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L'automate de Nuremberg
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
L’automate de Nuremberg est la seconde participation de Thomas Day à la collection Une heure lumière des éditions Le Bélial’. Il s’agit d’une réédition d’un roman court paru chez Folio en 2008. Auparavant, une première version du texte était parue dans le numéro 42 de mai 2006 de la revue Bifrost, sous le titre Le dernier voyage de l’automate joueur d’échecs.
La novella consiste en une alternance de courts chapitres, d’une part des extraits du journal de Melchior Hauser, et d’autre part la narration d’un mystérieux personnage, qui semble bien connaître Melchior.
L’histoire démarre en 1824, à Moscou, dans une Europe alternative dans laquelle Napoléon a vaincu la Russie, occupe l’Europe, et se pose en maître de l’Europe, avec juste un rival Anglais avec lequel la France cherche à se développer. Melchior Hauser est un automate joueur d’échec, créé par un inventeur Allemand à Nuremberg et offert à l’Empereur de Russie 10 ans plus tôt. La Russie impériale n’ayant plus de véritable existence, le tsar libère son automate, et celui-ci part à la recherche de son créateur en Prusse, accompagné par un ex agent russe.
On suit donc le périple de cet être, cette chose, dont les capacités sont limitées au départ, mais la technique va lui permettre de gagner en compétences, en mémoire, jusqu’à… acquérir un semblant d’humanité ? Malgré ce caractère de machine, on s’attache très vite à ce personnage de Melchior, on soufre et on réfléchit avec lui, lui prêtant des émotions qu’il n’est même pas capable d’éprouver ! Il s’étonne parfois de choses comme un enfant qui découvrirait de nouvelles contrées, avec une page blanche à écrire à chaque fois. Sa fragilité est frappante, sa conditions des moins enviables.
Ce court texte est un conte philosophique intéressant, au croisement de Frankenstein et du développement d’une IA. La toile de fond est crédible, avec des petits questionnements uchroniques dans lesquels la France n’a pas le beau rôle. Comme à son habitude Thomas Day arrive à rendre ses personnages attachants en très peu de temps, à nous immerger dans son récit grâce à son style direct.
J’avais déjà lu l’automate de Nuremberg il y a quelques années. Il reste un court texte qui nous questionne sur notre humanité, sur ce qui nous raccroche à nos racines. Le texte fait bien sûr référence à Prométhée et les risques de pouvoir créer / altérer de la vie, et vaut le détour pour la réflexion qu’il propose.
Une certaine transparence est de mise en introduction de cette chronique, je crois.
Si je suis toujours content de recevoir un SP de ma chère collection Une-Heure-Lumière, et que je le serai toujours, je pense ; la réception de la novella qui nous concerne aujourd’hui était teintée d’une certaine appréhension de ma part, je l’avoue. Une appréhension suffisante pour me faire entamer ma lecture avec une certaine forme de réticence, pour tout dire. Parce qu’avec les années et mes quelques lectures signées Thomas Day, l’image que je me suis faite de l’auteur est devenue assez négative, au point même de me faire rétrospectivement douter de son Dragon, que j’ai pourtant très longtemps considéré comme un des éléments les plus précieux de la collection UHL. Le truc, c’est que depuis ma lecture de 7 secondes pour devenir un aigle, j’ai pris conscience du niveau de fascination très élevé de l’auteur pour le sexe, une impression encore renforcée par la couverture du Bifrost lui étant consacré faisant ouvertement du sexe une des caractéristiques cardinales de son travail. Et bon, vous le savez, à force, j’ai un peu de mal avec un usage trop débridé de tout ce qui touche à la chose, particulièrement en littérature, ç’a tendance à me sortir de ce que je lis avec une grimace agacée et un roulement d’yeux.
Donc voilà. Pour ce que ça me chagrine parce que j’aimerais éviter d’être dans ce genre de situation, force est de reconnaître que j’ai attaqué cette lecture sans grand enthousiasme, avec la crainte d’y retrouver ce qui m’a fait renoncer à plus creuser le travail de Thomas Day depuis quelques années. Je suis tombé dans un piège que je me suis tendu un peu tout seul, en personnalisant l’ouvrage avant même de savoir de quoi il serait question.
Et finalement… Je sais pas trop. Les reproches que j’avais le plus anticipés n’ont qu’une très relative raison de subsister, laissant la place à d’autres un peu plus surprenants. Et d’un autre côté, il y a aussi de belles choses là-dedans. Pas assez pour que je m’estime réellement satisfait, mais de belles choses quand même. Bref, c’est pas simple.
Le mieux, c’est encore que j’essaie de vous expliquer.
