
La vie en Rose
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l’avis des lecteurs
Malgré toutes les attentions du chien Dagobert, qui ici s’appelle Kill-Bill, le Club des Cinq frangins et frangines de Rose n’est pas une sinécure. À elle la garde des trois plus jeunes depuis que les parents, Charles et Adélaïde, ont décidé de s’octroyer une pause polynésienne aussi méritée qu’insoucieuse. Qu’à cela ne tienne, Rose est solide. Certes. Mais la flopée de nuages qui se donne rendez-vous sur ses jeunes épaules ne tarde pas à la faire chanceler. Entre le cambriolage du salon de coiffure de sa copine Vanessa, des meurtres opaques dans l’entourage de sa sœur Camille et un test de grossesse sournoisement positif, elle tangue. Mises à part quelques bulles d’air entre les bras bienveillants de Richard Personne, lieutenant de police aux yeux verts et futur papa perplexe, la vie de Rose n’a plus rien de rose et le tempo s’accélère dangereusement. Pourtant, dans la tourmente, elle garde cet indéfectible sens de la répartie réjouissante qui déjà éclairait les interlignes du précédent opus Salut à toi ô mon frère.
On l’aura compris, Marin Ledun revient sur ses terres de Tournon-sur-Rhône pour un nouveau tour de piste de la famille Mabille-Pons, ses Malaussène à lui, en plus carabinés serions-nous tentés de préciser pour enfoncer le clou. Vous l’avez déjà lu mille fois (même l’argumentaire de l’éditeur le mentionne) mais un parallèle avec les personnages de Daniel Pennac est inévitable. Nous y ajouterons volontiers un zeste d’Enid Blyton, l’impertinence en plus, le puritanisme en moins, pour souligner les franches aptitudes de l’auteur pour le roman d’aventure allègre et turbulent. Si ses thèmes sociaux de prédilection, habituellement plus noirs et appuyés (Les visages écrasés, Ils ont voulu nous civiliser…), restent la charpente d’une histoire de belle tenue, chaque situation (L’idée de ces strip-pokers en EHPAD, non mais sans dec’, Marin ! Ces chapitres 15 au commissariat ou 16 au collège…), chaque personnage, même furtivement de passage, donne lieu à de petites digressions scintillantes au gré des humeurs de Rose, souvent chafouines mais toujours sous-tendues d’un humour pétillant. Oui, on sourit beaucoup, à chaque page, d’un mot malin, d’une tournure pimpante. Bonne raison d’ailleurs pour ne rien divulguer, pour ne rien galvauder d’une citation hors contexte. « Sabotaaaage ! » hurlerait Rose en poussant le son des Beastie Boys.
Mais Camille disparaît et les commissures se figent. Le ciel se plombe aussi sûrement qu’un de ces albums de Heavy-Metal chers à Rose, voire se calamine comme un roman d’Harry Crews, plusieurs fois cité par notre narratrice et serial lectrice ardéchoise. L’humour se la met en veilleuse. Les phrases raccourcissent et le rythme court contre la montre. Et même si la brève mise en cellule de Rose a la cocasserie résistante, l’heure est grave. Alors, toutes les forces en présence, les Mabille-Pons en abscisse et la police en (forcément) ordonnée, se lancent dans la résolution d’une équation à pas mal d’inconnus.
En diluant le noir dans les couleurs de l’arc-en-ciel, en ouvrant sa palette aux pastels, Marin Ledun s’impose encore un peu plus parmi les valeurs sûres du polar français. Nous n’en sommes nullement surpris, juste une nouvelle fois conquis.
On avait découvert les Mabille-Pons dans Salut à toi ô mon frère, et on en redemandait. Marin Ledun nous a exaucés avec La vie en rose.
Pauvre Rose. Les parents, la volcanique Adélaïde et le tranquille Charles sont partis en Polynésie pour fêter le dernier échec de Charles à son concours de notaire, et voilà donc Rose responsable de la famille. Son amoureux Richard Personne, policier de son état est débordé, et Rose apprend que, malgré leurs précautions, elle est enceinte. Pauvre Rose.
Mais ce n’est que le début. Gus accumule les mauvaises notes, heureusement tout le monde l’adore, Camille est nulle en maths, et Rose doit aller voir son prof, et Antoine, en stage dans une maison de retraite, y organise des paries de Strip-poker la nuit.
Puis des lycéens se font tuer à coup de couteau … Voilà qui laisse peu de temps à Rose pour aller faire la lecture à ces dames dans le salon de coiffure de Vanessa.
Un coup de blues ? Stress de fin d’année ? Trop de polars sombres ou de lectures pesantes ? Le dernier cassoulet de l’année vous pèse sur l’estomac ? Une solution, La vie en rose.
Certes vous ne le lirez pas pour suivre une enquête millimétrée ou chaque détail compte. Par contre si vous voulez du rythme, de l’humour, du peps, des cinglés réjouissants, de bons mots, une verve jouissive, des références qui font sourire et donnent le moral, allez-y en toute confiance.
On retrouve la tribu avec beaucoup de plaisir, la mauvaise foi assumée et la langue acérée de Rose, et mine de rien le regard lucide, critique mais aussi tendre de son auteur. Un vrai bonheur de lecture dont il serait bien bête de se priver.
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