Célestopol – 1922
  • Date de parution 11/05/2023
  • Nombre de pages 704
  • Poids de l’article 302 gr
  • ISBN-13 9782072962141
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche
Dystopie et Uchronie Steampunk

Célestopol – 1922

4.18 / 5 (153 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Une année à la découverte des mirages et des merveilles de la cité sélène, joyau de l'âme slave arraché à la Terre, entre les mains d'un duc au destin défiant le cours du temps. Une année où croiser dans ses rues Marie Curie, l'archiduc Francois- Ferdinand ou Howard Carter, mais aussi humbles ouvriers, voleur volubile ou automates au coeur de cuivre. Entre ruines lunaires à explorer, un championnat du monde d'échecs à préparer ou des complots à déjouer... Les canaux ambrés de la ville n'ont pas fini de vous dévoiler ses secrets !Emmanuel Chastellière nous invite à redécouvrir une ville bâtie sur la Lune dans l'ombre de Jules Verne, à l'aube d'une aire nouvelle délicieusement uchronique, à travers 13 histoires qui s'entrecroisent dans un véritable chasse-croisé étourdissant.

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  • Date de parution 11/05/2023
  • Nombre de pages 704
  • Poids de l’article 302 gr
  • ISBN-13 9782072962141
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Avec Célestopol 1922, Emmanuel Chastellière revient le temps d’une année dans sa cité lunaire, qu’il avait présentée avec son premier recueil de nouvelles Célestopol. Ce second recueil, paru aux Editions de l’Homme Sans Nom, figure parmi les 25 sélectionnés du #PLIB2022, et je voulais absolument le lire avant la phase suivante. D’une part, parce que j’ai mis en pause courant 2021 le premier recueil. D’autre part, parce que j’avais vraiment envie de comprendre cette œuvre. Je sentais avec Célestopol que quelque chose m’échappait. Par chance, les deux recueils n’étant pas liés par un ordre de lecture établi, je me suis plongée dans Célestopol 1922.

Composition de Célestopol 1922

13 nouvelles, dont deux grosses. L’une après le premier quart, l’autre en avant-dernière position, comme le point d’orgue du recueil (dont s’inspire le visuel de couverture d’ailleurs). A part ces deux-là, des nouvelles assez homogènes dans la longueur (une vingtaine de minutes de lecture pour chacune). Un recueil assez équilibré dans la forme, donc.

Toungouska. Vue indirecte sur Célestopol, avec encore les pieds sur Terre. Le but : démarcher un physicien spécialiste des matériaux et le ramener à Célestopol, avant que ses découvertes terriennes ne changent le rapport de force entre la Lune et la Terre.

Mon rossignol. Lutte d’une communauté ouvrière pour une hausse de salaires, avec le soutien de députés.

Sur la glace. Quand un prodige patineur rechausse ses patins, et qu’un automate est touché par cette beauté. Une nouvelle très touchante.

Memento Mori. Une famille hantée par le deuil et l’absence de l’être aimé plonge dans un cercle vicieux, de solitude, de folie et de violence.

Une nuit à l’opéra Romanova. Première nouvelle assez longue. Illusion et prestidigitation : on est ici entre sciences et magie, sur le fil; ce qui caractérise bien Célestopol.

Le correcteur de fortune. Pile, ou face : un personnage détient le pouvoir de faire basculer la chance…

Katarzyna. Voyage spatial et temporel, une jolie boucle qui donne le vertige.

Le revers de la médaille. Célestopol se dote d’une Marianne sur ses pièces. Un personnage qui reflète l’idéalisme originel de Célestopol.

Un visage dans la cendre. Descente dans les sous-sols de Célestopol, dans le métro abandonné peuplé de chats errants.

La malédiction du pharaon. Rencontre avec un personnage bien réel, venu sur Célestopol pour entreprendre des fouilles sur un site étrange.

Paint Pastel Princess. Plongée dans la prostitution automate.

La fille de l’hiver. La nouvelle la plus longue du recueil. Aux origines de Célestopol, et dans les tourments que génèrent nos vies antérieures. Le texte que j’ai préféré du recueil.

