Danse avec les lutins
  • Date de parution 23/05/2019
  • Nombre de pages 240
  • Poids de l’article 298 gr
  • ISBN-13 9791036000041
  • Editeur ATALANTE
  • Format 200 x 144 mm
  • Edition Grand format
Fantasy parodique Dragons - Elfes Ouvrage de référence de l'auteur

Danse avec les lutins

3.73 / 5 (83 notes des lecteurs Babelio)

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  • Date de parution 23/05/2019
  • Nombre de pages 240
  • Poids de l’article 298 gr
  • ISBN-13 9791036000041
  • Editeur ATALANTE
  • Format 200 x 144 mm
  • Edition Grand format

l’avis des lecteurs

Quatrième de couv’ :

« La fée haussa les épaules :

— Ces jeunes sont aussi agréables qu’une descente de moustiques. Que veux-tu qu’ils fassent de pire que brailler, tout casser, écrire des gros mots sur les murs et flanquer le feu aux charrettes ? Se mettre à descendre tout le monde en pleine rue ?

— Et ton coach sportif, demanda Pétrol’Kiwi en arrachant un étage de champignons d’un coup sec, il a des nouvelles de Figuin, de son côté ?

— Aucune. Je me demande si c’est un signe. Figuin adorait faire du sport. Il n’aimait que ça, à vrai dire.

Pétrol Kiwi se figea, champignons en main.

— S’il a renoncé au plaisir de sa vie, grogna-t-elle, je crains qu’il fasse en sorte que ça ne dure pas trop longtemps.

— Quoi ? D’arrêter le sport ?

— Ça. Ou la vie. »

Un roman de fantasy, avec des elfes, des lutins, des fées, des bourdons magiques… et des métis ogro-nains. Dans l’immense ville de Scrougne, un garçon nommé Figuin vit très mal le racisme et la misère auxquels il est confronté. C’est alors qu’entre en scène un banquier… Froid, inusable, immensément riche, il cherche à l’être plus encore. Il décide de creuser un fossé au milieu de la population, afin de jeter une moitié aux trousses de l’autre – qui lui achètera des armes au passage. Il lui faut un garçon un peu paumé à endoctriner, pour l’envoyer se faire exploser au milieu d’une fête de quartier.


Mon avis :

Et hop, une nouvelle lecture dans le cadre du Challenge S4F3s5 :

  • L’intrigue :

Sur Terre, il y avait un peu de tout puis vint le jour où Dieu et la magie partirent en laissant un carton d’hybrides et de retardataires derrière eux. Ce petit monde va coloniser la Terre et les ograins vont tirer leur épingle du jeu au détriment de tous les autres peuples. Au fur et à mesure des siècles, l’écosystème va se fragiliser, la pauvreté sera créée en même temps que la richesse et au milieu de tous ces peuples spoliés par les ograins, l’amour donnera naissance à de charmants enfants….et des ados en colère contre l’injustice sociale mais là où les adultes ont baissé les bras au fil des années pour récupérer leur territoire, leurs enfants clameront vengeance.

« – Okay, lâcha Oggam. Audace, sang-froid et sodomie de l’ordre ograin : tu es des nôtres.
Figuin ravale un « chouette » de fillette et un « seau d’eau quoi ? » de gamin. Il se contenta d’enfler la poitrine en dévisageant les alentours d’un air avantageux.
– Regarde-les, cracha Oggam. Regarde le chaos de ce monde perverti. Tous ces maîtres ograins qui se pavanent devant leurs esclaves féeries. »
  • Notre Histoire ?

Dans la Genèse du monde de Catherine Dufour, la vie sur Terre était belle, Dieu cohabitant avec la magie, ces deux entités finirent par claquer la porte pour chercher une autre pâture plus verte laissant derrière eux une poignée d’un peu tout, anges et démons pour Dieu, petit peuple pour la magie…et les hybrides.

