La forme de l'eau
  • Date de parution 06/04/2022
  • Nombre de pages 456
  • Poids de l’article 240 gr
  • ISBN-13 9791028115715
  • Editeur BRAGELONNE
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Romance fantasy - bit lit - SF

La forme de l'eau

3.66 / 5 (152 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Nous sommes en 1963, et Elisa Esposito survit tant bien que mal. Née muette, abandonnée par sa famille, elle travaille de nuit comme femme de ménage au Centre Occam de recherche aérospatiale.Un soir, elle surprend quelque chose qu'elle n'était pas censée voir : un homme amphibie prisonnier d'une cuve, qui doit être étudié par les scientifiques pour faire avancer la course à l'espace de la Guerre Froide. La créature est terrifiante, mais aussi magnifique - elle fascine Elisa. Utilisant la langue des signes, celle-ci établit une communication. Bientôt, la créature devient sa seule raison de vivre.Pendant ce temps, Richard Strickland, le militaire brutal qui a capturé la créature en Amazonie, envisage de la disséquer avant que les Russes ne tentent de s'en emparer.Elisa doit tout risquer pour sauver la créature. Avec l'aide d'une collègue qui souffre du racisme ambiant et d'un voisin malchanceux qui n'a plus rien à perdre, elle met au point un plan d'évasion. Mais Strickland ne l'entend pas de cette oreille. Et les Russes sont bel et bien sur l'affaire...Le fantastique, la romance et l'horreur s'entremêlent dans une histoire d'amour obsédante et tragique/ Le film, réalisé par Guillermo del Toro, a remporté 80 récompenses et a reçu plus de 230 nominations dont :Oscars du cinéma : 4 récompenses dont celles du Meilleur film et Meilleur réalisateurMostra de Venise : 4 récompenses dont le Lion d'or du meilleur filmGolden Globes  : 2 récompenses dont celle du Meilleur réalisateurBAFTA Awards  : 3 récompenses dont celles du Meilleur réalisateurBritish Academy Film Awards : 3 récompenses dont celle de la Meilleure réalisationCritics Choice Movie Awards  : 4 récompenses dont celles du Meilleur film et du Meilleur réalisateurDirectors Guild of America Awards : Meilleure réalisation pour un film« Entre Amélie Poulain et La Belle et la Bête. Avec cette romance, Guillermo del Toro lance un appel à la tolérance, à l'amour de la différence. » Huffington Post (France)« Un évident triomphe artistique, qui réunit les deux facettes du cinéaste : le poète ultra-sensible et l'entertainer universel. » Première« Plus que tout autre chose, cette histoire est une ode à l'idée que la liberté et la grâce peuvent être conquises, mais seulement après avoir brisé les chaînes de la défiance et de la peur. La Forme de l'eau nous entraîne dans un rêve profond. » Time« Ce joyau méticuleusement taillé est l'oeuvre la plus réussie de Guillermo del Toro depuis Le Labyrinthe de Pan. » Hollywood Reporter« Un portrait tout en sensibilité des amours hors des sentiers battus, dont le côté transgressif n'entame ni le réalisme ni la force. » Vanity Fair« Vibrant et enchanteur. » Variety

livré en 5 jours

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  • Date de parution 06/04/2022
  • Nombre de pages 456
  • Poids de l’article 240 gr
  • ISBN-13 9791028115715
  • Editeur BRAGELONNE
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Al’occasion de l’OpAllStars 2023, j’ai notamment acheté La forme de l’eau, un roman à 4 mains signé Guillermo Del Toro et Daniel Kraus. Je l’avais vu au cinéma à sa sortie en 2017, et j’en avais gardé un très bon souvenir. Flou, mais excellent. C’est Guillermo Del Toro qui a réalisé le film, à partir d’une idée de roman de Daniel Kraus. L’œuvre a donc été conçue dès le départ sur un double format, film et livre écrit à 4 mains. J’ai lu le roman la semaine dernière et visionné de nouveau le film ce week-end. Après Silo, voici un nouveau billet « regards croisés ». Bonne lecture !

La forme de l’eau : un film et un livre

Préalables : remise en contexte

Le livre est sorti un an après le film. C’est au cours d’un déjeuner de travail que Daniel Kraus et Guillermo Del Toro ont fait germer l’idée de La forme de l’eau. Kraus avait déjà en tête un scénario similaire pour un roman, et Del Toro lui a acheté les droits pour travailler sur le film. Le roman s’est écrit à 4 mains. Le film a par ailleurs été plusieurs fois récompensé, notamment par 4 oscars dont celui du meilleur film en 2018 et le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2017.