Danser avec le chaos. La drogue de Célestopol brouille la frontière entre réel et rêve, et trois jeunes femmes prisonnières du pensionnat se retrouvent prises au piège, face aux sorcières et au maître du Chaos.

Des attentes détournées

Vous attendez du steampunk à fond les ballons ? Des matériaux aux noms bizarroïdes, des ballons qui volent, des trucs roulants qui sifflent, des écrous partout ? Vous voulez des pavés de descriptions sur la ville, comprendre comment elle a été construite, quand, à quoi ressemblent ses rues, ses monuments ? Vous voulez un fil linéaire de ses débuts à maintenant ? Une belle ville idéale, clinquante, merveilleuse ? Si vous répondez oui à ces questions, je préfère vous prévenir : vous n’aurez rien de tout ça dans Célestopol 1922.

Car Emmanuel Chastellière sait exactement ce que vous attendez. Et il prend un malin plaisir à ne pas vous donner ce que vous voulez. Ce serait beaucoup trop facile. Trop classique. Vous allez la découvrir, cette cité lunaire. Mais autrementIndirectement. Par le biais des personnages qui y vivent, et qui témoignent de son organisation, de son fonctionnement. Par eux, on arpente ses rues; on prend de la hauteur de vue pour l’observer depuis la Terre. Ou on s’enfonce dans ses entrailles. Par les personnages, on comprend son origine, son histoire, son organisation sociale. Ce sont des petits bouts épars et mis bout à bout qui offrent une vue impressionniste de la ville.

De nouvelle en nouvelle, j’ai fini par apprécier ma lecture, comprenant le parti pris de l’auteur. Il y a là un projet littéraire fort intéressant. Emmanuel Chastellière renouvelle le steampunk, offrant notamment aux automates une humanité touchante. On a tous les ingrédients du steampunk, mais moins évidents à trouver, distillés dans le texte, à petites doses, souvent juste évoqués. Mais il déconstruit aussi le format court. Ici, on a des tranches de vie, plus intimes, nous laissant avec davantage de questions que de réponses, et les sans péripéties bouleversantes et finement dosées qui donnent habituellement aux nouvelles leur rythme trépidant.

Célestopol 1922 : un recueil très humain

Humain, et terrien. La morale de Célestopol 1922, s’il y en avait une, pourrait être celle-ci : les Hommes, où qu’ils aillent, où qu’ils vivent, restent les mêmes. Refont les mêmes erreurs. Célestopol, c’est une ville très terrienne, finalement, qui reproduit le schéma terrien. On a souvent l’impression d’être resté sur Terre. J’avais dans l’espoir de trouver une ville lumineuse, idéale et parfaite, or Célestopol révèle les mêmes travers que ses jumelles terriennes, avec ses mêmes personnages très ambivalents. C’est un univers dur, impitoyable et clivant qui se donne à lire ici.

 » – Tu sais, lorsque j’étais encore là-bas… Combien de fois ai-je levé les yeux sur la Lune, plus jeune, en songeant à ce qu’elle pouvait bien cacher. Tant de mystères, de trésors… J’imaginais de véritables royaumes, des empires, si différents des nôtres. Sans guerre, sans famine, sans épidémie. Un beau rêve, n’est-ce pas ? Tellement naïf, surtout, ajouta t-elle, ses traits toujours plus durs. Je me suis trompée. Le seul royaume qui survit ici ne vaut pas mieux que ceux qui défigurent la Terre ».

Le recueil est un assemblage de nouvelles qui sont des parenthèses de vies. A l’image du recueil, parenthèse d’une année dans la vie de Célestopol. Elles mettent en scène des personnages fragiles et violents, ambigus, finement dessinés, et qui s’épaississent au fur et à mesure du recueil, avec leur retour dans plusieurs nouvelles. Peu à peu, les personnages se retrouvent plus ou moins liés, et ces rapprochements créent des échos dans l’ensemble du recueil qui trouve là son harmonie. Emmanuel Chastellière offre ainsi des textes avec beaucoup d’humanité, et de foi en ses personnages. L’auteur les aime, cela se ressent. Mais il nous offre une belle palette de caractères : des victimes, des héros, des personnages odieux, des blessés… toutes couches de population confondues.

