Les Juifs de Marseille au XIVe siècle
Résumé éditeur
La forte minorité juive de la ville de Marseille au XIVe siècle, grand port de commerce et de guerre de la Provence angevine, est représentée dans les sources latines par une frange élargie de notables. Les élites juives urbaines marseillaises, seules tangibles dans la documentation, se composaient de dizaines de familles. Parmi elles, quelques figures émergent, tel le célèbre Bondavin de Draguignan, mort en 1361, ou encore Salomon de Bédarrides et son beau-frère Cregut Profach pour la seconde partie du siècle. Le rayonnement intellectuel de la communauté juive marseillaise ne fait aucun doute. Des dizaines de médecins en étaient issus, ainsi que des talmudistes de renom, à l'instar d'Aaron de Camera, puis de Bonjuson Bondavin, familier de la reine Marie et du roi Martin Ier d'Aragon à la fin du siècle. Ces élites, qui investissaient dans le crédit, l'entreprise artisanale et commerciale — celle du corail en particulier —, ainsi que dans la terre et dans la pierre, cultivaient des liens avec leurs coreligionnaires de « Proventsa » et de Méditerranée occidentale — Catalogne, Baléares et Sardaigne. Leur commerce s'étendait jusqu'au Levant, voire au-delà : les chapelets de corail marseillais étaient prisés jusqu'en Chine et en Inde. Ce livre, fruit de la thèse de doctorat de l'auteur, analyse les modalités de la pérennité de la communauté juive de Marseille, dont les élites se signalent, même après la Peste noire de 1348, par une grande confiance dans leur présent et leur avenir. Certes, affleurent quelques manifestations d'hostilité, symptomatiques de la conception négative du judaïsme en Occident chrétien. Mais, en dépit de leur infériorité juridique justifiée par leur condition d'infidèles, les citoyens juifs de Marseille faisaient partie intégrante de la « civitas ». Qui plus est, les notables juifs trouvèrent dans le prêt à intérêt une technique de contact avec le patriciat urbain chrétien. L'« amicitia », l'accumulation patrimoniale, le choix du nom et de sa transmission sont autant de signes de l'élitisme d'une part, et du mimétisme avec la noblesse urbaine chrétienne d'autre part. Les efforts des rabbins pour maintenir le mur du rite entre juifs et chrétiens révèlent le comportement des élites juives suffisamment sûres d'elles-mêmes pour ne pas craindre le rapprochement avec la société majoritaire et pour trouver le salut, non dans le repli sur soi, mais dans les échanges et la mobilité.--The significant Jewish minority in 14the century Marseilles, a great trading and military port of Angevine Provence, is represented in Latin sources by an extended group of notables. The urban Jewish elite in Marseilles - the only ones clearly documented - constituted about a dozen families. Among them, certain figures stand out, such as the famous Bondavin de Draguignan who died in 1361, Salomon de Bédarrides and his brother-in-law Cregut Profach in the second part of the century. The intellectual influence of the Jewish community in the city is unquestionable. They produced dozens of doctors, famous Talmudists such as Aaron de Camera, then Bonjuson Bondavin, close to Queen Marie and King Martin I of Aragon at the end of the century. These elites, who practiced lending, artisanal manufacture and trade (of coral in particular), as well as land and real estate, maintained links with their fellow Jews of ‘Proventsa' and the western Mediterranean — Catalonia, the Balearic Islands and Sardinia. Their trade stretched as far as the Levant, even beyond: the coral rosaries of Marseilles were sought after in China and India. This book, fruit of the author's thesis, analyses the endurance of the Jewish community in Marseilles, whose elites, even after the Black Plague of 1348, showed great confidence in their present and their future. Of course, we observe some instances of hostility, symptomatic of the negative conception of Judaism in the Christian West. But in spite of being at a legal disadvantage because of their condition as infidels, the Jewish citizens of Marseilles were an integral part of the ‘civitas'. Moreover, Jewish notables found a means of contact with the urban Christian patricians in the practice of lending with interest. The ‘amicitia', the accumulation of heritage, choice of name and its transmission are so many indications of elitism on the one hand, and mimicry of urban Christian nobility on the other. The rabbis' efforts to maintain the ritual barrier between Jews and Christians reveals the behaviour of the Jewish elite, sufficiently self-assured not to fear any rapprochement with the social majority and to find salvation not in withdrawal, but in exchange and mobility.
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