J’ai pris l’habitude, quand un livre est adapté d’un film ou d’une série (ou l’inverse), de regarder et de lire l’œuvre à peu près en même temps. J’aime beaucoup voir les différences, comment sont transposés à l’écran les mots, les ambiances, les personnages. C’était d’autant plus pertinent ici que l’œuvre a été pensée ainsi dès le départ, sur deux supports différents, et ce dans un laps de temps très court. Je me demandais donc, avant de lire le roman, quel serait l’apport de chaque support sur l’œuvre en elle-même.

La beauté visuelle et sonore du film

Autant le dire tout de suite : j’ai préféré le film au livre. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord, le film est d’une beauté visuelle éblouissante. J’adore les couleurs un peu rétro, la BO (signée Alexandre Desplat) qui accompagne tout le film. On sent que la musique est la parole d’Elisa. J’ai beaucoup aimé les contrastes de couleurs. Des gris bruts assommés de lumière issue de néons pour le labo, contre des couleurs très chaudes et feutrées pour les appartements d’Elisa et de son ami Gilles. La fluidité est le maître mot du film : dans cette eau omniprésente, dans l’enchaînement des scènes et dans les décors. J’ai aimé retrouver dans le film des petits détails du livre. Qui paraissent insignifiants mais qui, pour les personnages, veulent dire beaucoup.

D’autre part, les acteurices sont parfaits. Sally Hawkins parvient à émouvoir et transmettre énormément de choses avec son jeu. J’ai adoré retrouver Octavia Spencer avec sa gouaille typique (une des Figures de l’ombre, excellent film au passage que je vous recommande). Michael Shannon est pas mal en méchant très méchant (mais n’a pas toutes les nuances du livre). Et bien sûr, la créature est très belle, jouée par un acteur (Doug Jones). Cela rend ses mouvements, ses gestes… très souples, fluides. En somme, un parfait mix entre humain et poisson.

Malgré tout, il n’est pas exempt de défauts non plus. Exigence ciné j’imagine, de montrer des corps nus intégralement (féminins, of course). Mais selon moi, l’esprit de l’histoire et surtout des personnages ne colle pas avec ce voyeurisme brut, j’aurais préféré davantage de suggestion. En cela, le livre possède une pudeur et une retenue peut-être plus bienvenues. Et surtout, le gros défaut du film c’est de recentrer encore plus l’histoire autour de la romance uniquement. C’est dommage, car le livre propose un discours social assez engagé dont one ne voit quasiment plus rien à l’écran.

Quant au livre…

Je dois dire que je reste assez perplexe. Car il m’a semblé très inégal.

Il possède des atouts évidents. D’abord, il explore davantage le passé et la psyché des différents personnages, tant principaux que secondaires. Cela les rend plus consistants et surtout nuancés (notamment pour Strickland, le méchant).

Mais c’est surtout le propos social qui est fort intéressant dans le livre, et beaucoup moins exploité dans le film. Le roman dénonce la violence de la société américaine WASP des Etats-Unis de 1963. J’en dirai davantage à ce propos plus bas. Malgré tout, si tout ceci est fort pertinent, cela se greffe assez mal à l’histoire. Car il n’y a pas d’intrigues parallèles à côté de la romance qui est centrale. Tout tourne, dans le fond, autour d’Elisa et de l’Homme-poisson. De ce fait, les chapitres parsemés tout au long du roman explorant un peu plus chaque personnage cassent complètement le rythme. Ils apparaissant alors comme de longues digressions, qui ne sont pas intégrées de manière cohérence ni fluide à l’intrigue. Il y a un côté artificiel dans le livre qui m’a beaucoup moins plu, faisant disparaître la fluidité si évidente à l’écran.

Quant à l’écriture, elle est également assez inégale. Elle offre parfois de beaux effets : répétitions, rythme mimant le mouvement de la mer, sonorités chuintantes, mais aussi une adaptation de la plume aux personnages et au contexte. La plume se fait caméléon, mais c’est plus ou moins réussi. Globalement, le premier tiers m’a plu pour sa poésie, le dernier tiers pour les émotions générées, mais le milieu tire en longueur, avec une plume beaucoup plus banale.

Une romance fantastique et onirique

La forme de l’eau est définitivement et intégralement une romance. Il n’y a pas que cela dans le texte mais elle constitue son intrigue principale. Elle est le cœur du propos et l’âme de l’histoire. Habituellement, j’aime bien quand la romance n’est pas prépondérante ou qu’elle n’étouffe tout le reste. J’aime bien l’équilibre. Or, ici, si on enlève la romance, il n’y a plus d’histoire. Malgré cela, vous serez surpris de lire que j’ai bien aimé cette histoire.