Une mélancolie ambiante teinte alors l’ensemble du recueil. Quelque chose de doux amer, comme une belle aventure avortée, qui n’a pas pu aller jusqu’au bout des espérances promises. En cela, La fille de l’hiver et Le revers de la médaille sont très révélatrices de l’esprit originel de Célestopol. On y découvre le pourquoi de la création de la ville, ses idéaux espérés, et ce qu’elle est réellement devenue. L’écart entre les deux crée une ambiance sans cesse teintée de tristesse, d’espoirs déçus, de destins avortés, qu’on retrouve dans quasiment toutes les nouvelles. Il y a donc une très belle unité de ton dans ce recueil, dans lequel percent tout de même quelques lueurs d’espoir.

Je crois que je vous ai déjà habitués à des chroniques comme ça : dans lesquelles je vous dis que je n’ai pas eu de coup de foudre pour le bouquin, mais qu’en même temps, je l’ai trouvé génial. C’était le cas de Rocaille, notamment. Plus récemment, c’est ce que j’ai ressenti avec Citadins de demain et Le sang de la cité. Des œuvres particulières, avec un fort parti-pris, qui forcément n’embarquent pas tout le monde avec eux. Mais des textes qui offrent quelque chose de novateur et d’assez génial : une plume originale, un renouveau dans les genres, un bousculement des codes… Et ça, j’adore. C’est donc précisément pour cette raison que je mets Célestopol 1922 dans mes 5 titres du PLIB2022 : en plus de la promenade que j’ai appréciée, il y a là un projet littéraire génial qui à mon sens a toute sa place dans un prix littéraire.


Êtes vous prêts pour un voyage sur la Lune il y a une centaine d’années? C’est à cette découverte que vous convie Emmanuel Chastellière avec Célestopol 1922. Le livre parait le 18 mars (un bon mois pour voyager dans l’espace) aux éditions de L’Homme Sans Nom. La très belle illustration de couverture est signée Marc Simonetti et met bien en valeur la diversité de la cité lunaire. On trouve également à la fin de l’ouvrage une carte de la ville réalisée par Olivier Sanfilippo. Célestopol 1922 est une uchronie contenant treize histoires qui s’entrecroisent pour former un panorama de l’année 1922 dans la cité lunaire.

Un peu d’histoire

Le premier recueil Célestopol se déroulait sur des périodes différentes allant de 1901 à 1932. Ce second livre se déroule uniquement en 1922, essentiellement sur la lune, bien que quelques textes nous projettent sur Terre. Nous sommes dans un début de 20eme siècle fictif, l’empire russe a réussi à conquérir la lune et à y bâtir une cité lunaire baptisée Célestopol. C’est une cité sous verre, dirigée par le duc Nikolaï qui a fait de la ville son territoire, et veut en faire le fleuron du nouveau monde. La ville tire sa puissance d’une substance que l’on trouve uniquement sur la lune, le sélénium. Les canaux de sélénium donnent une ambiance particulière à la cité, avec une brume souvent présente. Des ponts de marbre enjambent les canaux et de belles coupoles vert de gris ajoutent à la beauté de la cité en surface. En effet, Célestopol cache une face moins reluisante dans ses souterrains où habitent les moins fortunés. On arrive dans la cité par le cosmodrome de Célestopol où l’on peut voir les armoiries de la ville avec la devise de la cité, instaurée par le duc Nikolaï, Oderint Dum Metuant.

Pendant ce temps, sur Terre, la situation est assez différente de celle de nos livres d’histoire. La Russie toute puissante est dirigée par l’Impératrice Glorianna qui n’est autre que la mère du Duc Nikolaï, l’Allemagne a de nombreuses colonies en orient. L’Angleterre et la France ont subi de nombreux revers et font pale figure par rapport aux deux autres puissances. Napoléon IV dirige un Empire en Amérique où les forces françaises sont retirées en Nouvelle-France et espèrent un jour se venger de la Russie qui les a battues. L’Asie compte deux puissances principales : le Japon (via la république d’Ezo) et le royaume de Silla (en Corée).

