
Étrangers
Résumé éditeur
Indisponible éditeur
l’avis des lecteurs
Premier livre que je lis après ma période groumpf-bof-nul. J’ai voulu repartir sur un livre assez court, plutôt contemplatif et mignonnet, pas trop compliqué. Etrangers de Gardner Dozois me semblait idéal. Je l’avais calé dans la catégorie feel good du Pumpkin Autumn Challenge. C’est assez drôle de constater encore une fois à quel point je me suis plantée en beauté, puisqu’il n’y a RIEN de feel good dans ce roman. Bon, on s’en fout, j’ai apprécié ma lecture et c’est le plus important. Mais je pense que je vais arrêter les challenges, ça devient n’importe quoi.
Une narration particulière
Etrangers est un roman court. Sa narration est particulière, comme distante, extérieure. Un peu à l’image du métier de Farber, sorte de peintre photographe. On voit ce qui se déroule : on nous raconte des faits, que l’on perçoit de manière détachée, sans parvenir jamais à en saisir le sens. De ce fait, le narrataire est en retrait par rapport à ce roman qui propose malgré tout un propos très intime et dont on ne parvient qu’à saisir de vagues contours. Tout se passe comme si le lecteur se tenait derrière une caméra qui suivait des mouvements, mais sans capter leur profondeur ni leur sens.
Cette mise en retrait va de pair avec le récit, qui semble raconté a posteriori et centré sur Farber. Qui raconte ? Des historiens, des ethnologues, des enquêteurs… ? On n’en sait rien, mais cela ajoute une distance supplémentaire avec les personnages, dont Farber, qui devient alors davantage sujet d’étude que personnage. Enfin, cet écart est accru par les nombreuses prolepses du(des) narrateur(s), nous laissant entendre très rapidement l’issue de l’histoire.
Une incompréhension totale
Cette narration détachée est très bien vue, parce qu’elle nous met dans la même position que Farber. Celle de l’observateur assez passif qui ne capte pas grand chose à ce qui l’entoure. Il ne comprend pas ce qu’il voit, ou entend. La communication et la compréhension de l’autre sont deux enjeux majeurs du texte – ou plutôt, l’incommunicabilité et l’incompréhension.
Car Etrangers raconte précisément ça. Le roman tourne autour de deux personnages principaux, Farber et Liraun. Autour d’eux gravitent un certain nombre de personnages secondaires, qui semblent a priori tous des opposants au duo. En tout cas, pas des aidants, si l’on reprend les termes du schéma actantiel. On tente alors de se raccrocher à ce couple et de s’y attacher. Mais bien difficile, il faut le reconnaître. Car on ne les comprend pas vraiment, comme eux-mêmes ne se comprennent pas non plus. En effet, Liraun s’offusque du travail de Farber et lui ne comprend rien aux mœurs et à la culture des Cian. La langue de Liraun lui semble beaucoup trop allégorique. Bien souvent, l’incompréhension de Farber est répétée dans le texte, comme une litanie.
L’incapacité de se comprendre découle notamment d’une incapacité de se parler. Ainsi, le roman offre très peu de dialogues fructueux. Quand il y a parole, ce sont plutôt des monologues, tantôt inexpressifs (et dans ce cas, les paroles sont narrativisées, le dialogue étant alors rapporté de la même manière qu’un récit d’événements), tantôt tellement vifs qu’ils explosent les tympans. En effet, beaucoup de personnages hurlent face à la relation entretenue par Liraun et Farber. Il n’y a donc que très peu de réels échanges, et surtout aucune écoute, d’autant que Liraun se mure souvent dans un silence pudique pour ne pas exprimer ses émotions.
On est tous l’étranger de quelqu’un…
Il n’est pas commun de lire un roman, un pur produit de langage, qui développe la rhétorique de son absence. Mais si le langage est porteur de sens et de lien, son absence l’est également. Etrangers pourrait nous apprendre cela, même : que le silence est plus riche de sens et d’interprétations.
