
Retour à Reims
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Après la mort de son père des suites de la maladie d’Alzheimer, Didier Eribon revient à Reims et renoue avec sa mère, avec laquelle il n’avait quasiment plus de contacts. Il s’est éloigné de l’ensemble de sa famille lorsqu’il a quitté sa ville natale pour faire ses études à Paris.
C’est en partie l’homophobie de son milieu d’origine -et de ce père défunt- qu’il a fuie, mais il réalise avec le recul qu’assumer son homosexualité ne l’a pas libéré d’une autre honte, celle-là sociale, dont il lui a été bien plus difficile de se défaire. En se construisant contre la culture populaire dont il était issu, en mesurant sa réussite à l’aune de son éloignement des siens et de ses racines, il a finalement renié une part de son être. Il a pourtant très tôt été de gauche, voire d’extrême gauche puisque se définissant comme trotskiste, et reconnaît la dichotomie entre ses valeurs politiques le portant vers la défense des classes populaires, et son rejet de la réalité du milieu ouvrier. Une réalité qu’il restitue en évoquant le parcours de ses parents, révélateur de ce qui caractérise non seulement le prolétariat français depuis les années 1950, mais aussi la condition féminine des plus modestes.
La guerre a mis un terme au parcours scolaire de sa mère, qui avait obtenu une dispense pour intégrer le secondaire. Elle évoquera souvent ses regrets d’avoir dû interrompre sa scolarité et c’est elle, comme si elle accomplissait à travers lui un rêve déçu, qui permettra à Didier de faire des études, exprimant aussi, paradoxalement, son animosité face à ce qu’elle considérait comme le sentiment de supériorité de son fils. D’abord bonne à tout faire, elle a subi un harcèlement sexuel allant alors de soi dans la profession. Femme de caractère, elle ne s’est néanmoins jamais laissée faire, ce qui lui a valu plusieurs fois d’être congédiée. Son mariage à vingt ans avec un homme dont elle n’était pas amoureuse était pour elle une manière d’accéder à l’indépendance et d’éviter d’avoir, comme sa mère avant elle, un enfant sans père. Malgré les réticences de son époux, acquis aux a priori d’un milieu considérant les travailleuses comme des délurées, voire des trainées, elle a travaillé en usine, contribuant à assurer la maigre subsistance de leur foyer.
Le milieu ouvrier était alors marqué par son adhésion aux idées communistes, non tant comme projet politique que par refus pragmatique de la dureté du quotidien et de la violence, affectant les corps comme les esprits, née de l’exploitation et de l’inégalité sociale. Sa bascule progressive dans l’extrême-droite, entérinera le rejet de son milieu d’origine par Didier Eribon. Les échanges que permettent les retrouvailles avec sa mère, mais aussi le recul des années, et une certaine nuance que lui permet la maturité, l’amène à tenter de comprendre plutôt que de diaboliser. Etrangement, l’une des explications de cette mutation idéologique réside dans cette dichotomie dont l’auteur est lui-même la proie. Le récit politique dit de gauche, à partir des années 1980, en ne tenant pas compte de ce qu’étaient réellement ceux dont il interprétait les vies, en est venu à les condamner parce qu’ils échappaient à la fiction ainsi construite. Faisant disparaître des discours politiques et intellectuels le mouvement ouvrier, ses traditions et ses luttes, la gauche socialiste a basculé vers un intellectualisme néoconservateur, mis en avant la responsabilité individuelle contre le collectivisme, et adopté le langage des gouvernants. Le vote Front national était alors vu pour certains comme le dernier recours des classes populaires pour défendre leur identité collective et leur dignité piétinée. En l’absence de discours basés sur l’opposition de classe, les discours d’extrême-droite avançant une opposition entre français et étrangers, ont par ailleurs fait leur terreau dans le racisme profond qui caractérisait une partie du milieu populaire blanc où, pour se sentir supérieur à quelqu’un, la facilité amenait à mépriser les plus démunis que soi.
A partir de son histoire personnelle, dont il neutralise la charge émotionnelle en s’appuyant sur des références littéraires sociologiques ou politiques, l’auteur se livre à une réflexion plus vaste sur la division de la société en classes, et les effets des déterminismes sociaux sur les psychologies individuelles ainsi que sur les rapports entre les individus. Il démontre que ces derniers sont définis par leur double inscription dans un temps et un lieu, plus précisément celui de l’espace social où ils naissent, qui décide de leur place et de leur rapport au monde, et de la manière dont ils vont en faire l’apprentissage. Lui-même a expérimenté comment, à chaque étape de la vie, et plus particulièrement lorsque se jouent les futures orientations professionnelles, les origines sociales représentent une assignation qui circonscrit le champ des possibles, les frontières séparant les classes délimitant strictement ce qu'il est imaginable d'être ou de devenir. Lui qui fut le premier de sa famille à accéder à l’enseignement secondaire ignorait tout des filières d’excellence auxquelles il aurait pu prétendre, et manquait des réseaux de connaissances qui donnent à un diplôme sa véritable valeur sur le marché du travail. Le système scolaire légitime ainsi la domination de classe en rejetant les enfants des classes populaires, tout en leur laissant croire qu’ils ont choisi cette exclusion.
Témoignage personnel tendant vers l'essai sociologique, "Retour à Reims" mêle ainsi intelligemment l'intime et le collectif.
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