Un petit tour d’horizon

Refermons la page historique pour nous consacrer aux différentes histoires formant cet ouvrage. Nous sommes en 1922 et Célestopol est une puissance importante qu’il ne faut pas négliger et qui essaye de prendre son indépendance par rapport à l’Empire de Russie. La cité est un espace cosmopolite où l’on croise des gens de tous les horizons, et aussi des automates. En apparence et à la surface, la ville regorge de merveilles à visiter et a de quoi alimenter la splendeur tant désirée par le Duc. Cependant, la ville abrite aussi des gens moins fortunés et vivant dans les profondeurs de Célestopol. Dans Mon rossignol, on découvre une face cachée de la cité lunaire, avec des tensions ouvrières qui frappent les usines Gloski. Les salaires sont insuffisants et les ouvriers sont contraints de trimer et de vivre dans les profondeurs. Alissa qui travaille dans ces usines prend contact avec Milan, un parlementaire et ancien ami de la jeune femme lors de ses études. Elle espère ainsi faire changer les choses. Une nouvelle qui permet de prendre conscience que les différences sociales existent également à Célestopol. Un visage dans la cendre a pour personnage principal, Kokorin un jeune voleur qui a du mal à joindre les deux bouts et est obligé d’accepter une piètre mission où il s’agit de retrouver un chat perdu. Ce texte parle également de la bande des cheyennes que l’on retrouvera par la suite.

En cette année 1922, il se passe des événements importants pour Célestopol comme les championnats du monde de patinage artistique relatés dans Sur la glace, un des plus beaux textes du recueil qui a pour héros Victor Balagov un ancien prodige ayant refusé de participer aux jeux olympiques de 1920. Un texte tout en émotion où on retrouve Ajax, l’automate majordome du Duc. L’année est aussi marquée par la présence de Marie Curie en ville. On pourra la rencontrer dans Le revers de la médaille, une nouvelle où il est question de club de lecture, de féminisme, d’écriture et de pièces de monnaie. C’est aussi l’occasion de croiser Tuppence Abberline déjà aperçue dans les rues de la cité. Les spectacles de magie remplissent aussi les salles de spectacle en cette belle année comme on peut le voir dans Une nuit à l’opéra Romanova. Cette nouvelle nous permet de retrouver les célèbres mercenaires Arnrùn et Wojtek qui sont engagés pour maintenir la sécurité au cours de la vente d’un célèbre tour de magie. Ce texte est un des plus longs du livre et a un côté aventures mêlées de fantastique. On se laisse facilement prendre par la magie du spectacle. Arnrùn et Wojtek ouvrent d’ailleurs le recueil dans Toungouska qui se déroule en Sibérie, où un étrange évènement s’est produit en 1908. L’occasion de parler de la rivalité entre L’Empire de Russie et la cité lunaire. L’année 1922 est aussi celle où se déroule le premier tournoi d’échecs où s’affrontent l’homme et la machine comme on peut le voir dans Le correcteur de fortune.

Les 13 histoires de cet ouvrage forment un panorama de Célestopol en 1922 avec un véritable ballet de personnages qui s’entrecroisent au gré des différents récits par des mentions, des rencontres fortuites. Toutes ces nouvelles sont ainsi liées à la fois par la ville et par les personnages que l’on découvrent, qui peuvent être des proches du Duc, des célébrités ou des anonymes, des gens ordinaires. Par exemple, Memento Mori met en scène Joseph Ackerman, un veuf habitant avec ses deux filles âgées de 16 ans et 6 ans. On reverra ces personnages par la suite. Autre personnage ordinaire celui de Kasia dans le texte Katarzyna, ancienne pilote d’aéropostale qui a perdu son mari il y a quelques mois lors d’une liaison pour la terre. Ce texte fait partie de mes préférés du livre, on y trouve une part de mystères, d’émotions et un très beau portrait de femme. Célestopol c’est aussi la ville des automates que l’on peut croiser un peu partout mais aussi dans l’établissement chez Hécate, une maison close d’un nouveau genre où travaillent Léon, un vétéran de l’armée et Pélagie dans Paint pastel princess. Une nouvelle très réussie qui montre l’envers du décor et où on retrouve Li Chen, le maitre du casino de la ville.