Il est intéressant de noter que la première traduction en français de ce roman avait pour titre L’étrangère… Comme si c’était juste Liraun, du fait de sa nature d’extraterrestre, qui était l’Autre. Mais ce titre me semble inapproprié, et d’ailleurs cela a été revu dans la traduction actuelle. Car on a bien deux individus ici qui sont Etrangers.
D’abord étrangers par rapport à leur peuple, qui ne les reconnait plus. Ils étaient déjà un peu en marge, leur histoire commune accroit cette sensation d’être apatride. Et puis étrangers par rapport à eux-mêmes. Se connaissent-ils eux-mêmes ? Savent-ils ce qu’ils souhaitent ou recherchent dans leur vie ? Ni l’un ni l’autre ne semblent très épanouis.
Et puis étrangers à l’autre. Si Liraun et Farber restent pendant la première partie du roman assez soudés, laissant penser qu’il existe une sorte de fusion entre eux, le récit se divise après l’acmé en deux chemins radicalement opposés, générant un éloignement supplémentaire. On n’a alors plus qu’une simple somme de deux Autres qui ne fusionnent que physiquement. Ils n’échangent aucune de leurs pensées, ressentis, émotions. En fait, ils sont profondément seuls.
Il en découle alors une seconde partie profondément mélancolique. Et paradoxalement, plus les personnages se replient sur eux-mêmes, plus on s’attache à eux, dans un souhait vain de les retenir et d’éviter la catastrophe, peut-être.
« Il l’avait toujours considérée comme presque humaine, une sorte d’alliée ; la confrontation avec le corpus insondable de la pensée alien avait brisé l’illusion et le mettait maintenant mal à l’aise ».
La génétique vs langage
Alors quand le langage n’est plus d’aucun renfort, il reste l’espoir de devenir, dans ses propres gênes, un Autre. Etrangers ne propose qu’un univers science-fictif assez peu développé. C’est assez frustrant, d’ailleurs, parce que plusieurs fois il est dit que les Cian ont des capacités technologiques et scientifiques assez incroyables. Mais visiblement, ils s’en fichent un peu, ce qui permet à l’auteur de ne pas s’étendre là-dessus, de toute façon ce n’est pas son propos. J’ai donc été assez déçue lorsque Farber fait un choix très important pour la suite de l’histoire, et que cela est complètement ellipsé. Malgré tout, cela donne lieu à des questionnements philosophiques ensuite, notamment autour des questions de l’identité, de l’appartenance à un peuple etc.
Cependant, si la première partie est assez plan plan et reste vague sur pas mal de ces points, c’est un autre roman qui se donne à lire, passé l’acmé. On passe de l’histoire d’amour entre deux personnes différentes à quelque chose de beaucoup plus profond avec davantage de réflexions. J’ai par exemple beaucoup apprécié les échanges sur l’évolution des espèces dans le temps géologiques, l’adaptation des corps etc. Le discours est un peu daté et à prendre avec des pincettes vu le personnage, toutefois ce n’est pas dénué d’intérêt et on perçoit davantage la question de la différence avec l’exploration des corps. Cela remet totalement en question tout ce qu’on pense être immuable et « naturel ».
Cela pourrait être décoratif dans le roman, mais l’auteur choisit un final assez terrifiant, presque horrifique, complètement lié à la nature du peuple Cian et à leurs mythes et culture qui en découlent. J’ai trouvé cela assez tiré par les cheveux, d’abord, mais c’est une belle façon de relier tous ces éléments qui semblent n’avoir rien en commun. Et pour le coup, Gardner Dozois offre un final à la fois attendu puisque sans surprise dès le début, mais aussi inattendu dans sa manière d’y parvenir. Avec une chute en point d’orgue, faisant d’Etrangers un conte universel doté d’une très grande force dramatique.
