Nous étions les Mulvaney
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
J'aime bien Joyce Carol Oates, mais je trouve parfois qu'il y a des disparités entre ses œuvres, notamment d'un point de vue stylistique. Est-ce la traduction qui est à mettre en cause ? C'est possible. Toujours est-il qu'il est fort désagréable pour le lecteur d'avoir à subir une telle hétérogénéité. C'est un peu comme si, dans votre restaurant habituel, le même plat n'était bon que deux jours sur trois !
J'attendais beaucoup de "Nous étions les Mulvaney", titre que j'avais retenu il y a bien longtemps, suite à de nombreuses critiques très positives. Autant vous dire que le début de ce roman m'a fait l'effet d'une douche peut-être pas froide, mais disons, plutôt fraîche. En raison tout d'abord de cette faiblesse stylistique que je viens d'évoquer. Combien de fois me suis-je demandée si toutes ces répétitions (nous retrouvons parfois presque une phrase entière répétée à quelques pages d'intervalle), ces phrases sans verbe (je ne suis pas particulièrement attachée à la configuration "sujet-verbe-complément", mais là, elles ne vont pas avec le reste du texte, puisqu'elles alternent avec des passages soigneusement rédigés) étaient volontaires ? L'autre cause de cette déception de prime abord réside dans l'histoire, telle qu'elle nous est en tous cas exposée dans la première partie du roman (première partie par ailleurs conséquente, l'ensemble de l'ouvrage lui-même atteignant plus de 700 pages).
Joyce Carol Oates y dresse le portrait sirupeux et idyllique d'une famille américaine des années 70. Les Mulvaney forment un clan soudé, vivant dans un cadre bucolique, irradiant de bonheur et d'amour ; j'ai cru un instant que l'éditeur avait commis une grossière erreur, et imprimé à la place du roman promis par la couverture les mémoires de Laura Ingalls. Bon d'accord, j'exagère. Un peu. Disons que mon agacement, suscité entre autres par les bondieuseries et la naïveté du personnage de la mère Mulvaney, que sa simplicité toute rurale rend par ailleurs fort attachante, me rendent peut-être injuste. Mais bon... passons sur la célébrité du frère aîné en tant que champion de base-ball de l'équipe du lycée, sur le Q.I. exceptionnel du cadet, et sur la perfection faite fille qu'est leur soeur Marianne (belle et populaire, elle a PLEIN d'amis, et elle est TOUJOURS gentille). Passons sur le père, Michael, homme séduisant, qui, tel un emblème du rêve américain, "s'est fait tout seul", et est maintenant à la tête de sa propre entreprise, permettant à sa famille de vivre dans le confort, entourée de chevaux, de chiens, et de chats. J'allais presque oublier le sixième membre de la famille, le "petit dernier", qui accessoirement est le narrateur de cette histoire, nous livrant ses souvenirs, extrapolant lorsqu'il n'a pas été témoin, mais ceci n'est finalement qu'un détail.. Histoire qui n'aurait, vous l'avez compris, aucun intérêt, si elle s'était limitée à la description de l'existence paradisiaque de ces chers Mulvaney.
Là où cela devient intéressant, c'est qu'un événement vient bousculer, que dis-je, faire voler en éclats, cette belle harmonie. Inutile de vous dire lequel, cela gâcherait l'effet de surprise, si d'aventure vous souhaitiez lire ce roman malgré ces premières lignes décourageantes, et puis surtout peu importe. Ce qui compte, ce sont les répercussions qu'a cet évènement sur la famille Mulvaney, qui en perd sa dignité, sa cohésion, son identité... Autant le clan fut admiré, envié, respecté, aimé, autant il va être ignoré, conspué, repoussé dans l'oubli, anéanti.
Et c'est là que Joyce Carol Oates excelle. Elle n'est jamais aussi à l'aise que lorsqu'elle se penche sur les failles des individus, sur leurs errements, sur les pitoyables ou admirables mécanismes qu'ils mettent en place pour se protéger des agressions extérieures ou des combats à livrer avec eux-mêmes. Elle n'est jamais aussi juste que lorsque qu'elle décrit ces petits gestes qui témoignent des touchantes tentatives pour obtenir l'amour, l'attention, la reconnaissance d'autrui. Sans pathos, mais en utilisant les détails significatifs, les petites choses du quotidien qui révèlent la souffrance, la détresse, l'humiliation que tentent de camoufler ses héros, elle parvient à nous lier avec une intensité grandissante à la famille Mulvaney.
J'ai aimé également la façon dont elle décrit les rapports hypocrites qui prévalent au sein de la "bonne société" américaine, où tout n'est qu'apparence et intérêt, où le must est d'être membre du country club, que vous n'aurez aucune chance d'intégrer si vous avez eu le malheur de naître femme ou noir... Et malgré tout leur amour, les parents Mulvaney eux-mêmes vont se révéler capables de quasiment renier un de leurs enfants parce qu'il ne correspond plus aux critères de perfection qui déterminent leur place dans cette société...
J'ai fini par me demander si l'auteure n'avait pas volontairement forcé le trait sur le caractère idyllique de ses personnages, dans un premier temps, pour encore mieux rendre compte de leur chute ensuite.
Si c'est le cas, je trouve que c'est regrettable, car cela tourne un peu à la démonstration simpliste, et c'est sous-estimer le lecteur.
Pour conclure, "Nous étions les Mulvaney" n'est certes pas l'oeuvre extraordinaire a laquelle je m'attendais, mais c'est un roman qui a néanmoins des qualités. Disons que je l'aurais aimé plus nuancé dans sa première partie, et je ne crois pas qu'il était nécessaire de le faire si long.
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