Célestopol est une ville qui a des racines ancrées en Russie, pays de légendes, avec un riche folklore. L’âme de la ville est marquée par ce folklore dont il reste des bribes sous la modernité, sous la coupole de verre. Danser avec le chaos, texte qui a un petit côté lovecraftien, nous rappelle cet aspect de la ville et de la lune. La malédiction du pharaon met en scène Howard Carter, ancien archéologue qui vivote en Égypte et qui va avoir l’occasion d’essayer de percer à jour un mystère sur la Lune. Une histoire où les mythes ont aussi la part belle. Enfin La fille de l’hiver clôture l’année 1922 par du froid et de la neige, une fin d’année plutôt mouvementée à Célestopol. C’est la plus longue nouvelle du livre, pratiquement une novella où le passé de l’Empire Russe a son importance.

Célestopol 1922 est ainsi un très beau livre d’histoires qui sont comme des instantanés de la ville pendant une année, une année charnière pour la cité avec de nombreux événements, des personnalités, mais aussi la vie de gens du commun. La cité de Célestopol est le véritable personnage du livre, on la découvre ou redécouvre avec toujours autant de plaisir en se laissant porter par la très belle plume de l’auteur et en arpentant ses rues. Alors n’ayez pas peur, laissez vous tenter par ce voyage, laissez vous porter par les battements du cœur de la cité, promenez vous au bord de ces canaux ambrés. La lune est à votre portée!

Je crois que j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans le coin, mais ça vaut le coup d’être répété ; la confiance, c’est sans doute la ressource à laquelle je suis le plus attaché en tant que lecteur, celle que je considère comme la plus précieuse, parce qu’elle se construit sur le long terme. Or, c’est sur ce même long terme que mon attachement à Célestopol s’est surtout bâti. Déjà près de deux ans après sa lecture, j’en ai conservé des souvenirs qui en sont devenus meilleurs au fil du temps. Et même si ma lecture de La Piste des Cendres fut un peu compliquée, j’ai quand même trouvé en Emmanuel Chastellière un auteur très solide, dont les ambitions narratives me parlent, malgré quelques rares incompatibilités.

Donc, très logiquement, quand il a annoncé la sortie d’une suite à Célestopol, un ouvrage pour lequel mon estime n’a cessé de monter depuis sa lecture, j’étais très content ; d’autant plus que l’écrin proposé par les éditions de l’Homme sans Nom titillait allègrement mon côté fanboy d’illustrations magistrales de couverture. Ça aussi, ça mérite d’être répété : Marc Simonetti, il déconne zéro.

Mais bref, s’extasier c’est bien joli, il s’agit de chroniquer, tout de même ; parce que Célestopol 1922, c’est un joli morceau.

Si vous voulez bien prendre la peine de me suivre.

Je crois que c’est la première fois que je lis un fix-up faisant suite à un autre fix-up. Et c’est le premier aspect de cet ouvrage sur lequel je vais me pencher, parce que je crois qu’il participe grandement au sentiment étrange qui m’a habité pendant une grande partie de ma lecture. Si j’avais finalement tant aimé le premier volume narrant les aventures de cielles vivant à Célestopol, c’était pour la qualité presque organique de dénominateur commun de cette dernière. La ville n’est pas seulement une toile de fond, elle est un personnage à part entière, répondant seulement à des impératifs autres que ceux auxquels on pourrait traditionnellement s’attendre.

