La Trilogie Underworld USA
  • Date de parution 11/05/2022
  • Nombre de pages 928
  • Poids de l’article 470 gr
  • ISBN-13 9782743656492
  • Editeur RIVAGES
  • Format 169 x 112 mm
  • Edition Livre de poche
Policier historique Thriller Romans noirs États-Unis Haïti Période 1945 - 1989

La Trilogie Underworld USA Tome 3 Underworld USA

4.04 / 5 (508 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

24 février 1964, 7 h 16 du matin à Los Angeles. Attaque d'un fourgon blindé de la Wells Fargo. Quatre convoyeurs abattus, trois braqueurs morts ; le quatrième a pris la fuite en emportant seize sacs de billets et quatorze mallettes remplies d'émeraudes. C'est sur ce braquage, disséqué avec une maestria éblouissante, que s'ouvre «Underworld USA», dernier volet de la trilogie commencée avec «American Tabloid». Le narrateur reste dans l'ombre. Il nous prévient que le livre est fondé sur des documents publics détournés, des journaux intimes dérobés. En 131 chapitres et cinq parties au titre aussi évocateur que provocateur, ce roman noir et politique reconstruit les années les plus tourmentées de l'Amérique du XXe siècle, avec une largeur de vision et une profondeur stupéfiantes.

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  • Date de parution 11/05/2022
  • Nombre de pages 928
  • Poids de l’article 470 gr
  • ISBN-13 9782743656492
  • Editeur RIVAGES
  • Format 169 x 112 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

J'ai lu les deux premiers volets de la trilogie américaine de James Ellroy il y a bien trop longtemps pour m'en souvenir précisément. J'en garde l'impression de récits complexes, labyrinthiques, au point d'avoir été obligée de prendre des notes en cours de lecture pour ne pas m'y perdre complètement ! Cet oubli n'a heureusement pas été préjudiciable à la compréhension d' "Underworld USA", dernière partie de cette trilogie : bien que l'on y retrouve certains des personnages apparus dans les précédents opus, c'est un roman qui peut se lire indépendamment d' "American Tabloïd" et d' "American Death Trip".


"Underworld USA" couvre quatre ans (de 1968 à 1972) de l'histoire américaine vus à travers la lorgnette de James Ellroy. Une lorgnette qui s'attarde plus précisément sur les dernières années de l'une des figures mythiques de l’Amérique du XXème siècle : John Edgar Hoover, directeur du FBI de 1924 à 1972, ainsi que sur ceux qui, de façon plus ou moins directe, comptèrent au nombre de ses victimes ou de ses représentants, participèrent de près ou de loin à ses manigances ou tentèrent de les contrer : telle est le centre de la toile d'araignée que tisse l'auteur avec un sens époustouflant de la précision. Car à partir des quelques protagonistes qu'il met en scène de façon plus évidente, orbite une multitude de personnages secondaires, dont le plus insignifiant apporte sa pierre indispensable au magistral édifice que finit par former "Underworld USA", ouvrage tout en ramifications dont les interactions sont parfois difficiles à saisir de prime abord, mais dont se dessine peu à peu la parfaite cohésion.


Il paraît évident que le but de James Ellroy n'est pas de brosser un panorama historiquement exhaustif des États-Unis de cette période. En effet, certains des événements qui l'ont marquée, comme la guerre du Vietnam ou le scandale du Watergate, sont tout juste évoqués. Le récit est entre autres centré sur la lutte contre les bêtes noires du directeur du FBI, le militantisme noir et le militantisme de gauche, notamment par la mise en place du programme Cointelpro, et sur les moyens qu'il mit en œuvre pour permettre à Richard Nixon de remporter l'élection présidentielle.


D'authentiques célébrités (Richard Nixon, Howard Hughes...) côtoient dans "Underworld USA" des héros de fiction qui ne sont pas moins crédibles que les premiers. Nous y croisons notamment Dwight Holly, le "bras armé de la loi" au service de John Edgar Hoover, qui, en même temps qu'il fait la chasse aux communistes et aux émules des Black Panthers, entretient une liaison avec Karen, professeure d'université gauchiste et poseuse de bombes à ses heures... ou encore Joan Klein, quasi légendaire et insaisissable figure de la lutte pour "La Cause" communiste, qui de Cuba aux États-Unis, de l'Algérie à Haïti, a laissé à chacun de ses passages un parfum de mystère... ou encore Wayne Tedrow (mon préféré), fils d'un éminent membre du Ku Klux Klan, impliqué parfois de force dans divers meurtres (dont celui de Martin Luther King), qui sombre peu à peu dans la folie, rongé par la haine raciale qui l'environne et qu'il ne peut plus supporter.


L'auteur appuie plus particulièrement sur les contradictions de ses personnages, sur les obsessions qui les rongent et qui parfois les gouvernent, qu'ils se situent en haut ou en bas de l'échelle. Les portraits qu'il brosse, entre autres, de Howard Hughes ou de John Edgar Hoover, qui par le pouvoir qu'ils détiennent (économique pour l'un, et politique pour l'autre) agissent en toute impunité, en profitant pour assouvir leurs haines ou leurs envies les plus viles, nous laissent le sentiment de découvrir une Amérique placée entre les mains de dangereux manipulateurs complètement cinglés ! Ajoutons à cela une mafia à laquelle sa puissance permet une ingérence dans les plus hautes sphères de l'état, et on en revient à l'image d'une toile d'araignée au sein de laquelle convergent les accointances entre organisations criminelles, services secrets, et géants de la finance. Pendant ce temps, l'Amérique "d'en bas", plombée par la misère, la ségrégation raciale et les inégalités conteste, pour souvent finir par se résigner...


