Terra Ignota Tome 5 Peut-être les étoiles
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l’avis des lecteurs
Je l’ai dit au cours de ma lecture, cette chronique ne pouvait pas commencer par autre chose que des excuses. Comment ai-je seulement osé douter. Allez, mettons mon avis quelque peut mitigé à propos de L’Alphabet des Créateurs sur le compte d’une absence passagère, d’un contexte difficile menant à un certain niveau d’incompréhension ponctuelle de ma part ou d’une malheureuse accumulation de détails exogènes hostiles. Ou simplement un coup de malchance dans mes perceptions à cause d’un découpage aussi indispensable que malheureux. Allez savoir.
En vrai ? Peu importe. La saga Terra Ignota est donc finalement achevée. Et ce dernier tome confirme avec brio ce qui était, au fond, inévitable. Le mot peut être lâché sans scrupule.
Chef d’œuvre. Le vrai le beau le pur, la baffe cosmique en travers du cortex, l’expression parfaite d’une ambition merveilleuse ; la preuve indéniable désormais, pour moi, qu’Ada Palmer n’avait pas signé un chèque en bois. Pire : sa fortune littéraire excède sans doute largement la richesse qu’elle exhibe. Cette tétra(penta)logie est déjà un monument enthousiasmant, la preuve fracassante des possibilités qu’offre un Imaginaire aussi spectaculaire que maîtrisé.
Par contre, je vais faire court (plus court que les fois d’avant, en tout cas). Parce que j’ai déjà un peu tout dit par le passé et que la redondance ça va bien deux minutes, d’abord, mais ensuite et surtout : parce que le génie a cette fâcheuse tendance à me rendre aphone, à créer des lacunes dans mon vocabulaire. Des fois il faut accepter son destin.
Procédons.
Faisant face à la conclusion de la conclusion, vous me pardonnerez l’absence de résumé, ce serait superfétatoire.
Bon. Alors. Pourquoi donc ce dernier tome est il absolument merveilleux, confirmant l’élan enthousiaste qui s’est emparé de moi dès le premier tome ; faisant de ma chronique passée sur le T4 une relative erreur de ma part, et de l’ensemble de cette saga un monument absolu de la Science-Fiction mondiale ?
*Grimace bien embêtée*
La force de l’évidence, d’abord. Ce n’est pas vraiment compliqué, en soi. Si vous en êtes arrivé·e au dernier tome, c’est que vous savez aussi bien que moi ; ou alors vous aimez vraiment vous faire du mal. Tout ce qui était là l’est encore, sans jamais déborder dans les proportions ni les ambitions. Les événements se déroulent avec la force épique adéquate, les rebondissement s’ajoutent les uns aux autres, les énigmes trouvent leurs résolutions, les dominos finissent de tomber avec précisément le niveau de satisfaction et d’émerveillement que cette métaphore suggère, mais encore en mieux. C’est éblouissant de virtuosité, c’est beau, c’est fort, c’est brillant. Ça nécessiterait presque un dictionnaire de synonyme et une académie pour inventer de nouveaux mots adéquats. Presque, parce que je suis pas un tel flagorneur, quand même, on essaie de se respecter. Mais voilà quoi, c’est trop bien, c’est tout, que dire de plus, au bout d’un moment. C’est la conclusion que cette histoire entière méritait, tout simplement. Je ne saurais pas mieux le dire.
À défaut de pouvoir m’exprimer aussi bien que je le voudrais de façon globale, j’insisterais plutôt sur un détail, le plus important à mes yeux, pour ce tome et ce qu’il représente finalement à l’aune de toute la saga. Parce qu’il s’avère qu’un certain motif narratif me gonfle de plus en plus, depuis quelques temps : celui de la tragédie, plus particulièrement l’idée de fatalité. Peut-être les étoiles est un magnifique crachat propulsé à la figure de ce destin cruel que je ne peux plus supporter de croiser, qui présiderait à la vie de ces héros sombres et maudits, condamnés au pire dans une éternelle figure de prophétie auto-réalisatrice. Et je soupçonne Ada Palmer d’en avoir marre aussi. Parce que si Terra Ignota n’est certainement pas – à mes yeux – un représentant du solarpunk ou autre mouvance générique dépeignant un avenir radieux, comme un manuel du bonheur futur™️, mais plutôt un récit lucide et clinique sur la nature humaine et les cycles qui composent notre histoire, passée présente et future ; je crois que son autrice a tout de même conçu son travail comme une possible transition. En nous montrant comment l’humanité s’est encore une fois vautrée dans ses vieux travers, elle nous montre surtout comment elle pourrait, cette fois comme d’autres, enfin briser ce cercle vicieux. Il ne s’agit pas de faire comme si nous n’étions pas faillibles ou exempts de reproches, mais plutôt de montrer que malgré tous ces défauts, nous pouvons et devons faire mieux ; et que ce n’est pas si compliqué que ça.
Mais que la sobriété de ce résumé ne vous leurre pas. Si ce message m’a parlé plus que d’autres, je me répète encore, ces romans sont remplis à ras-bord d’inventions et de réinventions conceptuelles, d’idées qui par leurs simples existences prouvent que nous manquons, collectivement, cruellement, d’imagination. Tous les compliments que j’ai pu formuler par le passé sont toujours aussi vrais. Au delà des pirouettes stylistiques et des quelques séquences un peu trop verbeuses pouvant sans doute laisser plus d’un·e lecteurice sur le bord du chemin – ce dont je ne blâme personne – il y dans l’exigence formelle déployée par Ada Palmer un autre génie à l’œuvre, nous disant des choses du fonds, une myriade d’indices, sans même s’en donner l’air. Comprenant certaines choses à rebours, j’ai été soufflé et admiratif plus souvent qu’à mon tour sans jamais en vouloir une seule seconde à ma formidable tortionnaire ; elle est trop forte pour que je lui en veuille de se servir de ses talents au bénéfice d’une œuvre si exceptionnellement singulière, changeant les questions à chaque fois que je pensais avoir la moindre réponse. J’y ai trop appris, à tous les niveaux, j’ai trop changé, pour ressentir autre chose qu’un délicieux vertige. Jusqu’au bout, cette merveilleuse conclusion rebouclant absolument tous les enjeux et événements avec simplicité ou complexité en fonction des besoins.
Bref bref bref.
*Long soupir d’admiration désabusé*
Ada Rules.
J’avais hâte de terminer, maintenant j’ai hâte de tout relire – un jour lointain – en connaissant déjà la majorité des pièges tendus par l’autrice, en ayant oublié certains ou même en découvrant de nouveaux, comme des détails inaperçus jusque là, ou que-sais-je encore parmi toutes les fabuleuses surprises que ces romans uniques peuvent receler.
Que dire de plus. Ces quatre(cinq) romans, ils auront désormais et pour toujours une place spéciale dans ma bibliothèque et mon cœur.
Merci Ada Palmer.
Merci Le Bélial’.
Merci Michelle Charrier.
Et respect. Éternel.
Et un toast à ce que nous réserve l’avenir, à ce que toutes les graines semées pourront donner.
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