Les corps inutiles
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Résumé : Clémence vient d’avoir quinze ans, de terminer le collège. Un nouveau cycle s’ouvre à elle lorsqu’elle est agressée, en plein jour et en pleine rue par un inconnu armé d’un couteau. Ce traumatisme inaugural – même si elle n’en a pas encore conscience – va contaminer toute son existence. En effet, l’adolescente réalise qu’elle perd progressivement le sens du toucher…
À trente ans, Clémence, toujours insensible, est une célibataire endurcie, solitaire et sauvage. Après avoir été maquilleuse de cinéma, la jeune femme se retrouve employée de la « Clinique », une usine d’un genre particulier. En effet, la Clinique fabrique des poupées… mais des poupées grandeur nature, hyper-réalistes, destinées au plaisir – ou au salut – d’hommes esseulés.
Le roman déroule en alternance l’histoire de Clémence adolescente, hantée par cette agression dont elle n’a jamais osé parler à sa famille, et le récit de Clémence adulte, assumant tant bien que mal les conséquences physiques et psychologiques de son passé.
Mais la vie, comme toujours, est pleine de surprises… (Babelio)
L’auteure : Delphine Bertholon, née en 1976 à Lyon, est une écrivaine française.
Elle est scénariste de profession. Elle vit à Paris dans le 11e arrondissement.
Mon avis :Quelles sont les séquelles d’une agression quand on a 15 ans, que l’on va à une fête entre amis, que c’est l’été et que votre bascule ce 29 Juin ? Clémence n’a pas été violée, ce n’est pas grave lui dit son petit copain et elle va se murer et ne rien révéler à sa famille, amis et basculer dans un autre monde.
Un monde de noirceur, de rencontres d’un soir, du soir anniversaire du 29, travailler à la Clinique à maquiller des femmes en plastique pour hommes paumés mais surtout elle va perdre tout sensation de son corps. Pas de sentiment, pas de réaction au chaud, au froid, va aller jusqu’à transformer son apparence afin d’être la plus transparente possible.
Douloureux chemin à parcourir jusqu’à la rencontre, providentielle, de Damien, flic au grand coeur, qui va lui permettre de retrouver sa dignité en lui montrant le chemin, mais aussi de Christophe, le simple du village mais plein de bon sens et d’évidence, et surtout Geppetto, l’homme qui grimpe aux arbres et qui va lui permettre de se révéler et de révéler sa douleur à sa famille et à elle-même.
Un extrait : Elle avait tant culpabilisé d’être dans un état pareil pour ce pas grand-chose, quand des filles se faisaient violer pour de bon, battre pour de bon et tuer pour de bon…… Depuis l’homme blond, juste au cas où, elle lisait tous les journaux, regardait toutes émissions de faits divers. Elle maîtrisait l’horreur jusqu’au bout des ongles et réalisait bien que sa mésaventure n’était qu’une broutille. Elle se haïssait d’en être à ce point détruite, se sentait lâche, faible, ridicule – et cette haine de soi était bien sûr le pire.
Clémence va renaître de ses centres au prix de blessures physiques, morales mais retrouvera des sensations, des émotions et un espoir de vie « normale ».
Joli roman conseillé par ma bibliothécaire et que je remercie (souvent) de ses judicieux conseils. Tout en finesse, sans fausse pudeur mais avec attention l’auteure
retrace le long chemin de désensibilisation de l’héroïne, de sa presque désincarnation avec des mots justes et une sensibilité, justement, à fleur de peau. On la sent investie dans le personnage en nous faisant partager les états d’âme de l’adolescente puis de la femme qui cherche, qui se cherche.
Le viol n’est pas toujours dans l’acte mais aussi dans l’intention et par la réaction des proches qui minimisent « l’incident ».
Je vais avoir l’occasion dans les mois à venir de rencontrer l’auteure……. Intéressant non!
Où?
Le roman se déroule principalement dans le Sud de la France (Rivesaltes, Salon-de-Provence, Perpignan, Marseille) ainsi qu’à Paris. Des séjours au Japon et à rio sont également évoqués.
