des centaines de Juifs à Port-au-Prince. Devenu un grand médecin, il n’a pas oublié son passé……
Ma lecture
Première incursion de ma part dans la littérature haïtienne mais je savais un peu d’avance où je mettais mes yeux. En effet il m’est arrivé d’entendre dans des reportages, émissions etc… la qualité de la langue pratiquée par les écrivains de ce pays.
Histoire de Ruben Schwarzberg, d’origine polonaise mais que les événements du 20ème siècle vont conduire à être citoyen de différents pays suite aux chasses contre la communauté juive en Pologne, en Allemagne, en France pour se terminer à Haïti.
Le passé d’un individu, c’est comme son ombre : on le porte toujours avec soi. Il faut apprendre à vivre avec et à s’en servir pour avance. (p150)
Ruben a 97 ans retrace son parcours avec sa nièce venue dans son pays d’adoption, Haïti, suite au séisme de 2010, médecin comme son oncle, afin de porter assistance à la population. C’est l’occasion d’un voyage à travers le temps, car il est de son devoir de parler de ses racines, de ses périples ainsi que de sa famille disséminée aux quatre coins du monde.
C’était comme un chapitre de son enfance qui lui était renvoyé en cadeau, avant que les ombres s’effacent, qu’il ne redevienne poussière ou néant. (p194)
J’ai aimé le personnage de ce médecin taiseux,bégayant quand les émotions ou les situations s’accélèrent, discret, mais affectueux en particulier dans sa relation avec sa soeur Salomé, son oncle Joshua et sa femme Sara en toute fin du livre, personnage qui, il me semble, n’a pas été assez développé (mais elle fait partie de l’intimité de Ruben) et qui pourrait je crois faire l’objet d’un autre roman.
Cette épopée dans une famille juive avec tous les courants : ultra, modéré, mère omniprésente, Bobe rassurante etc…. traversant les événements avec courage mais surtout avec un lien familial très fort est retracée dans une langue ciselée de toute beauté.
Que ce soit pour parler de sa naissance, de sa déportation à Buchenwald, de ses folles nuits à Paris et de son éblouissement pour Haïti, l’auteur nous berce, dans la dodine (fauteuil figurant sur la couverture), au rythme des souvenirs de cet homme, médecin humaniste, fidèle en amitié et profondément amoureux de sa terre d’adoption.
D’ici, de ce bout d’île écrasé de soleil, de misère et de générosité, il ne s’en irait plus que les deux pieds devant, afin que sa chair désormais en fin de parcours devienne chair de cette terre qui l’avait accueilli, en avait fait un de ses fils comme s’il fut né de sa propre matrice. (p270)
Car le personnage principal tout au long de la narration est Haïti : ses couleurs, ses douleurs, ses douceurs, son accueil et ses habitants (que j’avais déjà côtoyés dans le roman de Laurent Gaudé « Danser les ombres » (à l’époque mon blog n’existait pas mais vous pouvez retrouver ma critique ici).
L’écriture est fluide, poétique et amoureuse : amoureuse de son pays, de ses personnages mais aussi de l’histoire, d’un pan peu connu de l’immigration dans cette île des Caraïbes.
Saviez-vous que la république d’Haïti avait déclaré la guerre au troisième Reich et à l’Italie fasciste en décembre 1941 ? Et que son dirigeant avait annoncé que tout juif européen pourrait trouver secours dans ses ambassades ?
Moi non, du moins avant de lire "Avant que les ombres s’effacent", le principal intérêt du roman de Louis-Philippe Dalembert résidant en ce qui me concerne dans cette dimension instructive.
Nous y suivons Ruben Schwarzberg, né dans une Pologne dont il n’a gardé aucun souvenir, sa famille ayant migré en Allemagne alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Il fera ses études de médecine à Berlin, jusqu’à ce que l’Histoire s’en mêle et oblige les Schwarzberg, à la fin des années trente, à refaire leurs valises. Les parents de Ruben partent aux Etats-Unis, sa tante Ruth en Israël. Son oncle et lui n’ayant pu obtenir de visa, ils regagnent, après les avoir accompagnés à la gare, leur domicile berlinois. C’est là qu’ils sont arrêtés et envoyés à Buchenwald, où ils passeront plusieurs semaines, avant d’en sortir grâce à l’intervention d’un professeur de Ruben, cette libération s’accompagnant de l’obligation de quitter l’Allemagne.
Comment échoue-t-il à Haïti ? Eh bien suite à une succession de coïncidences anodines ou remarquables, parmi lesquelles la lecture d'un ouvrage intitulé De l’égalité des races humaines et la rencontre pendant la nuit de Cristal à Berlin avec des ambassadeurs haïtiens proposant à certains fuyards l’abri de leur voiture jouent notamment un rôle.
Toujours est-il qu’en 2010, c’est là que Ruben, alors nonagénaire, finit sa vie après avoir l’avoir majoritairement passée sur cette île dont il s’estime un citoyen à part entière. C’est là aussi que la petite-fille de sa tante Ruth, qu’il n’a jamais revue après son départ pour Israël, le rencontre. Venue apporter sa contribution aux secours suite au séisme qui a secoué le pays, elle fait enfin la connaissance de cet aïeul dont on lui a tant parlé, avide de son témoignage sur un pan jusque-là ignoré de l’histoire familiale.
Car son grand-oncle n’a jamais évoqué le souvenir des semaines passées à Buchenwald. D’un naturel taiseux, il a ainsi traîné un passé dont il gardé une grande mais secrète mélancolie qui l’a accompagné toute sa vie, mais a refusé de s’y attarder, faisant le choix de l’occulter pour regarder vers l’avant, reniant tout besoin d’attaches ou de mémoire. Haïti a ainsi été pour lui le point de chute idéal, contrée où tout le monde vient d’ailleurs, où "les racines des uns et des autres sont tellement entremêlées qu’il est préférable de ne pas les dénouer, au risque d’un dessèchement total du tronc".
"Avant que les ombres s’effacent" est à la fois un hommage à ce petit pays qui a réalisé la plus importante révolution du XIXème siècle et contribué au cours de l’Histoire à améliorer la condition humaine, et une réflexion sur l’influence inconsciente du passé, sur la manière dont les individus, en dépit de ce passé, se construisent.
Une lecture roulante, favorisée par une écriture fluide et un ton non dénué d’humour, mais j’avoue avoir eu du mal à m’y agripper, l’ensemble offrant une surface un peu trop lisse, qui m’a souvent laissée à distance.
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