Les Mandarins Tome 1 Les Mandarins, tome 1
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l’avis des lecteurs
Je crois que c’est, mais oui, mon premier Simone de Beauvoir, et quelle lecture ! C’est une tranche d’histoire que nous propose l’auteure, dans le milieu intello-politico de l’après-guerre. Je me suis plongée dedans avec un peu de réticence, voyant la taille des deux tomes, pensant y trouver un récit long et ennuyeux. Et bien pas du tout !
Le roman débute dans le juste après guerre, Noël 1944, Paris est libéré et panse ses plaies. Nous suivons principalement à travers Henri Perron, homme séduisant, patron de presse et écrivain à ses heures, la ville qui reprend quelques couleurs, qui retrouve ses animations d’autrefois même si les restrictions et pénuries sont encore présentes, les journaux peuvent à nouveaux paraître et les différents courants politiques s’exprimer. C’est le cas pour l’Espoir, que dirige Henri, journal indépendant mais orienté à gauche, auquel le nouveau parti, le S.R.L., d’obédience socialiste, créé par son ami Robert Dubreuilh, écrivain très engagé en politique, voudrait obtenir le soutien.
Nous suivons les luttes d’influence politique, amicale et amoureuse sur les différents personnages. La narration est principalement faite par Henri et c’est à travers lui que nous évoluons dans ce monde fortement marqué par les quatre années de guerre, ses restrictions, chacun tentant de panser ses plaies, de garder le souvenir de ceux qui ne sont pas revenus, des atrocités des camps, de ceux qui ont trahi et puis certains règlent les comptes, dans l’ombre.
Anne prend également parfois la parole, femme de Robert Dubreuilh. Femme engagée, elle est un soutien inconditionnel pour son mari, même s’il lui arrive parfois de le tromper. C’est une femme libre, psychologue de métier, elle écoute et tente d’aider ceux qui se confient à elle dans son cabinet, elle est en première ligne pour constater les traumatismes des humains après la guerre.
J’ai craint, à plusieurs reprises, n’étant pas versée dans la politique et n’en connaissant pas tous les rouages, d’être un peu « larguée » mais j’ai découvert un récit clair dans ce domaine et elle alterne en permanence les différents domaines : politique, sentimental, amical, professionnel. Il y a un chassé-croisé entre ceux-ci et souvent une mise en parallèle.
J’ai aimé découvrir les prises de position de chacun,à la fin de la guerre entre les directives du P.C. l’affrontement avec les idées de gauche socialiste vers lesquelles penche le S.R.L., les doutes qui pèsent sur le P.C. en URSS, ses manières d’agir parfois similaires à ce que le nazisme appliquait.
A la fin de ce premier tome, j’ai cherché à savoir si pour ses personnages, Simone de Beauvoir s’était inspirée de son entourage. Et effectivement il semble qu’Albert Camus a servi de modèle pour Henri, Jean-Paul Sartre pour Robert et Anne étant sa propre transposition.
– Nous avons toujours pensé qu’on n’écrit pas pour écrire. A certains moments d’autres formes d’action sont plus urgentes
– Pas pour vous, dis-je. Vous êtes d’abord un écrivain.
– Tu sais bien que non, ce qui compte d’abord pour moi, c’est la révolution.
– Oui, dis-je, mais le meilleur moyen que vous ayez de servir la révolution, c’est d’écrire vos livres. (p63)
Il est évoqué également à travers Robert et Henri, le travail de l’écrivain mais aussi celui de patron de presse, ses choix, ses prises de position, son indépendance :
On restait indépendant, c’était une chose acquise, encore fallait-il savoir qu’en faire, de cette indépendance. (…)Henri ne voulait pas perdre ce public d’intellectuels qui aimaient l’Espoir pour son impartialité ; il ne voulait pas non plus indisposer ses lecteurs communistes ; cependant, en ménageant tout le monde, il se condamnait à l’insignifiance, et par là il contribuait à endormir les gens.(p219)
C’est une lecture enrichissante par l’évocation du climat de l’époque, par les thèmes abordés comme ceux des armes de guerre (bombe atomique à Hiroshima), les trahisons et luttes d’influence, les alliances parfois nécessaires avec ceux qui détiennent le nerf de la guerre, l’argent, les questionnements politiques et tout cela entrecoupé des rencontres et des ruptures amoureuses, dans ce Paris intellectuel et artistique de l’après-guerre.
J’ai trouvé l’écriture de Simone de Beauvoir très agréable, vivante, abordant nombres de sujets de réflexion, parfois encore très actuels, mais sans lourdeur, grâce à l’attention qu’elle porte à chacun de ses personnages, à le faire vivre sous nos yeux.
Je suis un intellectuel. Ça m’agace qu’au fasse de ce mot une insulte ; les gens ont l’air de croire que le vide de leur cerveau leur meuble les couilles. (p223)
Je lirai le tome 2 très prochainement afin de retrouver ces « mandarins », ceux qui régnaient sur la pensée, l’information, le pouvoir et parfois l’amour, découvrir le sort que leur réserve l’auteure. C’est une belle découverte d’une auteure qui m’effrayait un peu, pensant à tort, à une « intellectuelle », certes engagée, mais inaccessible.
Quatrième de couverture
Paris est libéré, la seconde guerre mondiale va s’achever. A la fin de 1944, espérer redevient possible après quatre ans de lutte clandestine Rédacteur en chef du journal L’Espoir, Henri Perron prépare avec allégresse une tournée de conférences au Portugal : c’est une occasion de « s’aérer » mais aussi de rompre en douceur avec son amie Paule dont la passion lui pèse. Il se laisse convaincre d’emmener Nadine, la fille de ses amis Robert et Anne Dubreuilh.
Mais Paule refuse de comprendre la signification de ce départ – et aux difficultés de leur rupture s’ajoutent les pressions exercées pour politiser son journal qu’il refuse d’inféoder à un parti.
Vivre un peu pour soi-même, Henri l’a voulu. Anne Dubreuilh y est entraînée au hasard d’un voyage en Amérique. Sa liaison avec Lewis Brogan se brise sur l’écueil de leurs personnalités : Anne est trop intensément soudée à son passé d’intellectuelle de gauche et à ses racines françaises pour que cet amour ait une chance de survivre. Come Robert, Henri et leurs camarades, elle est un de ces « mandarins » qui tentent de remodeler le monde à l’image de leur idéal dans la France en effervescence de l’immédiat après-guerre.
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