Partant de là, je m’attendais à pouvoir profiter de cet effet de liant dès le début de ma lecture de cette suite, fort de mes souvenirs ; prêt à débusquer les détails et clins d’œil à des événements ou personnages déjà croisés ou destinés à l’être. Et si, en effet, je n’ai pas été déçu de ce côté là, sans que j’arrive réellement à me l’expliquer, il y avait un truc qui n’allait pas. Les nouvelles étaient excellentes, très franchement, je dirais même qu’Emmanuel Chastellière a relevé son standard de qualité par rapport à son premier volume. Cette fois ci, aucune faiblesse à signaler, aucune nouvelle dont j’aurais pu dire qu’elle était en dessous des autres. Et pour autant, j’avais l’impression qu’il manquait un petit quelque chose, sans réussir à qualifier la nature du vide. Mais j’y reviendrai.

L’essentiel, d’abord, c’est d’insister sur les grandes réussites de cet ouvrage, à savoir sa cohérence thématique et son travail atmosphérique. Il exsude de ce livre une profonde et touchante mélancolie, malgré la multiplicité des genres convoqués pour nous narrer les destins de cielles qui parcourent les rues si singulières de la cité de la lune. Je ne me suis ainsi jamais ennuyé, bien que j’ai sans doute plus apprécié le travail d’Emmanuel Chastellière de façon analytique que vraiment émotionnelle ; c’est à mettre sur mon compte, pas le sien. Malgré la distance de la fiction et l’application technique, ses personnages sont organiques, ils ont du souffle, ils racontent et vivent des choses aussi curieuses que poignantes, selon les circonstances. C’est assez terrible, en fait parce que je n’ai que des compliments assez bateaux à formuler, malgré tous mes efforts d’imagination. Célestopol, pour notre plus grand plaisir, est une ville vivante qu’on apprécie lire au travers de cielles qui l’habitent, malgré son ambiance parfois lourde de sentiments difficiles, grâce à ses personnages se croisant d’une nouvelle à l’autre, des implications cachées et les rappels à notre réalité distillés dans son uchronie.

Oui, franchement, c’était juste excellent, alors qu’est ce qui pouvait bien me donner ce sentiment si curieux d’avoir raté quelques chose ? J’ai beau avoir une excellente mémoire, ma lecture du premier Célestopol datait tout de même un peu, l’explication me semblait aisée ; l’oubli devait être la clé. Quelque chose dans la chronologie, peut-être, ou quelques détails me titillant inconsciemment, faisaient qu’inlassablement, je me disais, quand même, que quelque chose n’allait pas. Et j’insiste vraiment là dessus, parce que ce sentiment ne voulait pas partir. Peu importe la nouvelle, malgré mon niveau de plaisir et d’abandon au cœur des récits qui m’étaient proposés, il arrivait toujours un moment où, sans vraiment réussir à me l’expliquer, je fronçais les sourcils. Mais si le premier volume m’avait offert une leçon, c’était bien qu’il fallait que j’aie confiance en son auteur. Alors, sans peine, je persévérai, en espérant trouver ma réponse, la même illumination que la première fois, ce moment où Emmanuel Chastellière me donnait la clé qui faisait différemment sens de l’ensemble, me donnant encore une fois de relire l’ensemble pour voir ce que j’avais raté.

Le meilleur moyen de résumer mon ressenti face à ma lecture de l’astuce de l’auteur, ce serait de déclarer ceci : « Non seulement j’ai eu envie de relire l’ensemble, mais j’ai aussi envie de relire le premier volume, maintenant ». Tu parles d’une illumination. Qu’est ce que c’est malin, et à tant d’égards.

Nul besoin d’en rajouter, je crois. À vrai dire, les mots me manquent un peu tant le sentiment est simple. Le travail d’architecture est toujours aussi cool, c’est aussi basique que ça. Célestopol la ville est un formidable terreau pour l’imagination fertile d’un auteur aussi exigeant qu’Emmanuel Chastellière, qui semble toujours vouloir aller au delà des limites qu’il s’est lui-même imposées ; non pas par hubris, mais par saine ambition. Cet univers uchronique fantasmé est riche d’idées, de concepts et de possibilités ; nul doute qu’il n’a pas fini de nous dévoiler toutes les surprises que son auteur nous réserve.

