Le Bureau des jardins et des étangs
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Quatrième de couverture
Empire du Japon, époque Heian, XIIe siècle. Être le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, n'empêche pas Katsuro de se noyer. C'est alors à sa jeune veuve, Miyuki, de le remplacer pour porter jusqu'à la capitale les carpes arrachées aux remous de la rivière Kusagawa. Chaussée de sandales de paille, courbée sous la palanche à laquelle sont suspendus ses viviers à poissons, riche seulement de quelques poignées de riz, Miyuki entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes
Mon avis
Attention pépite !
Avant toute chose, il faut déjà souligner la couverture : sobre, inclassable, belle, lumineuse, poétique, sensuelle…. A elle seule, elle présente l’entité du roman : Miyuki et la carpe. Ce sont elles qui peuplent les pages, les remplissent d’odeurs, de sons, de sensations, d’émotions….
Qui eut pensé que des carpes et une frêle jeune femme allaient me fasciner, m’emporter loin de tout ? Certainement pas moi qui, en commençant ce roman, me demandais sur quelles routes j’allais marcher au côté de cette récente veuve.
En effet, l’époux de Miyuki était le meilleur pêcheur de carpes de son petit village et sans doute des alentours. Chaque année, il livrait des carpes destinées à alimenter les étangs impériaux. Il est mort et les dernières carpes sont en attente. Alors, sa femme se décide, elle accomplira ce qu’il aurait dû accomplir. Elle portera les poissons là-bas, loin, si loin, sur ses épaules délicates. Elle ne se pose pas de question, elle veut le faire, elle doit le faire, elle le fera. Peu importe le regard des villageois (Cette veuve a-t-elle achevé tous les rituels de purification après un décès ? Est-elle la mieux placée pour ce transport ? Est-ce une bonne idée ?) qui s’interrogent. Il semblerait que Katsuro, le mari, avait un don pour trouver les plus belles, les plus gracieuses, les plus brillantes carpes. Sa dextérité, son bon goût, rejaillissaient sur le village car il était bien récompensé par l’Empereur et il partageait avec le village. C’est également pour cette raison que sa tendre aimée va partir. Elle veut, à son tour, subvenir aux besoins des habitants et surtout marcher dans les pas de celui qui était toute sa vie, dont elle devinait les besoins avant qu’il ne les exprime.
La voilà partie, mettant ses pas dans ceux de son regretté compagnon. Se rappelant, à chaque étape, ce qu’il lui disait du lieu ou des personnes où elle se trouve. Sa route n’aura rien de facile mais elle avance, confiante, portée par le souvenir, sublimée par l’amour qui court encore dans ses veines, dépouillée de tout mais forte, si forte…. Elle est humble, modeste et prête à tout pour réussir, comme si sa vie en dépendait…. Elle ressent la force du disparu et a pour but, de ne pas le décevoir….
Dans un style épuré, avec une écriture subtile et délicieuse, Didier Decoin nous entraîne dans le Japon du XII ème siècle. Il trouve un rythme et un ton parfaitement adaptés à la situation. Comme au fil de l’eau, nous cheminons, tous les sens en éveils, au côté de cette jeune femme discrète, attachante et droite. Elle (s’) est investie d’une mission qu’elle entend mener à bien, par respect et amour de celui qui lui a tout appris.
« C’était lui qui l’avait initié au monde bruissant et frais de la rivière, aux procédés pour capturer les carpes sans les blesser, aux méthodes pour les apaiser, les apprivoiser au point de pouvoir les emmener faire un long voyage… »
J’ai aimé ce livre pour sa « retenue », au-delà de chaque phrase, beaucoup de choses sont exprimées entre les lignes et nous rappellent combien la vie est belle tout simplement.
Et je conclurai sur cet échange :
- Bien sûr, tu ne peux pas comprendre –le mot hiérarchie a-t-il seulement une signification pour toi ?
- Pas vraiment, seigneur, reconnut Miyuki.
Mais elle se rappelait avoir été heureuse avec Katsuro sans jamais avoir éprouvé le besoin de connaître le sens du mot hiérarchie.
Où?
Le roman se déroule principalement à l’ouest de l’île de Honshu, dans la région de San’in au Japon. De Shimae on va cheminer vers Heankyō, Hongu et Tsugizakura
Quand?
L’action se situe au XIIe siècle.
Ce que j’en pense
Après Le Maître, le très taoïste roman de Patrick Rambaud, Monsieur Origami, le très artistique et poétique roman de Jean-Marc Ceci, voici Le Bureau du Jardin et des Étangs, le très romantique et parfumé roman japonais de Didier Decoin. Ce délicieux conte initiatique nous fait cheminer dans le Japon du XIIe siècle, dans le sillage de Miyuki qui vient de perdre son mari. Ce dernier était un pêcheur, chargé de fournir les poissons pour les étangs de la cité impériale. «Katsuro ne posait pas de questions. Il était le meilleur pêcheur de carpes de la Kusagawa».
Pour le village tout entier il est essentiel de continuer les livraisons afin de préserver un statut privilégié et pour Miyuki il est tout aussi important de poursuivre l’œuvre de son mari, même si la route jusqu’à la capitale n’est pas aisée à suivre. D’autant qu’elle devra faire la route chargée d’un lourd fardeau. Huit des plus vigoureuses carpes pêchées par Katsuro sont placées dans chacun des deux récipients qu’elle porte, amarrées à une perche.
Le courage et la détermination de Miyuki nous pourront toutefois éviter la perte de la quasi-totalité du précieux bagage. Ce sont à la fois les difficiles conditions topographiques, climatiques et les rencontres qu’elle va faire qui vont entraîner cette hécatombe. Dès lors, faut-il poursuivre la route ? La réponse viendra d’un sage homme qui croisera sa route, lui apportant par la même occasion la preuve qu’il n’y a pas que des personnages mal intentionnés sur sa route : « Il y a toujours du sens à continuer d’agir comme on doit dit Togawa Shinobu, même si l’on croit que cela ne sert plus à rien. Mon désir est de vous aider à prendre conscience de cette vérité. »
Okono Mitsutada, patron d’une barque de pêche, va lui proposer de la renflouer, moyennant un petit service. Elle s’offrira en tant que Yŭjo à un riche client et sera couverte de cadeaux. Miyuki accepte cette proposition non sans crainte, elle qui n’a jamais connu d’autre homme que son mari («quand il est mort nous étions encore en train de nous étonner l’un l’autre») et avait jusque-là refusé de jouer les «empileuses de riz».
Cette expérience va non seulement la transformer, mais révéler à son client le parfum étrange de sa concubine. C’est cet aspect qui va, au-delà des malheureuses carpes, plaire au directeur du Bureau des Jardins et des Étangs. Car en sa qualité de responsable de l’acclimatation des arbres aromatiques, il est le gardien du livre des mille odeurs et entend bien participer aux côtés de l’empereur au concours de compositeur de parfum. Le thème choisi est cette fois l’image d’une demoiselle des brumes franchissant un pont en dos d’âne.
Laissons au lecteur le soin d’imaginer quel rôle jouera Miyuki durant cette épreuve. Toujours est-il qu’elle pourra reprendre le chemin du retour vers son village – toujours autant parsemé d’embûches – enrichie d’expériences nouvelles. Il paraît que « les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler». Une jeune femme qui semblait traverser «la vie en sautillant d’une ignorance à l’autre» va nous apporter une preuve étincelante qu’il y a bien des manières de conjurer le sort. Et Didier Decoin va, une nouvelle fois, nous enchanter. En nous entraînant, après La pendue de Londres, sur un terrain aussi inattendu qu’éblouissant.
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