La Route du retour
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l’avis des lecteurs
Dalva devait lui manquer, et je le comprends...
Est-ce la raison pour laquelle Jim Harrison a convoqué dans "La route du retour" la plupart des personnages qui figurent dans le roman éponyme ?
Et après tout peu importent ses raisons, puisque une fois de plus, il nous enchante...
Un petit conseil cependant : je crois qu'il est mieux de laisser passer entre la lecture de ces deux romans un certain temps -au moins plusieurs mois-, car certains passages de "La route du retour" reprennent la narration d'événements déjà évoqués dans "Dalva", et qui peuvent par conséquent sembler redondants.
De même, il reprend ici le procédé narratif utilisé dans "Dalva", en faisant se succéder la transcription des journaux tenus par ses principaux protagonistes. Le roman débute avec celui de John Wesley Northridge, le grand-père de Dalva dont elle fut, enfant, très proche, suite au décès de son père, John Wesley Jr, en Corée.
Ce premier journal couvre une période allant de 1952 à 1957, et nous achemine doucement vers la mort de son auteur. Ce dernier évoque ses souvenirs, en vrac, à coups d'anecdotes, relatant ses aventures et ses amours de jeunesse, ses relations avec le peuple Lakota (dont lui-même était en partie issu par sa mère), certains de ses regrets, et son besoin de transmettre à sa petite-fille chérie ces bribes de son histoire.
Après un bond jusqu'en 1986, nous découvrons ensuite les journaux de Nelse, le fils que Dalva alors âgée de 15 ans dut abandonner à une famille adoptive, qui mène une existence de nomade et étudie les oiseaux, celui de Paul, le fils de John Wesley, puis de Naomi, la mère de Dalva, et enfin, c'est Dalva elle-même qui prend la parole.
Tous ces personnages sont liés par leur amour de la nature, de la terre, des animaux. Il ne s'agit pas d'un sentiment soudain et motivé par la soumission à une tendance "bobo-écolo", mais d'un respect profond, qui répond à la conscience instinctive de n'être qu'une partie de l'environnement naturel, et qui se traduit par une sorte d'osmose entre cet environnement et leur propre nature humaine. A l'inverse, ils expriment tous leur aversion pour la cupidité et l'étroitesse d'esprit qui semblent dicter les comportements de leurs pairs, rendre les riches imperméables au monde, et se montrent circonspects envers le soi disant progrès, sa tendance à ignorer la véritable nature de l'homme, et celle à mépriser la nature tout court. Peut-être ont-ils hérité cette perception du monde de leurs origines Lakota, les indiens hésitant culturellement à tirer profit de quoi que ce soit, quand le profit est le socle de la culture des blancs...
Vivant comme en retrait d'une société de consommation qui devient de plus en plus "primitive, stupide et impolie" -dixit Paul-, les personnages de Jim Harrison nous donnent l'impression d'avoir en quelque sorte arrêté le temps, parce qu'ils prennent celui d'écouter leur nature, de laisser parler leurs émotions, de s'interroger, sans auto complaisance, sur eux-mêmes. La quête de pouvoir, le besoin d'ultra protection, qui éloignent de ses semblables et isolent du monde, ne les concernent pas.
Peut-être ne suis-je pas très objective dans la mesure où je suis fan de Jim Harrison, mais à chaque roman que je découvre de cet auteur, je suis sous le charme de ses personnages sincères et entiers, adeptes des plaisirs simples, amoureux de la vie sous toutes ses formes, et d'une Amérique des grands espaces, que n'ont pas encore corrompue la modernité et l'avidité, sous le charme aussi de ses histoires qui mettent à jour les contradictions d'une nation qui n'en n'a toujours pas fini de régler ses comptes avec un passé honteux -et pas si lointain-, sous le charme enfin de son écriture à la fois intimiste et poétique.
Si je devais émettre une seule réserve, elle concernerait la partie relative au journal de Nelse, que j'ai trouvé plus chaotique que le reste du récit, et par conséquent plus difficile à suivre. Quant au dernier paragraphe de "La route du retour" (le journal de Dalva), d'une émouvante beauté, il justifierait à lui seul la lecture de ce roman auquel j'ai certes préféré "Dalva", mais dont je ressors néanmoins une fois de plus convaincue du talent de son auteur.
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