D'autres vies que la mienne
  • Date de parution 09/03/2017
  • Nombre de pages 352
  • Poids de l’article 186 gr
  • ISBN-13 9782072722325
  • Editeur FOLIO
  • Format 180 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Ouvrage de référence de l'auteur Sentiments amour amitié Amitiés Biographies, Mémoires

D'autres vies que la mienne

4.10 / 5 (3298 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

À quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d'un enfant pour ses parents, celle d'une jeune femme pour ses enfants et son mari. Quelqu'un m'a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire ? C'était une commande, je l'ai acceptée. C'est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l'amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d'un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s'occupaient d'affaires de surendettement au tribunal d'instance de Vienne (Isère). Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d'extrême pauvreté, de justice et surtout d'amour. Tout y est vrai.

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  • Date de parution 09/03/2017
  • Nombre de pages 352
  • Poids de l’article 186 gr
  • ISBN-13 9782072722325
  • Editeur FOLIO
  • Format 180 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

À quelques mois d’intervalle, la vie m’a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d’un enfant pour ses parents, celle d’une jeune femme pour ses enfants et son mari.

Quelqu’un m’a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n’écris-tu pas notre histoire?

C’était une commande, je l’ai acceptée. C’est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l’amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d’un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s’occupaient d’affaires de surendettement au tribunal d’instance de Vienne (Isère).

Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d’extrême pauvreté, de justice et surtout d’amour. Tout y est vrai.

Ma lecture

La mort : perdre ceux que l’on aime, les voir partir brutalement alors que rien ne le laissait présager ou après de longs mois de souffrance, comment tenir, où trouver la force d’aider, de continuer. Emmanuel Carrère a été confronté de près, en quelques mois à ces deux situations.

En 2004, la veille de Noël, lors du tsunami au Sri Lanka, il participe à la recherche d’une fillette auprès des parents. Une longue quête entre espoir, résignation, combat pour savoir, nécessité d’être confrontés à ce qui est inimaginable en cherchant le corps et affronter la terrible réalité.

Quelques mois plus tard, il assiste à l’agonie et au décès de sa belle-sœur, Juliette, 33 ans, mère de trois fillettes, dont la vie a été marquée par la maladie, le handicap mais aussi l’amour, l’amitié et le combat pour une justice plus humaine.

L’auteur, encouragé par son entourage et les personnes concernées, décide d’écrire sur un sujet que tout le monde ou presque redoute : la mort. La mort de ceux que l’on aime, celle que l’on ne peut admettre et qu’il faudra malgré tout accepter pour continuer.

Avec beaucoup d’humanité, de pudeur, sans effet larmoyant mais en relatant ce qu’il a vécu mais aussi le ressenti des proches, parents, mari, amis, famille, Emmanuel Carrère retrace le chemin que doit parcourir chacun.

Non seulement il relate sa propre confrontation aux événements mais il interroge ceux qui ont été touchés par ces deuils.

(…) On est toujours content quand les gens qui nous aiment relèvent nos travers comme des raisons supplémentaires de nous aimer. (p119)

Le récit comporte plusieurs parties : le tsunami au Sri Lanka survient à un moment où l’auteur est en plein questionnement sur son couple. L’accompagnement des parents dans leurs recherches, la confrontation à la mort à très grande échelle mais avec une solitude profonde face à l’impensable.

Puis la disparition d’une proche, après une longue maladie, le désarroi et le vide qu’elle laisse mais aussi la découverte de son environnement amical, professionnel, qui était-elle vraiment.

Emmanuel Carrère, à la manière d’un journaliste, part interroger son meilleur ami Etienne, juge comme elle, « boiteux » comme elle, qui partagera avec elle (et d’autres) un combat contre les sociétés de crédit qui profitent de l’ignorance pour enfoncer encore plus ceux qui se noient dans le surendettement. J’ai trouvé un peu longue et fastidieuse cette partie, beaucoup de termes « techniques » de justice mais qui explique par contre très bien les processus qu’utilisent ces « usuriers » de la misère.

L’amitié qui lie Juliette et Etienne, est magnifiquement transcrite : profonde et pudique, deux meurtris qui se trouvent, se reconnaissent, partagent les mêmes combats et dont les mots sont parfois inutiles, quand parfois simplement un regard, un silence suffit, on pourrait presque parler d’âme sœur.