« Comme souvent les touristes, les créatures magiques n’étaient pas venues sur Terre pour la seule beauté du paysage, ni pour découvrir des cuisines exotiques, ni même pour le plaisir simple de conduire leur balai comme des sagouins en faisant des gestes obscènes. Les créatures magiques étaient venues sur Terre pour forniquer comme des pistons de trompette. »

On avance un peu dans le temps, qui pour nous correspondrait à l’époque des Cro-magnons, on rencontre un ograin de 16 ans qui doit passer 3 mois dans la forêt seul comme rite initiatique au passage à la vie adulte, seuls ceux qui s’en sortent vivants reviennent auprès des leurs.

Encore un bond de quelques siècles, début de la sédentarité des ograins…et début des problèmes avec le voisinage relevé par les ondines, lutins et autres nixes. Le nombre croissant d’ograins au même endroit met à mal les cultures de champignons des lutins, les ondines voient les poissons sur-pêchés, leurs marres polluées par les eaux de tannerie et les nixes relèvent que les oeufs sont tous mangés, le renouvellement des générations est mis en péril. On se rend compte à partir de là que notre société commence à être dépeinte, les ograins sont les humains de notre Terre, souffrant de stupidité écologique et le petit peuple se demandant si les ograins se rendront compte une fois tout pillé que les perles (système monétaire) ne se mangent pas.

« – Que les ograins soient de plus en plus nombreux et de plus en plus instruits, d’accord, dit Mousseron. Qu’ils fassent prendre l’air à leur double astral ou qu’ils s’entretuent, ça les occupe. Mais ils cueillent tous les champignons en ignorant la nécessité d’en laisser au moins quelques-uns pour assurer la prochaine saison. Comme si…
– Comme si leur intelligence était limitée par leur avidité, approuva Fistuline. C’est la peur de manquer, ajouta-t-elle, ce qui laissa Mousseron coite comme un cèpe en pot. »

Trois siècles après le début de l’extension de la ville de Scrougne croissant sans cesse avec le nombre d’ograins, les actionnaires font la pluie et le beau temps, des mesures seront prises pour satisfaire leur besoin de bénéfices et les résultats se verront 15 ans plus tard. Le mot d’ordre : La paix menace comprendre une situation politique stable ne permet pas d’engraisser les riches (tellement dommage), les conflits leur sont nécessaires mais ne vous inquiétez pas, les conséquences ne les éclabousseront pas.

  • J’aime quand sa gratte :

Catherine Dufour fait parler les peuples brimés par les ograins, la Nature représentée par le petit peuple et les enfants, deuxième génération des peuples annexés par l’expansion colonialiste des ograins. Quand on se trouve dans la tête de Figuin on voit sa colère avec l’Histoire enseignée réécrite par les vainqueurs, le célèbre « mes ancêtres les ograins » qui remplace gaiement « gaulois » que nos colons apprenaient aux petits maoris par exemple….et à tous les autres, on est d’accord que c’est ridicule…mais on l’a fait…Cette colère sera d’ailleurs le terreau idéal recherché.

En bref, c’est un texte où Catherine Dufour nous plante chaque jalon menant à la radicalisation de jeunes désoeuvrés, pas moyen de fermer les yeux sur la critique qui est faite de notre société tant elle est ressemblante à Scrougne, le tout amené avec des jeux de mots ironiques et un humour mordant. Une lecture que je recommande et qui fait réfléchir.

Catherine Dufour est une autrice de fantasy française. On lui doit Blanche-Neige et les lance-missiles, récompensé par le prix Merlin en 2002 et plus récemment Entends la nuit, classé meilleur livre fantastique au prix Masterton. Deux belles distinctions qui en disent long sur la qualité de sa plume. 


Son style rappelle celui de Terry Pratchett. En tout cas, elle partage avec lui le même humour grinçant. D'ailleurs, il ressort bien dans Danse avec les lutins qui vient de paraître aux éditions L'Atalante


Elle y juxtapose de nombreuses petites histoires qui s'assemblent pour donner corps à un univers tourmenté dans lequel les féeries sont menacées. 