Etrangers n’est donc pas un roman feel good ! Plutôt un conte dramatique, évoquant l’altérité, l’incapacité à communiquer, l’absence de langage comme lien, les différences de cultures et de croyances. Un roman sur les non-dits, l’absence de parole, l’incompréhension. Peut-il y avoir amour, si l’on ne sait rien partager, ni aller vers l’Autre ? Gardner Dozois propose avec Etrangers un roman doux amer, mélancolique, parfois un peu lent mais émouvant. Et sans le savoir, j’ai poursuivi sur une même ligne ensuite, puisque j’ai lu L’affaire Crystal Singer, qui reprend pas mal de ces thèmes – je vous en parle très vite.
Étrangers est un roman de Gardner Dozois. Pour sa troisième édition française chez Pocket, il change de titre et se pare d’une superbe couverture signée Aurélien Police. Il fut précédemment publié dans la collection Présence du Futur chez Denoël en 2000 puis chez ActuSF en 2016 sous le titre L’Étrangère. Le titre original est Strangers, et le roman a été écrit en 1978. La traduction est de Jacques Guiod.
Les humains ont découvert le voyage interstellaire suite à l’arrivée des Enye sur la planète bleue. Ils découvrent ainsi également la planète Weinunach, renommée Lisle par les hommes. Joseph Farber est un jeune artiste qui décide de se rendre sur Lisle où il va vivre au début au milieu des siens dans l’enclave humaine. Le peuple de Lisle s’appelle les Cian, les humains ont tendance bêtement à s’en méfier, employant même parfois le terme « bougnoules » pour parler d’eux. Pourtant, lors d’une fête, Farber va rencontrer Liraun Jé Genawen, une femme Cian, et tomber amoureux d’elle. Il va même se faire modifier génétiquement afin de pouvoir l’épouser selon les traditions des Cians. Pourtant, les choses sont loin d’être simples, autant du côté humains qui ne comprend pas la décision de Farber, que du côté Cian, mais aussi au sein du couple dont les membres ont du mal à véritablement se comprendre.
Étrangers est un récit sur l’altérité, sur l’incompréhension entre les peuples et même entre deux personnes. Cette altérité est insurmontable pour les personnages, dont l’union est faite de non dits et qui sont enfermés chacun dans leur culture. Gardner Dozois prend beaucoup de soins à décrire le monde des Cians, leurs traditions et leurs modes de vie. En celà, le roman fait penser à ceux d’Ursula Le Guin. Il créé une mythologie propre au peuple Cian que l’on découvre au travers des yeux de Farber, qui les voit donc sous son prisme d’homme, sans jamais vraiment comprendre son épouse et son peuple. Ainsi, les Cians et les humains sont étrangers au même titre que Joseph et Liraun restent des étrangers, ou que Joseph est un étranger pour les humains et que Liraun l’est aussi au sein des Cians.
Le récit est assez lent mais on se laisse prendre facilement par cette histoire aux thèmes toujours d’actualité. L’histoire est tragique et belle, l’atmosphère de la planète est envoutante. Les cultures des deux peuples sont radicalement différentes. Farber subit souvent sa propre histoire, agissant sans véritablement le vouloir. Liraun est un personnage intéressant mais que l’on voit seulement au travers du regard de Farber. Le récit prend ainsi les tonalités d’un conte tragique et poignant.
Étrangers est ainsi une belle découverte, celle d’un couple d’amoureux maudits, celle de la culture des Cians, de leurs coutumes et de leurs mythes. Le roman parle des difficultés de communication, de compréhension, de l’altérité, des thématiques toujours actuelles. La superbe couverture d’Aurélien Police transcrit très bien l’histoire de ce roman.
Critique
Mauvaise interprétation
Si ma préférence ira toujours à la fantasy, je suis de plus en plus tentée par des romans de science-fiction. Mon partenariat avec les éditions Pocket – que je remercie au passage – me permet justement d’assouvir cette envie de découverte !
