Sur mes épaules, tu bâtiras ton monde

Louis et Anna sont très heureux en ménage, toujours amoureux fous malgré leur douze années de mariage. Leur bonheur s’accroit encore quand Anna tombe enceinte, mais peu de temps après Louis présente des signes de fatigue et des pétéchies (déformation professionnelle, j’ai tout de suite compris de quoi il s’agissait avant que le diagnostic ne tombe). Il apprend ainsi qu’il souffre d’une leucémie dont on comprend vite qu’elle a un mauvais pronostic. On suit la grossesse d’Anne mois par mois ainsi que le combat de Louis pour sa survie, avec l’aide de sa famille et de ses amis, tous très présents, ainsi que ses deux élèves préférés puisqu’il est professeur de français. Il se bat pour être présent lors de la naissance de sa petite fille et surtout pour l’accompagner tout au long de son enfance quand il ne sera plus là.

L’écriture est fluide et très agréable, aussi assez poétique dans certains passages. L’auteur insiste sur des thèmes importants comme l’amour, les petites joies du quotidien, on se demande d’ailleurs pourquoi on doit être confronté à la mort pour apprendre à savourer la vie. La transmission des valeurs est au coeur du roman, Louis promet à Anna d’être toujours présent pour accompagner Jade. Ainsi il fait de nombreux enregistrements audio pour elle, souvent très touchants. L’idée est belle dans le livre, mais je pense que dans la vraie vie c’est mettre une chape de plomb sur les épaules de l’enfant qui reçoit des injonctions d’outre-tombe. Je pense que sa liberté en sera fortement diminuée. Face à un père vivant, on peut se définir et se rebeller, mais que faire face à une personne disparue qui nous a laissé un liste infinie de dernières volontés, même si c’est dans un but constructif. Donc idée parfaite pour un roman, mais je le crains catastrophique et porteuse de de freins multiples dans la vraie vie. J’ai reconnu l’injonction à l’optimisme que l’on fait porter aux personnes atteintes de maladies graves dans notre société, la mort est un tabou et Louis doit prendre sur lui pour rassurer sa famille et ses amis. C’est malheureusement une réalité et finalement même les proches les plus empathiques font peser un poids supplémentaire sur les épaules des malades. C’est très rare d’être accompagné de manière adéquate sur ce chemin, sauf par des professionnels dans des centres de soins palliatifs. Finalement, même très entourés, les malades en fin de vie sont très seuls. C’est sûrement le point du roman qui m’a le plus touchée, sans doute encore de la déformation professionnelle.

Il y a beaucoup d’émotion mais j’ai eu de la peine à vraiment me laisser embarquer dans cette histoire à laquelle je trouve un côté trop Love story, on a déjà lu cette histoire plus d’une fois. J’ai aussi été gênée par l’accumulation de clichés concernant les personnages, en particulier Louis, un père absent, un garçon timide qui tombe amoureux de la plus belle fille de la fac et met des mois à se révéler, même le combat du couple contre la maladie m’a semblé peu réaliste. On est plus face à une construction littéraire et romanesque certes très réussie sur ce plan, mais à qui il manque un petit quelque chose qui fait que je n’y ai pas cru, je n’ai pas senti le souffle de la vraie vie.

Sur le plan romanesque c’est très réussi et ce genre d’histoire ne manquera pas d’embarquer de nombreux lecteurs (surtout des lectrices je pense). La Bretagne est bien décrite et donne envie d’aller y faire un saut. Pour moi une lecture plaisante mais sans plus, malgré le sujet, je trouve que ça manque de profondeur et de réalisme. Les couvertures de cette collection sont toujours très belles et donnent envie de dévorer ses livres.

Un grand merci à Mylène de L’Archipel pour cette découverte.