Les Champs de la Lune

L’humanité a fini par bien merder. La Terre est inhabitable et depuis maintenant un bon moment les hommes se sont réfugiés sur la Lune. El-Jarline est jardinière. Sous son dôme, à la surface, elle a recréé un éco-système fragile mais stable et harmonieux avec des espèces qui se sont adaptées et supportent l’intense rayonnement de la surface. Les soulunaires de la cité de Mut vivent dans des tunnels, consomment sa production, et viennent parfois lui rendre visite, brièvement pour ne pas trop être exposés aux radiations. Son seul compagnon permanent est Trym un chat augmenté qui parle.

Un équilibre instable qui commence à vaciller suite à plusieurs petits événements a priori sans importance. Le gouvernement de Mut jugeant ses rapports trop secs et techniques lui envoie une large bibliothèque à lire pour pouvoir les étoffer. Une faille est en train de s’agrandir dans un des coins du dôme qui protège la ferme, et malgré les réparations des multiples robots, il va falloir faire quelque chose. On lui envoie, quelques jours une gamine, Sileqi, calme et douée en horticulture. Pendant ce temps, dans les cités soulunaires, une fièvre tue au hasard. Comment imaginer que tout cela allait changer radicalement l’imperturbable El-Jarline ?

N’étant pas un spécialiste de SF, je n’ai pas lu tous les romans de Catherine Dufour, mais tous ceux que j’ai lus m’ont enchanté, et ils sont tous très différents les uns des autres. On est ici loin de l’humour noir grinçant de Au bal des absents, et plus mélancolique et plus « saudade » que dans le très sombre Le goût de l’immortalité. Mais on retrouve l’idée que l’humanité est très douée pour aller dans le mur, quelles que soient les circonstances.

Un roman poétique, avec de magnifiques descriptions des paysages lunaires, et un hommage à la littérature comme moyen d’éveiller la conscience, la capacité à s’émouvoir, à sentir, à développer l’empathie. Un roman extrêmement riche, intrigant, qui va amener le lecteur à s’interroger jusqu’au bout sur la nature exacte de la narratrice. Un roman qui nous interroge sur la capacité de l’humanité à se détruire, sur sa place dans l’univers, sur sa cécité, sur les manipulations de ceux qui « gouvernent », sur notre incapacité à voir la beauté là où elle est …

Au fur et à mesure que la voix de la narratrice change, irriguée par tout ce qu’elle lit, que ses émotions deviennent plus complexes, le lecteur est de plus en plus ému, touché. Un très beau roman plein de nostalgie et d’émotion, qui nous amène à une belle fin, totalement inattendue.