La version qui n'intéresse personne

TTT - Très Bien "La version qui n’intéresse personne a fait l’effet d’une petite bombe lors de sa sortie au Québec, en septembre dernier. Très inspiré des propres expériences d’Emmanuelle Pierrot, ce premier « roman » est un étrange objet littéraire, une œuvre composite qui se meut en permanence entre journal intime, document et poésie. S’y révèle surtout un souffle peu commun, une langue, un flow qui évoque les riches heures de Sur la route et des Clochards célestes. Envie de vivre vite et intensément, télescopages de lieux et de personnages, tranches de vie, coups de blues, défonce et illuminations : la prose de Pierrot a plus qu’un air de famille avec celle de son compatriote, Jean-Louis Lebris de Kérouac, alias Jack Kerouac. Comme lui, la jeune autrice ne juge pas, n’explique pas, ne dissèque pas, mais elle montre. Sa description clinique du quotidien des petits enfants du punk et de la Beat generation se lit avec la curiosité d’un entomologiste découvrant une espèce inconnue, et un certain accablement aussi, devant l’immutabilité de la nature humaine et sa propension à ériger des bûchers. Lorsque Pierrot évoque la ville de Dawson figée par les glaces et la splendeur sauvage de la nature alentour ou de sa chienne Luna, on entend aussi l’écho du Jack London de L’Appel de la forêt ou de Belliou la fumée, comme si, en arpentant les mêmes lieux, à plus d’un siècle de distance, Pierrot en avait, elle aussi, ressenti l’étrange et puissante magie. Touffu, pas vraiment achevé, imparfait comme doit l’être un bon premier roman, La version qui n’intéresse personne a tout, cependant, pour faire rapidement mentir son titre."