Première belle chose : la conception de l’automate du titre. C’est tout bête, mais j’aime beaucoup l’idée d’une écriture plus restrictive qu’expansive d’un robot. D’abord parce que mine de rien, c’est rare en Imaginaire, et ensuite parce que ça convient très bien à ma petite obsession récente avec l’idée de ramener le rêve au niveau du sol. Écrire un robot à partir de ses limitations plutôt que de ses infinies possibilités, je trouve ça extrêmement intelligent, et Thomas Day le fait super bien, ici. C’est d’autant plus plaisant à lire que c’est évidemment bien réfléchi, et que ça nourrit d’autant plus le point de départ narratif du texte ; un automate qui a été optimisé dans quelques directions seulement et qui en est pleinement conscient me paraît absolument légitime à se poser des questions sur lui-même, bien plus qu’un androïde « parfait » plus classique dans ce genre d’histoire. De fait, tout ce qui entoure la technicité de notre automate était franchement cool, d’un bout à l’autre du récit, surtout quand Thomas Day parvient à créer un lien entre l’intrigue et certaines des limitations qu’il a créées pour lui, ça nous donne quelques très bonnes scènes, soutenues par une sorte d' »anti-sense-of-wonder« , si j’ose dire. Quelque chose de fascinant parce que ça va à l’encontre du rêve habituel, revenant toucher le même rêve par l’autre bout, d’une certaine manière.
Et si ce récit n’avait été que ça, une sorte de tranche de vie mécanique, une exploration purement conceptuelle intriquée à une histoire de quête de soi, somme toute banale mais bien nourrie à l’inventivité technique, je pense que j’aurais pu adhérer à plein. Parce que la démarche aurait été claire et limpide. Mon souci, c’est qu’à un moment, je trouve que c’est un peu parti en capilotade, Thomas Day se dispersant un peu trop à mes yeux, voulant sans doute surprendre et partir dans une direction inattendue à partir de la base construite jusque là.
Je passerais ici sur les allusions sexuelles vulgaires qui émaillent le texte, ou sur une incursion d’antisémitisme extrêmement étrange ; les premières sont un attendu pour l’auteur à mes yeux, j’imagine qu’il faut juste faire avec, à ce stade, et la seconde est tellement bizarre que je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute quant à ses intentions, d’autant plus qu’il essaie d’une certaine manière de la contrebalancer plus tard dans le roman. Admettons que c’est une tentative maladroite d’approfondissement de l’ambiance Europe napoléonienne uchronique du récit ; je devais juste le dire parce que ça m’a choqué à la lecture et que je me demande pourquoi c’est là, je n’ai pas le sentiment que ça apporterait grand chose au texte, même mieux maîtrisé.
Mais bref, pardon, fallait que ça sorte. Ce n’est même pas le cœur du problème – littéraire – pour moi. Le problème, c’est qu’en parallèle de l’histoire de notre automate, on a l’histoire d’un autre personnage, aux implications nettement moins terre-à-terre que notre protagoniste, qui viennent ajouter une couche presque ésotérique au récit qui jure à mes yeux pas mal avec ce qui a été établi par ailleurs. D’une certaine manière, je trouve que Thomas Day gâche son effort premier en venant y adjoindre une dualité technologie/religion – ou plutôt matérialisme/spiritualité – qui pour le coup est complètement convenue, et d’autant moins convaincante à mes yeux qu’elle est enrobée de discours un peu pontifiants n’apportant rien à la réflexion initiale, voire la limitent, en recadrant de façon artificielle son paradigme, apportant plus de réponses péremptoires que de questions pertinentes. De fait, cet ajout en plus de quelques choix narratifs discutable viennent à mes yeux pourrir le texte aux niveaux narratif, thématique et structurel, amenant même à un twist final que j’ai trouvé très faible et même contreproductif à l’aune du récit entier. Je serais tenté par un gros « tout ça pour ça ? ».
Mais cette déception est à prendre avec des pincettes tout de même. Si je suis convaincu que mon déplaisir est essentiellement basé sur des arguments logiques dans ma sphère de réflexion et de goûts, je dois bien envisager avec sérieux la possibilité que mon anticipation négative du travail de Thomas Day et ma contrainte auto imposée de lire tous les textes de la collection UHL, y compris ceux qui me tenteraient le moins initialement, aient pas mal participé à ma lassitude et à une lecture corrompue de ma part. Peut-être aussi que dans d’autres circonstances, j’aurais été moins dur avec cette novella, mais je doute quand même qu’il aurait fini dans mes bonnes grâces quoi qu’il en fut ; en dépit de ses quelques indéniables qualités littéraires et conceptuelles, il opère des choix qui ne sont juste pas les bons pour moi et déséquilibrent fatalement l’ensemble. Et c’est bien dommage.
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