14 juillet 2024

Autoédition

Etudes du ministere de la culture

L’offre de livres autoédités s’est considérablement développée au cours des deux dernières décennies, poussée par l’évolution de la technique dans la chaîne du livre, le développement du commerce en ligne et la désintermédiation dans les industries culturelles.

L’autoédition et ses particularités sont pourtant assez mal connues. L’offre de livres autoédités privilégie-t-elle certains segments ou sous-segments éditoriaux ? Le profil sociodémographique moyen des auteurs autopubliés diffère-t-il de celui des auteurs publiés par les maisons d’édition traditionnelles ? Quel est l’appétit des acheteurs pour les livres autoédités et de quelle manière les éditeurs classiques utilisent-ils l’autoédition ?

L’exploitation statistique inédite des données, pour les seuls livres imprimés, du dépôt légal et del’institut GfK permet d’apporter des premiers éléments de réponse à ces questions avec, en creux, celle de savoir dans quelle mesure l’autoédition de livres diversifie l’offre éditoriale.

Voir l'etude complete sur le site du ministère de la culture 

pour aller à l'essentiel, la conclusion de l'étude ci après

CONCLUSION

L’autoédition est un phénomène surmédiatisé et pourtant mal connu. En recourant à une approche statistique, cette étude tente de quantifier l’autoédition en France et de dresser pour la première fois un portrait de la diversité des auteurs autoédités. Elle met également en exergue la difficulté à lever toutes les zones d’ombre sur ce phénomène du fait de l’impossibilité d’avoir accès en France aux ventes de livres numériques autoédités ; ces données échappant actuellement aux organismes publics, aux chercheurs et aux décideurs politiques. En effet, les données des ventes de livres numériques autoédités sont recueillies à des fins privées par des plateformes numériques et sans leur autorisation, il n’est donc pas possible d’y avoir accès. Par ailleurs, il n’existe pour l’instant aucune obligation de déposer les livres numériques au dépôt légal. Une régulation est nécessaire pour favoriser un meilleur accès aux données, d’une part en contraignant les plateformes à plus de transparence sur les ventes de livres numériques, et d’autre part en adoptant le décret d’application pour le dépôt de livres numériques à la BnF.

Mais ce serait une erreur de croire que l’e-book est le format « naturel » de l’autoédition. Comme on l’a vu, le papier tient une place importante48. Dans la psyché de l’auteur autoédité, le papier est vu comme le premier pas vers une entrée dans le marché « classique » de l’éditeur. Reste à savoir si cette perception reste celle de la génération actuelle des auteurs autoédités.

L’autoédition a connu une ascension fulgurante du nombre de titres depuis 2007. Elle participe indéniablement à l’élargissement de l’éventail des livres proposés dans des genres sous-représentés dans l’édition traditionnelle, et s’adresse à des profils d’auteurs différents, souvent plus jeunes et plus féminins. L’écosystème de l’autoédition se professionnalise avec la montée en puissance des plateformes d’autopublication offrant plusieurs versions de services (de la simple impression à l’accompagnement professionnel) vis-à-vis desquels les
auteurs autopubliés se classent en fonction de leurs souhaits et de leurs dispositions à payer. Mais la plateformisation de l’édition rend de moins en moins étanche la frontière entre l’autoédition et l’édition « classique ». En témoigne la stratégie adoptée par Librinova qui propose un programme d’agent littéraire pour les auteurs autoédités vendant plus de 1 000 exemplaires, dont l’objectif est la signature d’un contrat avec un éditeur traditionnel. L’autoédition est l’une des voies de l’entrée dans le marché de l’édition. Les plateformes servent à effectuer un processus de sélection expost à la diffusion et non plus seulement un processus de sélection exante comme dans l’édition traditionnelle.

L’étude révèle également que la diversité des parcours existe. L’autoédition est un marchepied en même temps qu’un recours pour des auteurs rejetés par l’éditeur traditionnel, ou trop peu sûrs d’eux pour se tourner d’emblée vers celui-ci. Elle laisse également à certains auteurs hybrides déjà publiés l’opportunité de s’essayer à d’autres genres ou de créer un livre en toute liberté. Malgré cela, la porosité entre les deux mondes de l’autoédition et de l’édition « classique » reste pour l’heure encore limitée sur la période que nous avons pu étudier.

L’autoédition engendre-t-elle un effet positif sur la diversité consommée ? Si elle permet la découverte de nouveaux auteurs, très peu d’auteurs de littérature francophone autoédités parviennent à se hisser parmi les best-sellers. La concentration des ventes est encore plus forte que dans l’édition traditionnelle. Un très grand nombre d’auteurs obscurs se situent dans le bout de la distribution des ventes. L’autoédition renforcerait la polarisation des ventes largement décrite dans les industries culturelles50 avec un allongement de la traîne profonde (the deep tail).

L’autoédition ne semble donc pas pour le court/moyen terme une menace pour l’édition traditionnelle. Lorsque des auteurs autopubliés sont repérés par des maisons d’édition, l’effet tremplin sur les ventes d’auteurs en quête de reconnaissance est bien confirmé. La tendance serait donc à la complémentarité plus qu’à la substitution.

Notre étude démontre qu’en ouvrant le jeu des possibles, en soutenant certains pans en voie d’attrition de l’édition traditionnelle, l’autoédition participe quelque peu à la diversité. Il s’agit de sortir des vues caricaturales pour n’accorder à l’autoédition ni trop d’honneur,ni trop peu de considération.