Quand je serai roi
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l’avis des lecteurs
Je n’avais pas été convaincu par le premier roman d’Enrique Serna traduit en France, Peur des bêtes. Malgré un style indéniable, il y réglait, à mon goût, trop de comptes avec le milieu littéraire mexicain. J’avais trouvé le procédé un peu limite, et comme de plus, il parlait de gens dont j’ignorais tout, j’étais resté dubitatif.
Quand je serai roi est, de mon point de vue, infiniment meilleur.
Mexico, années 80. Nopal, douze ans, fuit un foyer triste pour se retrouver avec ses amis et s’oublier en sniffant de la colle. Marcos, riche propriétaire d’une radio putassière, invente un concours imbécile pour récompenser un enfant ayant fait preuve d’héroïsme. Son fils Marquitos, adolescent fêlé, s’amuse à tirer sur les pauvres depuis le toit de sa maison. Damian, pauvre type minable, s’accroche à une dignité factice, pour supporter une vie terne au côté de sa mère … Quelques gamins de rues, de riches parvenus, de soi-disant intellectuels pontifiants, un journaliste tiraillé entre ses convictions et la nécessité de gagner sa vie … Autant de personnages qui vont se croiser, pour le meilleur, et surtout pour le pire.
On retrouve la verve et le style du premier roman, mis cette fois au service d’une œuvre beaucoup plus ambitieuse. Adoptant à chaque chapitre un nouveau point de vue, Enrique Serna construit un véritable kaléidoscope, succession de scènes, en apparence sans rapport les unes avec les autres, qui finissent par trouver leur cohérence au fil du récit.
Il dresse le portrait entre drame, farce grinçante et grand guignol d’une ville de Mexico aussi baroque et extrême que celle décrite par Taibo, et d’une société mexicaine éclatée, où la misère culturelle est le seul point commun entre des gamins sans éducation, et une classe de nouveaux riches fascinés par ce que le voisin nord américain propose de plus clinquant et de plus vulgaire.
L’auteur se montre brillant dans tous les registres de son écriture. Il passe de dialogues d’une vacuité effarante lors de réceptions entre parvenus, au pathétique ou au surréaliste quand il donne la parole aux gamins à l’esprit embrumé par les vapeurs de colle, fait entendre la frustration de Damian, ou délires conditionnés par une télévision abrutissante de sa mère ; sans oublier l’hypocrisie sirupeuse des jurés du concours d’héroïsme et des officiels qui se prêtent à cette pantalonnade.
C’est méchant, grinçant, parfois drôle, parfois émouvant, souvent absurde, toujours juste. Une façon originale et puissante, à défaut d’être aimable, d’évoquer la société mexicaine.
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