Dans la vallée
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l’avis des lecteurs
Le temps semble s’être arrêté dans ce village du sud de l’Irlande égaré dans la vallée et battu par la famine. Nóra Leahy a perdu son mari et sa fille et se retrouve seule avec son petit-fils de quatre ans, infirme. Pourtant, Nóra s’en souvient : quelques années plus tôt, Micheál marchait et commençait déjà à parler. Que lui est-il arrivé ? A-t-il été changé, remplacé pendant la nuit par les fées qui auraient posé un démon dans le berceau ? Est-ce à lui que la vallée doit la malédiction qui la frappe ? Mary, la jeune servante que Nóra vient d’engager, se laisse impressionner par les commérages du village et les rapporte à sa maîtresse. Ensemble, les deux femmes se mettent en quête de la seule personne en mesure de sauver Micheál : une originale, qui vit seule dans la lande et parle le langage des plantes. Car, même si tout le monde s’en méfie, on sait que la vieille Nance Roche a le don. Qu’elle communique avec le peuple invisible. Et qu’il n’y a qu’elle pour faire revenir ceux qui ont été enlevés…
Dans la vallée est un roman qui restera longtemps gravé dans ma mémoire de lectrice. Hannah Kent s’inspire d’un fait divers survenu en Irlande au XIXème siècle pour nous raconter une histoire à la fois fascinante et glaçante, celle de Nora et de Micheal son petit-fils infirme.
Le premier chapitre du roman donne le ton: Nora vient de perdre son mari, Martin. Elle se retrouve seule dans sa pauvre chaumière avec Micheal, son petit-fils qu’elle a adopté après le décès de sa propre fille. L’atmosphère est pesante. Il pleut, il fait noir, le mort est exposé dans la chambre. Les hommes et les femmes du village viennent lui rendre un dernier hommage dans la fumée des pipes et l’odeur de l’alcool local, le poitin. Le décor empli de pauvreté et de misère est planté.
Rapidement, on commence à murmurer, à répandre des rumeurs sur la mort de Martin. On l’aurait vu tomber au croisement de deux chemins, près d’un site dédié au petit peuple. On aurait vu des pies et des corbeaux ayant un étrange comportement peu avant qu’il ne meure. Et si les fées y étaient pour quelque chose?
Nance Roche, figure reclus et exclue du village, guérisseuse, interlocutrice privilégiée du petit peuple, vient jeter un voile mystérieux sur cette mort qui devient de plus en plus suspecte lorsque les habitants découvrent le mal mystérieux qui habite Micheal.
Hannah Kent nous emmène au cœur d’une Irlande partagée entre deux croyances: la religion catholique prend de plus en plus d’importance et d’ascendant, tandis que la tradition folklorique des fées et du petit peuple perd de son intensité. Elle raconte à la perfection ce tournant dans la foi des Irlandais. Il y a toutes les traditions, tout ce folklore qu’on continue à perpétuer malgré tout: les cendres dans les poches pour se préserver des tours joués par le petit peuple; le fer croisé sur le berceau du bébé pour l’empêcher d’être enlevé et remplacé par un changelin. Et puis il y a la religion catholique qui prend de plus en plus d’importance sur ces croyances qui deviennent dépassées, ridicules, d’un autre siècle.
L’auteur prend son temps pour poser la situation et montrer l’enjeu de ces croyances qui se télescopent. Nora et son petit-fils vont cristalliser toutes les peurs et toutes les superstitions. Peu à peu, l’atmosphère du roman devient pesante et lourde et sombre. Nora, en essayant de guérir son petit-fils, va se livrer à des actes de plus en plus extrêmes. Nous autres, simples lecteurs, assistons à une progression lente mais inexorable du drame qui se profile à l’horizon sans que nous puissions agir. En lisant ce récit, on ne peut que frissonner.
Nance Roche incarne à la perfection ce déchirement entre deux fois: guérisseuse, accoucheuse, on fait appel à elle pour soigner, pour contrer les mauvais sorts; on la rejette lorsqu’elle échoue, l’accusant de sorcellerie. Figure d’exclue, Nance est un personnage très mystérieux qui va tenter d’aider Nora. Elle se situe à la frontière: est-elle folle ou possède-t-elle le don? Les pages qui accompagnent ce personnage sont très belles et rendent hommage à la nature majestueuse et redoutable.
Dans la vallée est assurément un très beau roman, parfois contemplatif, qui entraîne le lecteur au cœur des croyances irlandaises entre folklore et superstition. Il entre parfaitement dans mon #PumpkinAutumnChallenge dans la catégorie « clochette, grimoire et chandelle ».
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