J’avais hâte de lire ce volume, maintenant j’ai hâte de le relire et de relire son prédécesseur, comme j’ai hâte de lire une potentielle nouvelle suite (sans parler de la beauté potentielle de la prochaine couverture si l’équipe reste la même ; ça compte). Je crois qu’on appelle ça un succès.


Depuis mars dernier, Emmanuel Chastellière nous invite à retourner à Célestopol. En effet, Célestopol 1922 est le deuxième recueil de nouvelles qui prend cadre dans la plus célèbre des cités lunaires. 

A travers treize autres nouvelles, l'auteur explore de nouvelles facettes de la cité. Que ce soit pour la toute première fois ou la seconde, on est toujours aussi subjugués par le charme slave de cette utopie. 

Célestopol célèbre la démesure d'un homme qui a voulu faire de ce lieu, un antre pour les arts et les sciences. Refuge pour lui-même car il se met, ainsi, hors de portée de la terrible et orgueilleuse tsarine, mais aussi pour tous les esprits éclairés intéressés de venir voir de plus près cette curiosité. Célestopol dégage un véritable art de vivre qui prend parfois forme dans l'intimité des salons tels celui de la célèbre maîtresse du duc Nikolaï, Tuppence Abberline où se croisent des personnalités brillantes comme Marie Curie et des figures inconnues, éprises de liberté et d'indépendance, à l'image de Be-Yeong, qui par sa franchise et sa vivacité, dans "Le revers de la médaille" a su attirer la sympathie d'une femme tout aussi fascinante. L'art étant au premier plan, il est donc normal que nos pas nous conduisent à l'opéra Romanova. C'est un bijou architectural que l'on doit à l'illustre architecte français, Charles Garnier et qui représente la seule touche occidentale au milieu de ce patrimoine russe. Dans "Une nuit à l'opéra Romanova", la soirée s'annonce mouvementée. En effet, Arnrun et Wojtek sont chargés d'assurer la sécurité d'un prestidigitateur de renom, Selim le Magnifique qui se produit justement à l'opéra. Le spectacle est subjuguant et le magicien, magistrale. Lorsque le clou du spectacle arrive, tout le monde est suspendu car Selim a décidé de conclure en utilisant le fameux miroir magique dit maudit. La foule s'attend donc à un dénouement mortel. Mais voilà que sur la surface du miroir apparaît une rue commerçante bien connue de Célestopol, plus surprenant encore de voir le magicien traverser le miroir pour revenir cinq minutes plus tard avec un bouquet de fleurs, acheté au fleuriste du coin. Puis, l'envie lui prend d'aller emprunter le tableau de Léonard de Vinci, Salvator Mundi, nouvellement exposé au musée afin que tous puissent l'admirer. Un chef d'oeuvre prêté pour l'occasion par l'archiduc François Ferdinand qui, sous la plume d'Emmanuel Chastellière, est bien vivant en 1922. Mais alors que le magicien s'apprête à ramener l'oeuvre d'art, celle-ci lui échappe des mains pour prendre son envol. S'ensuit alors une rocambolesque poursuite dans laquelle Arnrun s'est engagée afin de remettre la main sur le tableau fuyard. Un brin décoiffant, cette aventure est digne de celles menées par le plus gentleman des cambrioleurs, Arsène Lupin. 