La dernière partie est la plus émouvante, la plus éprouvante car elle touche le lent et douloureux combat de Juliette, la sœur de la compagne de l’auteur. C’est à la fois une histoire d’amour conjugal mais aussi familial et maternel. J’ai été très touchée par la lucidité face à l’issue finale, la force de cette femme face aux dispositions à prendre quand on sait que plus rien ne pourra la sauver et que l’on laisse mari, enfants, famille et amis.

L’écriture est très accessible et efficace dans sa simplicité. Pas de grandes envolées, simplement les faits, les mots de chacun sur la personne mais aussi son combat et comment on ressort d’une telle épreuve. Il mêle à la fois questionnement, observations, colère et acceptation. Il puise également dans ces épreuves les réponses à ses doutes.

J’en suis ressortie bouleversée par un sujet toujours difficile à aborder, qu’il soit un parmi des milliers quand il s’agit d’une catastrophe ou individuel quand il s’agit d’un membre de sa famille, un proche, un ami. On est jamais prêt à le vivre et pour Emmanuel Carrère ce fut un moment décisif dans sa relation à l’autre, au couple, à la famille.

Quel est le lien entre le tsunami qui a frappé le pourtour de l'Océan indien en 2004, le cancer d'une belle-sœur, et la lutte contre les abus des sociétés de crédits entreprise par quelques juges en charge de dossiers de surendettement ?


Emmanuel Carrère. Et plus précisément le besoin d'écrire qu'ont fait naître en lui certaines de ses rencontres.


A quelques mois d'intervalle, l'auteur est confronté à la mort. 

Celle de Juliette, quatre ans, puis celle de Juliette, trente ans. 

La première est la fille d'un jeune couple dont l'auteur et sa compagne Hélène, en vacances au Sri Lanka, viennent de faire la connaissance. Emmanuel Carrère et Hélène sont sur le point de rompre, il s'agit là de leurs dernières vacances ensemble. La disparition de la fillette, emportée par la vague, le soutien qu'ils apportent à ses parents, et la réflexion sur leur relation que fait naître la conscience d'avoir échappé de justesse à la mort, les rapprochent.

La deuxième est la sœur d'Hélène. La cancer qui, une dizaine d'années auparavant, l'avait laissée boiteuse, récidive, cette fois mortellement.


Emmanuel Carrère se place, pour construire son récit, en spectateur de ces drames, et surtout de leurs résonances sur les proches des victimes. Il assiste au chagrin qui frappe les parents et le grand-père de la petite Juliette, à la façon discrète mais courageuse dont chacun tente de ménager la peine de l'autre, il constate que l'amour que se portent les survivants est une force immense, qui permet de surmonter le pire.

Il recueille les témoignages des proches de Juliette, l'adulte, entend l'ardeur et l'humanité avec lesquelles elle exerçait son métier de juge. Il admire le courage de son mari, cet homme si humble, si calme, et pourtant si solide, qui assume son devoir de père avec une touchante simplicité. Il relate l'amitié quasi fraternelle qui l'unissait à son ex collègue juge, lui aussi rescapé d'un cancer, et qui la comprenait si bien...


Tout cela se déroule naturellement, au fil des rencontres que fait Emmanuel Carrère, provoquées par ces deux décès. Il se fait, avec pudeur, le porte-parole de ces individus anonymes, ordinaires, et les rend remarquables, par sa capacité à capter ce qui fait d'eux des êtres uniques, mais dans lesquels on se reconnaît. Sans mélodrame, presque sans empathie, il décrit leurs attitudes, rapporte leurs paroles, les sentiments qu'ils expriment parfois, et n'a pas besoin d'en faire plus : leur sincérité, dépouillée de tout artifice littéraire -qui aurait été inutile- nous bouleverse, l'auteur nous permettant ainsi d'avoir l'impression de toucher du doigt un peu de nous-mêmes.


Et si sa démarche est mue par un impératif d'honnêteté, de justesse, quant à la véracité des faits, il n'en reste pas moins que "D'autres vies que la mienne" doit surtout sa valeur à la plume de son auteur, dont la perspicacité et la maîtrise narrative font de ce roman un texte très marquant.


>> Lire aussi l'avis d'Athalie.


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