Sans mon ombre
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l’avis des lecteurs
Quatrième de couverture
Dans un accès de violence, Alice tue sa sœur, Célia. Alors que tout les opposait, Alice décide de prendre la place de la morte. Saura-t-elle donner le change et que découvrira-t-elle de l’autre côté du miroir?
Mon avis
« Sans mon ombre », c’est l’histoire de deux jumelles, Alice et Célia. Physiquement, ce sont deux gouttes d’eau, bien malin qui pourrait déterminer qui est qui. Côté caractère, c’est autre chose, l’une, Célia est mariée, mère de deux filles. Non diplômée, elle consacre énormément de temps à sa famille et à de nombreuses « bonnes œuvres » dans la paroisse ou ailleurs. Elle vit dans un certain luxe, entouré d’amis issus « de la haute ». L’autre, Alice, est professeur de philosophie, elle brûle la vie par les deux bouts et multiplie les amants. Leur mère (qui à mon avis, a fait une première erreur en prenant deux prénoms « anagrammes ») les a comparées lorsqu’elles étaient petites (prends donc exemple sur ta sœur) et a ainsi, incidemment, mis en place un climat délétère qui n’a fait que s’amplifier. Malgré sa réussite en tant qu’enseignante, Alice envie sa jumelle, le train de vie qu’elle mène et le fait qu’elle ait du temps pour elle. Cette jalousie la ronge, l’empoisonne, la détruit. Aussi, lorsqu’une dispute tourne mal et que sa sœur décède sous ses yeux, suite à une mauvaise chute sans témoin, elle saisit l’occasion de prendre sa place. Elle qui a son franc parler mais qui ne supporte pas les fautes de français, un style vestimentaire assez mode, qui aime choisir ses activités, qui ne sait pas cuisiner, va-t-elle réussir à se « couler » dans son nouveau « rôle », celui d’une maman dévouée, qui va à des réunions Tupperware, tient des stands à la kermesse, après avoir préparé des gâteaux ? Chasser le naturel….
Alice va vite découvrir que la vie de Célia n’était pas aussi lisse qu’elle le croyait. Des tas de choses à prévoir, organiser, des amis qui n’en sont pas, des manigances, des chantages, des trahisons, des adultères, ce monde de snobs est un peu caricaturé car on y retrouve tous les cas de figures. Et on assiste aux erreurs d’Alice qui parfois se raccroche aux branches, qui d’autres fois, assume comme si Célia se décidait à être rebelle. Rien ne sera simple, ni facile, elle doit ruser, composer, et se demande si elle a fait le bon choix. Cet échange va lui permettre de faire le point sur sa vie, mais également de découvrir sa frangine par l’intermédiaire d’un journal intime qu’elle récupère. Le lecteur ne connaît pas Célia mais au fil des pages, sa personnalité se dessine, par l’intermédiaire des gens qui parlent d’elle ou qui dialoguent avec Alice en la prenant pour elle.
Ce roman est intéressant pour l’analyse de la relation de la gémellité, des relation amicales ou familiales (que de faux semblants) mais également pour le cheminement d’Alice qui va évoluer, chercher la rédemption après avoir détesté « son alter ego ».
L’écriture d’Edmonde Permingeat est très plaisante, fluide. Elle est régulièrement rythmée par les pensées d’Alice, écrites en italiques, qui sont teintées de cynisme de bon aloi et parfois assez amusantes. Cela « désacralise » le côté sérieux du récit et apporte une bouffée de fantaisie. Le contenu monte en puissance au fil des chapitres. Si l’échange peut faire sourire au début avec les gaffes de l’usurpatrice, on sent rapidement que l’ambiance va aller en se détériorant, que la pression va monter et que l’aspect psychologique va prendre de plus en plus de place. La présentation de l’évolution d’Alice est une réussite et permet de pardonner l’aspect un peu «caricatural » de certains personnages (comme la belle-mère qui est horrible).
J’ai beaucoup apprécié cette lecture et le style vif de l’auteur. C’est une belle découverte !
