L'épaisseur d'un cheveu
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Morte sous les coups de son mari
Étienne a tué son épouse Violette, dite Vive. En déroulant la chronique – ordinaire – de leur vie de couple, depuis leur rencontre dix ans plus tôt jusqu’à ces instants fatidiques, Claire Berest réussit un roman aussi brillant que glaçant sur un banal féminicide.
Étienne Lechevallier «était parti pédalant en direction du Petit Brazil l’humeur joviale, car une seconde journée débutait pour lui, dévolue à son projet personnel qu’il jouissait encore de tenir en toute clandestinité, habillant l’escapade d’un charme secret; il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.»
Dès les premières pages, le lecteur connait l’épilogue de ce roman, mais il n’en reste pas moins passionnant. Parce que sa construction, par des sortes d’ondes de choc successives, vont nous permettre de remonter le temps, de découvrir comment Étienne et Violette se sont rencontrés, comme leur couple a pris son envol puis comment l’usure du couple a failli causer leur séparation trois ans avant l’issue fatale.
Mais Étienne avait alors choisi de taire ses griefs, de faire profil bas parce qu’il ne concevait pas sa vie sans son épouse.
Alors pourquoi est-il cette fois passé à l’acte? C’est ce que le déroulement des jours précédant le féminicide vont nous apprendre. Et c’est la partie la plus réussie d’un roman implacable. Car il raconte comment des détails à priori sans importance prennent soudain une folle importance, comment un esprit déstabilisé construit son scénario diabolique pierre après pierre. Un rendez-vous pour un concert de musique classique qui n’est pas honoré, une alliance qui n’est plus portée, les traditionnelles vacances en Italie remises en cause jusqu’à cette scène de ménage en public avant LA soirée annuelle organisée par la maison d’édition d’Étienne et où il espère que son épouse lui apportera son entier soutien. Car, après son rachat par un grand groupe, son poste de correcteur est désormais sur la sellette, même s’il faisait partie des murs. Il avait du reste été convoqué le matin même par l’éditrice pour être « recadré ». Pour lui qui «traquait en limier les répétitions, les incohérences, redondances, et toute rupture de rythme ou de registre non justifiée», le coup est rude.
Claire Berest montre parfaitement comment la mécanique infernale se met en route dans un esprit très cartésien, comment il construit la trahison, l’humiliation. Et le déni.
Parsemant son roman de procès-verbaux d’audition par la police criminelle, la romancière réussit un roman percutant et glaçant. Car en le refermant, on se dit que le temps des féminicides est malheureusement loin d’être éradiqué.
On pense bien entendu à Ceci n’est pas un fait divers de Patrick Besson, autre chronique d’un féminicide, raconté cette fois du point de vue des enfants de la victime et à Une simple histoire de famille d’Andrea Bescond qui souligne elle aussi la banalité de ce mal trop ordinaire. Un peu comme dans Hommes d’Emmanuelle Richard, même si dans ce cas son «héroïne» a réussi à échapper à la mort pour pouvoir raconter sa relation, son emprise. Trois romans qui éclairent, chacun à leur manière, celui de Claire Berest qui confirme ici tout son talent
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