L'oeil privé

Tard dans la nuit, le « drooo-drooo » retentissant d’un téléphone tire brutalement un privé anonyme des affres d’un sommeil agité et peuplé de rêves dangereusement prémonitoires. Iago Van Güllick, puissant magnat de l’industrie rongé par le cancer, le charge d’une enquête a priori fort anodine : retrouver la trace d’une mystérieuse laborantine soupçonnée d’espionnage industriel. Mais les indices sont ténus. Et les rares pistes sont comme autant de cul-de-sac qui titillent encore d’avantage sa légendaire pugnacité de privé de seconde classe. Un feutre négligemment vissé au sommet du crâne, il promène sa dégaine à la Humphrey Bogart dans le lacis inextricable de cette enquête où sensualité et danger sont indissociables. À la manière d’un vieux tabloïd parcheminé au graphisme délicieusement rétro, L’Œil privé revisite tous les codes graphiques et narratifs du polar hollywoodien des années 1940-1950. Outre l’ombre poisseuse d’un Vernon Sullivan des meilleurs jours, on y croise, pêle-mêle, tous ces personnages salement cabossés qui font le sel de la littérature et du cinéma policier : privé flegmatique, flics ripoux, gangster dur à cuire ou autre vamp vénéneuse dont la beauté incendiaire ne suffit plus à dissimuler les effroyables secrets dont elle est détentrice… Savant mélange de polar et de science-fiction, L’Œil privé démontre incontestablement l’immense talent de cet auteur au style inégalable.