Quand?
L’action se situe de nos jours.
Ce que j’en pense
***
La première réussite de ce roman tient à sa scène d’ouverture, à cet acte fondateur qui va conditionner tout le récit. La jeune Clémence, quinze ans, se rend chez ses amis pour fêter la fin de l’année scolaire. En chemin, un homme se jette sur elle et la menace d’un couteau. Agressée sexuellement, elle parviendra cependant à éviter le viol et à s’enfuir. Mais le mal est fait. Plus psychologique que physique, le traumatisme est d’autant plus grand qu’il ne peut être partagé. Que personne ne pourra la comprendre: « avouer l’agression, dans cette famille-là, ce serait se condamner à perpétuité. (…) Ce serait crever d’ennui et la minijupe éternellement bannie – j’étais en jean, bordel ! –, ce serait le père hagard s’abreuvant de pilules et la famille nombreuse tout entière au courant, sans exception. (…) À tout jamais victime, à tout jamais coupable, à tout jamais salie.»
Elle survit plus qu’elle ne vit. Elle ne comprend plus son corps. Ne ressent plus rien : «Cette fille rousse dans la glace, ce n’était pas Clémence Blisson, quinze ans ; c’était quelqu’un d’autre. Quelque chose d’autre, pensa-t-elle subitement. L’idée la fit frémir.»
La solution viendra-t-elle de l’éloignement, d’une autre vie loin de cette ville, loin de ces amis qui ne la comprennent plus, loin de ces parents qui n’ont toujours rien compris ?
« À l’aube du XXIe siècle, j’avais donc signé un prêt à taux exorbitant, bouclé mes valises, fait hurler ma mère, enrager mon père, pleureur ma sœur, et je m’étais retrouvée élève de l‘ITM – l’Institut technique du maquillage. J’y passai deux années très enrichissantes, qui me formèrent surtout à une habileté quasi miraculeuse pour une fille dans ma condition – je réussis même à décrocher le permis de conduire. J’habitais une chambre de bonne de neuf mètres carrés près de la Contrescarpe, dont je payais le loyer grâce à un mi-temps dans la boutique Yves rocher de la rue de Rivoli – un enfer plein de peaux mortes, d’épilations anales et de pieds d’athlète.»
Douée, Clémence va réussir ses études et trouver un travail de maquilleuse pour le cinéma. Mais ne va pas guérir pour autant : «Je m’envoyais en l’air, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe qui. À l’époque déjà, je ne donnais jamais suite, mais je n’avais pas encore instauré » la règle du 29 « ».
La règle du 29 est une sorte de rituel. À la date anniversaire de son agression, elle s’habille de façon provocante et offre son corps à tous. Car, comme le souligne le titre du roman, il lui est inutile. Le sexe comme punition. Mais il reste l’espoir qu’un jour, «il y en aurait un – un différent des autres – qui lèverait l’anathème comme dans les contes de fées. Un jour j’aurais mal pour la première fois, ma peau ressusciterait et je serais sauvée.»
Après l’épisode raté avec Tristan, scénariste du deuxième long-métrage sur lequel elle a travaillé, et qui fut à l’origine de la règle du 29, elle va chercher à briser le mauvais sort en fuyant à nouveau.
Elle retourne dans le Sud, est engagée comme dessinatrice-maquilleuse dans une usine de poupées gonflables, et voit un jour débarquer Damien Coperey, un policier qui n’a pas perdu l’espoir de mettre la main sur son agresseur. Son «premier sauveur» va lui permettre do sortir la tête de l’eau. De comprendre que «la certitude d’être une abomination» n’a rien d’irrémédiable.
Delphine Bertholon va même parvenir à renverser complètement les choses. Le seconde réussite de ce roman tient en effet dans sa conclusion. Résilience, volonté de s’en sortir, combat pour la liberté. Peu importe comment on appellera l’évolution de Clémence, on ressortira ragaillardi de ce roman.
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