Sous le regard de deux fées, on s'immisce dans le quotidien d'une communauté peuplée d'ograins (hybrides entre ogre et nain), de sylvains, de dryades, de lutins... Depuis des temps anciens, la population ograine n'a pas cessé de se multiplier au point d'éradiquer quasiment les autres espèces. En voie d'extinction, les lutins et autres féeries forment une société minoritaire qui subit le joug des ograins. Depuis trop longtemps, ils payent un lourd tribut qui est de plus en plus contesté par les esprits rebelles. Une situation tendue dont vont se servir certains édiles pour accroître leurs profits. Une secte voit le jour et enrôle la jeunesse féerique égarée. C'est ainsi que le jeune Figuin se retrouve, sous les yeux impuissants de ses parents, à commettre l’irréparable pour une cause qu'il croit juste. 


Dans son roman, Catherine Dufour nous raconte la décadence d'un monde face à l'avidité de certains au détriment du plus grand nombre. Par le prisme de la fantasy et de l'humour, elle met l'accent sur le mal qui ronge la planète : l'argent, le pouvoir, la cupidité. Sensible à l'avenir de la terre et des hommes, l'autrice se sert de sa fantasy comme d'un miroir déformant de notre réalité pour aborder des thématiques sociétales et environnementales préoccupantes. 


Sous le vernis d'un humour poilant se cache la volonté de brosser le portrait d'un univers qui fut verdoyant et enchanteur et qui, peu à peu, laisse la place au néant. La déforestation, la disparition des espèces végétales, c'est condamner ici les sylvains et les lutins qui se retrouvent sans abris et sans ressources. Or, s'il n'y a plus de diversités, même l'espèce invasive responsable de cette situation est vouée à disparaître à son tour. 


Catherine Dufour se sert de cette féerie, terreau de la fantasy, pour mieux interroger et dénoncer des réalités qui nous touchent. Il semblerait que la fantasy française soit un terrain privilégié pour réfléchir sur des sujets de société. D'ailleurs, pour faire écho à Danse avec les lutins, je vous invite à venir jeter un œil sur Entre Troll et Ogre de Marie-Catherine Daniel, éditions ActuSF, car vous y trouverez, là aussi, matière à réflexion. 


En tout cas, la lecture de ce roman m'a ouvert la porte sur l'imaginaire fertile et drôle d'une autrice à connaître. J'entends déjà l'appel de ses autres romans. Je remercie les éditions L'Atalante pour cette belle découverte.


Comme Catherine Dufour était là à TPS, et que j’ai adoré Le bal des absents (je crois que je l’ai déjà dit non ?), je suis allé la voir pour me faire conseiller un autre de ses romans. Et voilà Danse avec les lutins.

Lutins, fées, dryades, sirènes, ondines … A part les elfes qui sont inqualifiables, tout ce monde vit, plus ou moins, en bonne intelligence. Jusqu’à ce qu’arrive un croisement entre des ogres et des nains, les ograins.

Quelques siècles plus tard, les ograins règnent sur le monde, et Havecoque VI, banquier, comme ses prédécesseurs règnent, en douce, sur les ograins. Quand les ventes d’armes baissent et que les bénéfices plongent, il décide qu’il est temps de créer un ennemi intérieur contre qui il faudra … s’armer. Et quoi de mieux que tous ces jeunes fééries qui sont en colère, parce que relégués aux travaux les plus durs ?

« Espèce invasive. Prédation inconsidérée. Peur du manque. Aime le bois. Hygiène discutable …

La différence que je vois entre les ograins et les autres fééries (…) Les ograins pensent que la nature leur appartient, tandis que tout le monde sait que c’st nous qui appartenons à la nature. »

Je ne dirais pas que Catherine Dufour a beaucoup masqué de qui et de quoi elle parle dans ce roman de fantasy … On peut le voir comme un conte politique, et il est parfois bon d’enfoncer certains clous.

Le passage par ce conte, son humour grinçant, ses jeux de mots et jeux sur la langue, et le petit pas de côté qu’il offre rend la description et le démontage de certains mécanismes pervers encore plus efficace. Le ridicule, l’injustice, la connerie suicidaire deviennent d’une évidence aveuglante.

Ce qui ne peut pas faire de mal. Surtout en ce moment. Donc lisez Catherine Dufour, ça vaut amplement tous les éditoriaux et analyses du moment. Et en plus c’est aussi drôle que rageant.

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