La meilleure part des hommes
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l’avis des lecteurs
Le collègue : Dominique Rossi, dit "Doumé", fils d'un médecin corse proche du FLNC.
L'ami : William Miller, dit "Willy". Originaire d'Amiens, il y vécut une enfance heureuse et banale jusqu'au divorce de ses parents.
L'amant : Jean-Michel Leibowitz, dit "Leibo", intellectuel et philosophe.
C'est l'histoire des destins croisés de ces trois personnages, livrée par une narratrice qui s'efface derrière son rôle de porte-parole. Elizabeth Levallois, journaliste à Libération, femme branchée, bourgeoise de gauche proche des milieux gay, relate comment, de manière chaotique et parfois violente, ces trois hommes qu'elle aima profondément bien que de manière différente, traversèrent les "années sida".
Comme fil conducteur, la relation qui unit Doumé et Willy, amour métamorphosé en haine tenace, autorisant les coups les plus bas. Willy ne pardonnera jamais à son ancien amant, fondateur d'une association de lutte contre le sida, d'avoir opté pour un militantisme responsable. Plus jeune que Dominique de plusieurs années, il regrette cette "Grande Joie" qu'il connut peu, époque pendant laquelle la communauté homosexuelle parisienne put s'adonner de manière débridée à une vie nocturne de baise et d'insouciance. Refusant la gravité et la prudence, occultant l'omniprésence de la mort et de la maladie rôdant autour de lui, il se fait, en réaction, le porte-parole du barebacking.
Drôle de héros que ce Willy, à la fois exaspérant et attachant, romancier auréolé d'une gloire aussi tapageuse que fugitive, individu incontrôlable et provocateur, qui finit par n'être plus qu'une pitoyable parodie de lui-même...
Face aux postures et aux prises de positions des deux ex-amants en réaction à une réalité personnellement vécue, Leibowitz, dans son rôle de philosophe, est celui qui intellectualise une actualité sociétale et morale sur laquelle il pose un regard désabusé. Il déplore ce qu'il considère comme l'avènement d'une ère de la médiocrité intellectuelle, initiée par une démocratisation de la culture ayant amené à un acquiescement généralisé et injustement tolérant à tout ce qui est "tendance", aux dépens d'une réflexion objective et critique.
Je suis sortie de cette lecture imprégnée de sentiments contradictoires.
Le roman de Tristan Garcia possède une force certaine, une intensité qui bouscule et touche le lecteur. Je crois que cela est dû au regard acéré et sans concessions que l'auteur porte sur une époque dont il brosse un tableau sombre et vaguement écœurant. Mais cette force est à mon avis amoindrie : son intention de faire justement de son récit celui d'une époque, devient par moments trop évidente. Ses héros frôlent parfois la caricature, donnant le sentiment d'être davantage les représentants d'une certaine catégorie d'individu, que des personnages à part entière. Cette sensation est par ailleurs accentuée par le rythme rapide que confèrent au texte ses courts chapitres et un rigoureux découpage en parties dont les titres révèlent de manière presque grossière la volonté d'en structurer à la fois le fond et la forme.
Sans doute, malgré ses défauts, "La meilleure part des hommes" peut-il être considéré comme un premier roman prometteur... à suivre...
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