J’ai lu et apprécié récemment Ecrit dans le sang de cette auteure et je viens de découvrir son précédent thriller, sorti chez Archipoche il y a quelques jours.
Alice et Célia sont jumelles, elles portent d’ailleurs des prénoms écrits avec les mêmes lettres. Alice est agrégée de philosophie et enseigne dans un lycée de Provence, mais son métier ne la satisfait plus, elle a perdu ses illusions et ne croit plus à sa mission. Elle est la dominante du couple, tandis que sa soeur était une enfant modèle, complètement soumise à leurs parents, bigots à l’esprit étroit, Alice était désobéissante et a toujours essayé de se singulariser. A son avis, leur mère ne l’a jamais comprise et préfère Célia. Cette dernière a raté son bac et épousé un homme riche, elle a deux filles, une magnifique maison, ne travaille pas et vit dans le luxe. Alice en a assez de sa vie de prof et de ses multiples amants qui ne la satisfont jamais. Les deux soeurs se retrouvent sur une falaise en bord de mer, elles se disputent et Alice tue sa jumelle accidentellement. Etant jalouse de la vie de princesse de Célia, elle pousse son corps dans la mer et décide de prendre sa place. Toutefois elle va vite déchanter et se rendre compte que la vie de sa soeur est bien loin d’être aussi idyllique qu’elle le croyait.
L’auteure explore le thème de la gémellité, les deux soeurs sont presque semblables sur le plan physique, mais complètement différentes pour le reste. Alice se sent rejetée par sa mère et essaie depuis toujours de se démarquer, elle jalouse Célia qui semble son opposée : Elle n’est pas brillante, elle est douce et soumise, cherchant toujours à faire plaisir aux autres tandis qu’Alice a bâti sa vie sur la philosophie de Nietzsche et sa vision du surhomme, elle est tout sauf une femme de coeur et utilise les autres à son profit. Ce roman se réfère à de nombreuses reprises à Alice aux pays des merveilles et à l’autre côté du miroir.
La plus grande partie du roman explore le désenchantement total que vit Alice au cours des treize jours qu’elle passe dans la peau de sa soeur. Elle pensait vivre un conte de fées et s’aperçoit qu’en fait Célia était une esclave, son bonheur et son existence luxueuse ne sont que des trompe l’oeil. Elle pensait que Maxime était séduisant et amoureux, mais il la trompe et lui fait subir de nombreuses violences allant jusqu’au viol, c’est en fait un pervers narcissique. Les riches notables de cette ville provençale cachent de nombreuses turpitudes derrière une façade de respectabilité, ils s’adonnent joyeusement à l’adultère, mais surtout sont macho et oppriment leur femme en leur mettant une terrible pression et en ne leur accordant aucune importance. Elles ne sont que des faire valoir. Le vétérinaire abuse même de sa fille de sept ans en toute impunité, protégé par les autres mâles de la corporation, sa femme essaie bien de se rebeller mais il la bat. Se sachant totalement impuissante à protéger sa fille face à ce notable qui va se lancer en politique, elle finit par l’abattre dans son sommeil. Cette thématique des notables pervers est courante, mais elle est très bien utilisée ici, c’est le coeur de l’intrigue.
Les personnages les plus développés sont Maxime et Alice, la belle-mère est une vraie caricature, le trait est nettement forcé. Alice s’engage dans un bras de fer contre « son » mari qui n’est pas dupe de la substitution, mais en profite pour assouvir sa vengeance. Malgré sa grande intelligence, Alice se laisse prendre aux apparences et ne comprend que trop tard qui était vraiment sa soeur et quel était son projet de vie. Pratiquement tous les personnages du roman sont imbuvables, aveuglés par leur orgueil et leur esprit de caste, ils sont tous aussi pervers les uns que les autres. Finalement Alice comprend que l’autre côté du miroir, n’est pas un lieu enchanté mais le miroir aux alouettes, il ne lui restera que les remords.
J’ai beaucoup aimé ce thriller très prenant et bien écrit. Un tout grand merci à Mylène des éditions de L’Archipel qui me gâte toujours beaucoup.
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