Des milliers de ronds dans l'eau

TTT - Très Bien "Au fil de courts chapitres, Claro ne s’échappe du crématorium que pour mieux y revenir. Un souvenir très proustien de l’enfance – la chute d’une fenêtre dans une vieille maison de famille – réveille d’autres défenestrations, celle de Gilles Deleuze qui l’a laissé orphelin, voire apatride, ou de l’écrivain Richard, dans le film The Hours, qui l’incite, après Virginia Woolf, à regarder la vie en face. Car, bien entendu, « la mémoire n’est qu’une vaste entreprise de falsification ». La mère n’est d’ailleurs pas morte à la Toussaint 1999, mais probablement bien des années plus tôt, à moins qu’elle ne soit plutôt à la maison de retraite. Incinérée par erreur, en quelque sorte. Il lui rend visite mais sa sœur, à qui il en rend compte, lui scanne les pages d’un roman précédent comportant cette scène. À l’évidence, la quête de Claro n’a qu’un objet : trouver l’origine de cette ardente « obligation d’écrire ». Depuis toujours « dérangé du verbe », celui qui revendique un « labeur de hooligan en pantoufles » révèle que ce labeur prend sa source dans les entrailles d’une machine à écrire, une Brother De Luxe reçue de son père à l’âge de 13 ans. Claro parle d’une bête métallique, de la joie du martelage, du langage devenu mitraille – un « plaisir forgeron » que l’on entend à chaque page."