La Belle et la bête

Parce que cette romance n’est pas ordinaire, ni juste là pour faire joli. Elle véhicule un message assez fort. Ce n’est pas de la romance pour dire de faire de la romance.

On peut d’abord faire un lien assez évident avec La belle et la Bête. Guillermo Del Toro n’a pas caché s’être inspiré de ce conte pour La forme de l’eau. On retrouve en effet quelques scènes typiques du conte. Un personnage féminin modeste, humble, un peu dans son monde. Une relation assez forte avec Giles, une figure qu’on pourrait qualifier de paternelle. Une Bête de prime abord monstrueuse qui se révèle généreuse, demandeuse d’amour.

La forme de l’eau explore la rencontre entre deux êtres que tout oppose; la différence, l’acceptation et le dépassement de sa peur première pour aller vers l’autre. Et puis le développement d’une relation intime. Enfin, le roman interroge ce qui est, dans le fond, monstrueux. Est-ce vraiment l’Homme-poisson, ou bien l’horreur réside t-elle ailleurs, et où ? En ce sens, La forme de l’eau peut se lire comme une adaptation modernisée du conte, ce qui pourrait donner l’impression d’un texte plutôt manichéen et pas très surprenant. C’est en effet un reproche que l’on pourrait faire au roman. Mais en considérant le roman comme un conte moderne, cela fait sens et je trouve que ce n’est pas mal fichu.

Du fantastique onirique

Mais la frustration pourrait s’installer si on cherche à connaître et comprendre les détails autour de l’Homme-poisson. Par moments, on découvre certaines de ses facultés, mais on n’ira jamais au-delà. Je ne suis pas persuadée d’avoir lu un texte fantastique au sens todorovien du terme (je sais, je suis une puriste un peu rigide, désolée). Il n’y a pas cette hésitation caractéristique entre les lois naturelles et ce personnage (dont on ne sait même pas, au final, s’il est surnaturel). En effet, à aucun moment les personnages n’émettent d’interrogation sur sa signification ou sa survenue dans le monde réel. Il est un spécimen de science pour l’un, une créature monstrueuse à abattre pour un autre, Dieu pour certains, et tout simplement un être autant et aussi peu humain que tout un chacun pour d’autres. C’est peut-être cette absence d’explications qui donne une tonalité fantastique au texte. Mais nulle trace de la peur ou de l’angoisse caractéristique du genre. Au contraire, on est en pleine confiance ici, dans la relation qui se noue.

Ce qui m’a surtout séduite, pour ma part, c’est le caractère onirique de l’histoire. Elisa semble vivre sa vie comme une automate, plongée dans ses rêves de vie qu’elle n’aura jamais. Le début de son histoire commence d’ailleurs par une prépondérance de rêves; des rêves de boue, de rivières et d’herbes hautes. Giles passe également son temps à rêver sur la vie qu’il aurait aimé mener, à une autre époque. Le film selon moi décrit vraiment bien cette ambiancemoins verbeux que le bouquin, plus musical, léger, aérien et flou comme un rêve. Cette histoire d’amour improbable pourrait se lire comme le fantasme d’Elisa de se faire enfin aimer, ou la quête d’un idéal. Cette histoire qui semble si invraisemblable dans un réel bien marqué et violent existe-t-elle seulement ? En effet, le texte évoque souvent l’enchantement, le merveilleux, et le caractère unique de ces événements qui ne se reproduiront jamais. Le caractère hautement improbable de certaines scènes renforce cette impression d’onirisme.

Petite touche de body horror

Dernier ingrédient qui m’a plu dans ce mélange, c’est cette touche de body horror qui parsème les pages du roman. Je trouve que c’est là encore plus marquant dans le livre qu’à l’écran. Strickland est véritablement un monstre qui pratique la violence gratuite. Le roman offre donc tout un visuel horrifique lié aux tortures perpétrées, tant sur la créature amphibie que sur d’autres personnages du roman. Et le bouquin ne fait pas vraiment dans la dentelle, allant par moments jusqu’au grotesque – on imagine sans peine les giclées de sang qui nous éclaboussent les mains avec un peu de chair avec.

D’autre part, et j’ai trouvé ça à la fois perturbant et réussi, c’est le mélange assez malsain de torture et de sensualité. Strickland est un pervers narcissique, paranoïaque et hyper violent, qui éprouve un réel plaisir à violenter, intimider, humilier, détruire. Il en jouirait presque, et plusieurs fois le texte évoque ça :

« Les moments qui précèdent une séance de torture sont toujours très sensuels. La tumescence de la peur. L’élancement de deux corps séparés avant l’inévitable impact. La créativité de Strickland se languissant de s’immiscer dans l’imagination de la victime. Lainie ne comprendrait jamais ce type de préliminaires, mais tout soldat qui en a éprouvé l’afflux sanguin le pourrait très bien, lui. Une image délicieuse, ravigotante. Strickland prend un bonbon vert dans le sachet, prétend que son goût piquant est celui du sang ».