Mais sous le vernis de la belle Célestopol se cachent des quartiers plus sombres situés sous la ville que les élites ignorent volontairement. Bouillonnants de vie, les oubliés s'y croisent souvent sans se connaître. Parmi eux, l'auteur nous attache aux pas de certains pour nous faire partager des moments forts de leur vie. Par exemple, dans "Mon Rossignol", on fait la connaissance d'Alissa, une idéaliste qui veut renouer avec une ancienne relation pour aider la cause des travailleurs afin notamment d'améliorer leurs conditions de travail. Mais peut-elle réellement espérer se faire entendre des requins qui détiennent le pouvoir ? Entre luttes sociales, corruption et petite criminalité, les rues de Célostopol ne sont pas toutes sûres, surtout avec cette bande de voyous qui fait sa loi dans les bas quartiers. Pour faire écho aux célèbres Apaches qui ont mené la vie dure aux forces de l'ordre à Paris dans les années 20, Emmanuel Chastellière a imaginé un groupuscule similaire dont les membres se font appeler les Cheyennes. On croise d'ailleurs leur chemin à plusieurs reprises dans cet ouvrage. Ainsi, dans "Un visage dans la cendre", ils font la misère à un petit voleur du nom de Kokorin qui, pour tenter de leur échapper, s'est réfugié dans les couloirs abandonnés du métro. Seulement ils sont tenaces et lorsqu'ils ont flairé une proie, ils ne la lâchent pas si facilement. Anastasia dans "La fille de l'hiver" va, elle-même, en faire les frais. En effet, persécutée par ces derniers, elle représente un contrat juteux s'ils arrivent à la ramener à leur commanditaire. Véritables pieds de nez pour le duc Nikolaï, ils sont un fléau qui entache la sécurité de la cité lunaire et sèment beaucoup trop de cadavres sur leur passage. 

Dans la plupart des nouvelles de ce second volet de Célestopol, le duc Nikolaï brille surtout par son absence. Son nom est bien évidemment sur toutes les lèvres car il est tel un dieu omniscient qui veille sur la ville. Seulement, on le croise très peu si ce n'est à la fin dans la nouvelle déjà citée, "La fille de l'hiver" car il renoue avec son passé qui lui revient au visage comme un boomerang sous les traits de sa cousine, disparue 20 ans plus tôt. Reflet de ce passé enfoui et honni, Anastasia est de retour aussi authentique que différente. Qui est-elle ? Que veut-elle ? A Nikolaï de le découvrir mais est-ce bien raisonnable de remuer le passé ? 

Tantôt éblouissante, tantôt inquiétante, Célestopol est un cœur qui bat à l'unisson de tous ces destins que nous conte Emmanuel Chastellière. 1922 est bien une folle année pour tous ses héros. D'une nouvelle à l'autre, on est étourdi par leurs aventures, parfois improbables, souvent incroyables. De chacun de ses textes se dégagent une vraie poésie où la magie des contes russes s'invite au gré des envies de l'auteur comme lorsque le chat Baioun ou le Vourdalak entrent en scène pour nous plonger dans une douce rêverie.

N'oublions pas que Célestopol est une ville résolument moderne où la technologie s'exprime déjà par l'existence d'automates très performants. Ils ont donc dépassé le stade de simples machines. En tout cas, c'est la réflexion que l'on se fait en côtoyant le majordome du duc, Ajax. On prend vite conscience de l'humanité qu'il dégage, notamment dans "Sur la glace" où il rencontre un patineur déchu qui va l'ébranler au plus profond de son être au point de lui faire ressentir des émotions typiquement humaines. En plaçant des automates au rang de personnages, l'auteur pose la question de leurs droits et de leur statut au sein de cette société comme l'illustre la nouvelle, "Paint Pastel Princess". Certains humains comme Léon se battent pour faire changer le regard des gens sur ces robots. Et si le vrai progrès ne passait pas tout simplement par là ? 

Toute la diversité que brasse la cité lunaire induit ce questionnement sur les fondements de cette société que le duc a construit en pointant le doigt sur des questions morales et sociales. 

La pluralité des histoires proposée par Emmanuel Chastellière dans ce nouveau recueil renouvelle notre intérêt pour Célestopol. De plus, la carte dessinée par Olivier Sanfilippo et placée à la fin de l'ouvrage apparaît comme un nouvel appel au voyage. Il n'y a donc plus qu'à espérer que l'auteur reprenne vite sa plume pour nous offrir un nouveau billet pour la lune, peut-être pour y vivre cette fois-ci un séjour plus long sous la forme d'un roman. Qui sait ! 


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