Destins individuels et destinées historiques, Histoire et histoires (d'amour, de haine, de déception, de trahison, de conviction...), quêtes personnelles et prérogatives étatiques se mêlent pour constituer une fresque dense mais prenante. "Underworld USA" est le récit d'une société imprégnée de violence, de cynisme, de cupidité et de corruption.


C'est aussi une plongée hallucinée au cœur de l'histoire où James Ellroy, de son écriture hachée, haletante, faisant cohabiter grands événements, anecdotes célèbres et invention avec une maîtrise et une homogénéité absolues, déroulant son action sur un rythme qui ne nous laisse aucun répit, nous accorderait presque la légitimité de pouvoir prétendre : "j'y étais"...


C’est l’histoire d’un braquage

C’est l’histoire d’un lot d’émeraudes.

C’est l’histoire d’un gamin qui cherche sa mère.

C’est une histoire de rédemption.

C’est une histoire de mafia.

C’est une histoire de manipulations.

C’est l’histoire d’une vengeance.

C’est une histoire d’amour.

C’est une histoire de corruption et de magouilles.

C’est l’histoire d’une Rouge.

C’est une histoire de flics ripoux, de privés, de barbouzes et de truands.

C’est une histoire de folie.

C’est l’histoire de l’Amérique, d’Haïti et de la République Dominicaine entre 1968 et 1972.

C’est une histoire de sexe, de film porno et de meurtres.

C’est une histoire de femmes fortes et d’hommes qui doutent.

C’est une histoire de transe, de vaudou et de drogues.

C’est l’histoire de la fin du règne de Hoover, patron du FBI.

C’est l’histoire de l’élection de Nixon et de son premier mandat.

C’est tout ça, et c’est beaucoup plus que ça.

Le prologue, qui décrit le braquage, vaut à lui seul l’achat du bouquin. Les 840 pages qui suivent sont à l’avenant. Un conseil : évitez d’attaquer ce pavé si vous n’avez pas un minimum de temps à lui consacrer, au moins au début : Ca commence fort, il y a beaucoup de personnages, c’est dense, et il faut un peu s’accrocher au début. Après, on est emporté par le flot furieux.

Difficile d’écrire un papier structuré sur ce monument.

Stylistiquement et rythmiquement c’est impressionnant. Ellroy réussit, littéralement, à « manipuler » votre rythme respiratoire. J’ai eu une sensation d’essoufflement, j’ai eu l’impression d’étouffer, de suffoquer comme le personnage, j’ai eu le sentiment d’urgence qui pousse à lire, de plus en plus vite, à trébucher sur les mots, au diapason avec un personnage qui court contre le temps et la mort. Il « manipule » aussi votre cerveau, vous met, littéralement encore, à l’intérieur de la tête de ses personnages, vous fait suivre leur raisonnement, dans sa logique mais aussi dans ses sauts brusques, dans ses intuitions brutales.

Stylistiquement encore il épouse les délires verbaux de racistes effroyables, pour passer ensuite à l’argot de truands boirs, passe de la sécheresse d’un télex entre barbouzes à un article de journal, puis à la subjectivité d’un journal intime … Et tous sonnent vrais.

Impressionnant. Je ne lis pas Ellroy dans le texte, mais il faut souligner la qualité du travail de Jean-Paul Gratias son traducteur.

Et quels personnages ! Avec, en particulier, trois femmes extraordinaires (je vous les laisse découvrir) et toute la galerie ellroyienne, du flic ripoux et brutal aux privés fouille-merde spécialisés dans les divorces et autres coucheries, des tueurs sans pitié (dont un certain Jean-Philippe Mesplède) aux abrutis haineux d’extrême droite … Tous ces personnages auxquels il sait si bien donner chair et consistance. Pas de chevalier blanc, bien entendu, seulement quelques vrais pourris, et des « gris », avec leurs forces, leurs faiblesses, leur lot de saloperies, et la possibilité, toujours offerte de changer … souvent à cause d’une femme.

Et quelle maestria dans la maîtrise d’une intrigue d’une grande complexité, qui disparaît, semble oubliée, pour ressurgir au moment où on ne l’attend plus, et finir par donner un ensemble totalement cohérent, malgré les mille tours et détours de l’histoire.

Enfin, quel tableau de l’Amérique de ces années 68 / 72 ! Politique intérieure, politique extérieure, mafia, crime, mouvements sociaux, soutien aux pires dictatures dans les caraïbes, écrasement des mouvements pour les droits civiques, évolution lente des mentalités … Tout, tout est dit, et de quelle manière. Point besoin, après ça, d’aller consulter les livres d’histoire.

Un dernier point. Je sais bien qu’il ne faut pas essayer de faire dire aux romans et aux romanciers ce qu’on a envie d’entendre. Et je sais également qu’Ellroy a commencé à travailler sur sa trilogie il y a bien longtemps. N’empêche, cette phrase, que j’ai déjà citée hier :

« Les raids anti-Rouges. Les libertés individuelles suspendues, abrogées, écrasées, prohibées, supprimées. Les droits du Premier amendement conchiés. Rafles politiquement motivées, emprisonnements sous de faux prétextes, expulsions selon le bon vouloir des autorités. Simultanément, résurgence des groupes anti-immigrants et du Klan. John Edgar Hoover mesura la force de la peur et l’exploita. »

résonne étrangement aujourd’hui non ?

On peut imaginer que ce n’est pas voulu …Quoique j’ai un peu de mal à imaginer qu’un écrivain aussi éblouissant dans sa maîtrise de la langue et de la construction, puisse écrire, sans se rendre compte des étranges parallèles avec l’époque actuelle, une phrase qui semble coller aussi parfaitement à l’Amérique post 11 septembre.

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