Sonorités, gradation dans le phrasé mimant l’excitation sexuelle, phrasé saccadé et concis, absence de connecteurs entre les phrases (asyndètes), choix du vocabulaire sans équivoque : tout ici respire la sensorialité, la sauvagerie, l’excitation et l’imminence du sang sur le bout de la langue.

C’est assez nauséeux, mais toujours dans la cohérence du personnage et absolument pas cautionné. On est bien dans la dénonciation d’un esprit malsain et dangereux. Malgré tout, je trouve que l’exploration de l’horreur du personnage est très bien faite.

Un cocktail assez riche donc, qui crée au final quelque chose d’assez singulier, à la fois cotonneux et flou, mais aussi très sensoriel sur tous les plans. Selon moi, c’est une œuvre qui ne peut pas laisser indifférent.

Société WASP, Etats-Unis, 1963

La voix des minorités

J’en parlais plus haut : le gros atout du livre par rapport au film est son regard très critique porté sur la société WASP des Etats-Unis des années 60. On est à une époque où le modèle de l’American way of life va inonder petit à petit toutes les sociétés occidentales. C’est beau, c’est chic, l’argent rentre, la prospérité est là, la richesse aussi… Mais l’envers de la vitrine est beaucoup moins chic.

La forme de l’eau est la voix des minorités de l’époque. Le texte met en scène deux femmes de ménage dont une noire et une latino, mutilée enfant et muette; un vieil homme homosexuel; une épouse en quête d’indépendance (personnage quasiment absent du film, d’ailleurs); un scientifique russe pas au clair avec sa conscience… Bref, des personnages en marge dans une société fière de son succès et du modèle qu’elle propose. En parallèle, on a la figure du pater familias par excellence avec Strickland (le choix de ce nom quand même ! Tant son sens que sa sonorité donnent un aperçu du personnage…). Mais Strickland a fait la Corée et revient d’un périple d’enfer en Amérique du Sud. Son retour tant espéré auprès de sa famille ne le comble pas de bonheur, tant il sent que la société qu’il a laissée deux ans auparavant est en train de changer. Sous son propre toit. On constate alors les fissures qui commencent à poindre dans cette société du paraître, annonciatrices des grands bouleversements sociétaux à venir.

Une réalisation inégale

Sous la forme de l’eau donne un aperçu de tout le discours homophobe, sexiste et raciste de l’époque. Mais le rendu n’est pas optimal. D’abord parce que ce n’est pas finement intégré à l’histoire, comme je l’ai dit plus haut. Et puis c’est fait avec de gros sabots. Les victimes de ces violences insidieuses sont toutes des gentils. Ils n’ont absolument aucune nuance. Il n’y a bien que le méchant qui offre quelque chose de plus complexe (malgré sa cruauté sans borne assez grotesque parfois). Vous me direz que c’est l’effet conte qui joue. Peut-être !

Malgré tout, j’ai quand même apprécié deux figures. Celle de Zelda d’abord. Elle fait la conversation pour deux avec Elisa pendant leurs travaux de nettoyage, et son franc parler est très drôle, surtout quand elle évoque son mari Brewster (qui brasse beaucoup d’air). Et puis un personnage quasiment absent du film : Lainie, l’épouse de Strickland. Les chapitres centrés sur elle sont intéressants. On y lit sa métamorphose d’épouse soumise à travailleuse indépendante, d’une part. Et puis le roman donne un aperçu de toutes les injonctions données aux femmes à l’époque. Fais ceci, sois comme ça, ne fais pas ça comme ça, souris, cuisine, talons, cheveux, rouge à lèvres, etc. etc. Etouffant. Mais ces chapitres sont les plus désolidarisés de l’intrigue, même s’ils permettent de comprendre la descente aux enfers de Strickland d’autre part.

La forme de l’eau est une œuvre conçue pour le livre et le cinéma. Guillermo Del Toro et Daniel Kraus proposent un conte moderne, à la fois doux, amer, sensoriel et horrifique; onirique et très ancré dans le réel en même temps. A posteriori, je trouve que les deux œuvres se complètent plutôt bien. L’ambiance onirique et fluide est magnifiquement retranscrite à l’écran, tandis que le livre offre un discours engagé et critique sur la société de l’époque. Le tout s’équilibre plutôt bien, et peut-être l’intérêt d’une adaptation sur deux supports réside t-il ici. Malgré une prépondérance de la romance, j’ai aimé cette histoire, qui m’a fait vibrer, plus à l’écran que dans ses pages.

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