Les guerriers de l'hiver

Enorme coup de coeur pour ce roman historique, je n’avais lu qu’un polar de cet auteur, que j’avais apprécié, mais sans plus. Là j’ai été conquise par ce formidable roman sélectionné pour plusieurs prix dont le Goncourt, qu’il mériterait de remporter. La version audio, lue par Thierry Blanc permet une immersion totale dans cette guerre oubliée, du moins par chez nous. Il sait nous transmettre les émotions des personnages, leur courage et leur détermination.

En novembre 1939, Staline réclame une partie du territoire finlandais, jeune Etat indépendant depuis 1917 pour faire tampon autour de Leningrad, car il craint à raison une invasion nazie. Les autorités finnoises décrètent la mobilisation générale et décident de se battre contre l’ogre soviétique. Nous suivons un groupe de jeunes paysans combattant sous les ordres du terrible lieutenant Juutilainen, surnommé l’Horreur du Maroc après son passage dans la légion étrangère, en particulier Simo Häyhä et ses amis du village. Simo est un as du tir depuis son enfance quand son père lui a enseigné l’art de la chasse, il deviendra un sniper surnommé par les Russes « La Mort Blanche » et tuera plus de mille ennemis. Nous sommes plongés dans ce terrible hiver où il fait moins cinquante, les Finlandais se battent avec acharnement, tandis que les Russes ne sont pas du tout préparés. Staline ne veut pas utiliser des soldats russes pour cette guerre marginale, il préfère envoyer à la mort les peuples qu’il domine et ces derniers se font massacrer, mais les Soviétiques finissent par apprendre de leurs erreurs, ils ont pour eux la supériorité numérique. Les Finlandais demandent de l’aide à la France et à l’Angleterre, qui font des promesses en l’air. Finalement, ils comprennent que personne ne viendra à leur secours et ils capitulent en mars.

C’est un excellent roman historique, on voit que l’auteur s’est documenté en détail, comme il le dit dans les remerciements. Simo est un personnage historique qu’il a rencontré dans sa ferme. L’homme n’aime pas parler de ces évènements tragiques qui ont marqué son adolescence. Je n’aime pas les récits de guerre et de combat normalement, mais ici, le roman se concentre sur les petites gens, sur Simo et ses amis ainsi que les Lotta, des jeunes femmes qui ont pris en charge l’intendance et les soins aux blessés. On suit leur évolution au fil du conflit, leurs espoirs et leurs peines. L’état major est peu présent, même si son chef explique ses décisions et ses questionnements, mais là aussi, c’est l’aspect humain et non stratégique qui prévaut. Il veut épargner au maximum la population et sera hanté par le côté inutile de cette boucherie, les Finlandais ayant finalement cédé à Staline. L’armée nordique prend soin de ses hommes, récupère ses morts dans la mesure du possible, au contraire des Russes qui utilisent les soldats des minorités ethniques comme de la chair à canon.

La nature est très présente, à la fois impitoyable avec des températures glaciales, mais aussi magnifique. Elle est indifférente aux tourments humains, le soleil brillant sur les méchants comme sur les bons. Le contraste est saisissant entre la beauté de la nature et les drames humains. L’auteur sait nous transmettre les émotions des personnages et on ne peut qu’être bouleversé par cette guerre terrible, qui en rappelle une autre bien plus actuelle. Du côté soviétique, aucune humanité, la guerre est menée par des commissaires politiques incompétents et cruels dont le seul souci est de ne pas s’attirer les foudres de Staline.

Un livre magnifique dont on n’a pas fini d’entendre parler.

"Au cœur de paysages immaculés et hostiles où le thermostat peut descendre en dessous des - 40 °C, Olivier Norek raconte la guerre à hauteur de ceux qui la fabriquent, des haut gradés aux subalternes, des chiens de guerre aux âmes simples qui, pour sauver leur peau, se voient contraintes de tirer. « On tuait, on épargnait, déjà plus rien n'avait de sens, et la guerre d'Hiver n'avait pourtant que quelques jours d'existence. » Entraînante sans céder aux envolées épiques, sa plume nous fait vivre au plus près les conflits intérieurs, les rigueurs extrêmes affaiblissant les corps et la laideur de la guerre qui, en dépit des actes de bravoure et d'héroïsme, ne grandit jamais l'humanité."

T T T - Très Bien   "Les Guerriers de l’hiver est un pur roman de guerre et, par là, continue d’ausculter l’humanité dans ses retranchements les plus obscurs. Norek braque les projecteurs sur la guerre d’Hiver déclenchée en novembre 1939 lorsque l’Union soviétique envahit la Finlande, seul conflit actif pendant quelques mois en Europe, alors que l’Allemagne nazie pousse ses pions. L’écrivain raconte la ténacité d’un peuple et de son armée, que la Russie imaginait voir plier en une dizaine de jours…"