Les Vertueux

Quatrième de couverture

Yacine Chéraga n'avait jamais quitté son douar lorsqu'il est envoyé en France se battre contre les "Boches". De retour au pays après la guerre, d'autres aventures incroyables l'attendent. Traqué, malmené par le sort, il n'aura, pour faire face à l'adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité.

Mon avis

Il s’appelle Yacine, un jeune homme bien comme il faut qui vit avec ses parents et ses frères et sœurs en Algérie. Un jour, à l’automne 1914, le Caïd Gaïd Brahim l’envoie chercher. On ne désobéit pas à un tel homme alors, confiant, il y va et se retrouve dans un vaste domaine. Il se demande bien ce qu’on lui veut et ne tarde pas à le comprendre. Prendre la place, comme militaire, du fils du Caïd, qui serait réformé s’il se présentait, et ramener des médailles pour dorer le blason du chef. Devenir un autre et partir à la guerre. S’il dit non, c’est sa famille qui en souffrira et pas qu’un peu, s’il dit oui, il sera riche au retour.… Mis en face de ce marché, Yacine n’a pas le choix, il accepte et le voilà parti en France se battre contre les allemands.

On va suivre le périple de ce jeune homme parfois un peu naïf. Il ne connaît rien du monde où il arrive. Lui, il croit en de vraies valeurs d’amour et d’amitié, d’entraide et de respect, de bienveillance, d’honnêteté, et il pense que tout le monde est comme ça. Malheureusement, ce n’est pas le cas et sa route va être semée de désillusions, de trahisons, d’embuches, voire même d’horreur. Ce qui est impressionnant, c’est qu’il reste droit, noble, fidèle à lui-même, espérant sans cesse des jours meilleurs. Il cherche les siens, persuadé qu’il les reverra. Quand l’espoir disparaît, il puise en lui la force d’avancer. Je crois que c’est cette quête qui lui permet de tenir malgré tout ce qu’il subit d’injuste, de violent.

« On peut faire le deuil de ses morts, pas celui des absents. »

C’est un magnifique roman, rédigé d’une écriture belle et majestueuse. C’est un récit qui a du souffle, de la profondeur. C’est Yacine qui raconte son chemin à la première personne. On découvre des situations compliquées, des personnages qui hésitent entre le croire et le rejeter. C’est toute l’ambivalence des liens qui unissent les hommes loin de chez eux dans un premier temps qui se dessine. Et puis, il y a le retour et ça et là, on recroise des personnages déjà évoqués dans d’autres passages de la vie de Yacine.

On l’accompagne sur de nombreuses années, les épreuves le minent, l’abîment mais ne le détruisent pas. La construction quasi linéaire, est magnifique et pas un instant, on ne ressent de longueur. Le texte ne faiblit pas et le propos reste puissant jusqu’à une fin magistrale qui vous laisse pantelante dans votre canapé, les larmes aux yeux.

« Vis ce que tu as à vivre et cherche l’amour jusque dans l’infortune, car tout ce qui n’est pas amour n’est que diversion. »

Je découvre cet auteur grâce à un livre audio et c’est un gros coup de coeur, j’ai adoré ce long roman historique du début à la fin. C’est une magnifique épopée qui nous emmène dans l’Algérie de la première moitié du vingtième siècle.

Yacine vit dans un hameau misérable sous la domination d’un chef de guerre tyrannique qui décide de l’envoyer dans les tranchées à la place de son fils Hamza qui a été réformé. Il lui promet des terres, une vierge et la richesse pour sa famille à son retour. Mais après trois ans d’enfer, la promesse n’est évidemment pas tenue et le caïd essaie même de le faire assassiner pour s’assurer de son silence. Yacine s’enfuit, mais de retour dans son hameau il apprend qu’il est accusé d’avoir abandonné son poste et que sa famille a été chassée peu après son départ à la guerre. Commence alors pour notre héros une quête éperdue à travers l’Algérie pour trouver les siens. Il retrouvera ses amis des tranchées, connaîtra des hauts et des bas, y compris le bagne à cause du caïd. A travers toutes les trahisons et les tribulations qu’il affronte, Yacine gardera un coeur pur et bienveillant, il rencontrera aussi des hommes et des femmes qui n’ont pas perdu leur bonté et lui tendront la main au bon moment.

Ce personnage est très touchant et attachant. Tous sont très travaillés et convaincants, ils ont une grande épaisseur. Tout le roman est traversé par un souffle épique, avec une écriture pleine de poésie qui nous transporte vraiment dans l’Algérie de cette époque. On se met à la place du héros et on a souvent envie de se révolter face aux injustices qu’il subit. Dans les moments les plus sombres de sa vie, lors de la grande guerre ou plus tard lors de son errance à travers l’Algérie, Yacine continue à croire à la force de l’amour et de l’amitié, les hommes font preuve de solidarité, mais surtout ils gardent espoir, chacun à leur manière face aux conflits de leur époque. Sid veut vivre à cent à l’heure pour oublier les tranchées, Zorg Er-Rouge se lancera dans la bataille contre les colons et la colonisation bien avant les années 1950, il sera vaincu, mais il a prouvé qu’il y a une autre voie possible que la soumission, même si sa cause semble perdue sur le moment.

Ce roman admirable nous fait visiter toute l’Algérie et découvrir ses paysages magnifiques. du désert à la mer, des hameaux perdus aux villes. Il dénonce aussi l’injustice et la violence qui régnait dans ce pays où les Algériens étaient quantité négligeable pour les puissants. Mais dans ces situations iniques, les hommes savent se montrer solidaires et font front, ils sont résilients et espèrent un monde meilleur, pour eux-mêmes, leur famille ou leur pays. Ils sont tous à leurs façon, portés par un immense espoir, la certitude qu’il vaut la peine de se battre et de survivre, même quand le chemin paraît si sombre. Après toutes ses souffrances, Yacine connaîtra enfin la paix auprès des siens.

J’ai adoré cette fresque magnifique, épique et romanesque, un roman dont les personnages me hanteront longtemps. J’ai aimé l’écriture très poétique de l’auteur et ce livre me donne envie d’en découvrir d’autres de lui. Un grand merci à Netgalley et Lizzie pour cette très belle découverte.