C’est pourquoi j’ai demandé Étrangers en service de presse. Bien malgré moi, j’y voyais un genre d’Avatar, film dont j’avais adoré l’histoire. Or, on est loin du compte, ce qui explique ma déception des débuts. Néanmoins, la tendance s’est rapidement inversée…
Des débuts trop descriptifs
C’est le lot des lecteurs malchanceux que de ne pas trouver, dans un livre, ce qu’ils avaient imaginé avec tant d’ardeur. Un tel décalage crée des attentes qui ne seront jamais comblées. Résultat : la frustration est grande ! Et c’est exactement ce qui m’est arrivé.
Au lieu d’assister à la rencontre de peuples opposés, de voir les sentiments naître dans le cœur des héros, j’ai affronté une introduction, certes intéressante, mais ô combien descriptive. Et comme je l’ai dit et répété, les descriptions, ce n’est pas ma tasse de thé, que ce soit en fantasy ou en science-fiction. Dans la première moitié du roman, elles sont malheureusement très présentes, prenant parfois une page entière. Bref, j’ai vite déchanté !
Comme un revirement de situation
Si j’ai persévéré malgré des débuts difficiles, c’est parce que je sentais le potentiel de l’histoire. L’auteur propose une vision, non pas idéalisée, mais réaliste de la conquête spatiale et de la rencontre entre humains et espèces extraterrestres. Exit les clichés en la matière, ils sont ici remplacés par des questionnements profonds, voire carrément pratiques.
Il en va de même pour la romance qui n’inclut ni déclarations enflammées, ni promesses d’amour éternel. Au contraire, les protagonistes eux-mêmes ne semblent pas toujours comprendre ce qui les attire l’un vers l’autre, subissent parfois leur choix de rester ensemble, souffrent au point de se délaisser quelque temps, mais finissent toujours par se retrouver. Ce n’est pas vraiment ce que j’appelle un conte de fée ! Et oui, vivre aux côtés d’un être dont on ne comprend pas véritablement la nature peut se révéler bien difficile…
J’étais donc en phase avec le héros, Joseph Farber, privé de repères et d’explications, malgré les attentions de sa compagne. Ce côté nébuleux a perduré, tant et si bien que j’ai cru que l’action ne viendrait jamais. J’avais tort…
Quand une déception se transforme en coup de cœur !
Contre toute attente, le roman a su éveiller mon intérêt dans la deuxième partie pour laquelle j’ai eu un petit coup de cœur !
Après tant d’avertissements impénétrables et de malentendus inexplicables entre deux individus qui désirent s’aimer envers et contre tout, mais n’y parviennent qu’à moitié en raison de leurs différences culturelles, j’ai enfin compris. L’enjeu de ce livre, l’intensité de cette intrigue, le destin de ce couple. Tout !
Dès lors, impossible de m’arrêter ! J’ai tourné les pages avec l’envie de plus en plus forte que tout se termine bien. Mais le synopsis nous le dit clairement : un drame va survenir. Lequel ? Je vous laisse le découvrir, néanmoins je me permets un conseil : accrochez-vous !
Heureusement, au-delà de ce final bouleversant, ce qui importe vraiment, c’est le message d’amour universel que transmet Gardner Dozois. Même s’il est impossible, même s’il se confronte à la différence et à la haine des autres, il existe envers et contre tout !
Alors, bien sûr, je pourrais décortiquer encore et encore cette intrigue créée avec beaucoup d’intelligence, ou même détailler ses enjeux sociologiques et culturels, toutefois je préfère rester sur une émotion forte que de me lancer dans une analyse approfondie. Si tel n’est pas votre cas, je vous invite à lire les chroniques de Tampopo24 et de Célinedanaë qui offrent une vision un peu différente de la mienne, mais tout aussi captivante !
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