La Foudre
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l’avis des lecteurs
TTT - Très Bien "Un climat troublant, comme la présence invisible d’une sourde menace, ou la certitude d’un fatum en marche, drape le septième roman du talentueux Pierric Bailly (L’Homme des bois, Les Enfants des autres, Le Roman de Jim…) et met sous tension sa narration en apparence posée. C’est l’une des beautés de ce récit intimiste, remuant, parfaitement maîtrisé, que cette subreptice sensation de malaise que l’écrivain installe et amplifie. Une ambiguïté que reflète le paysage où s’ancre l’histoire de Julien, berger solitaire, spartiate et misanthrope : la montagne sublime et âpre, écosystème aux équilibres naturels précaires, domaine des brebis, des chiens de troupeaux, des chamois et des lynx boréaux — félins majestueux et discrets, témoins silencieux de l’aventure intérieure de l’incertain narrateur."
Je n’ai pas pour habitude de me jeter sur les romans de la rentrée littéraire. J’ai déjà assez à lire avec mes piles en attente, et je préfère attendre les avis d’autrui pour faire un choix que je concrétise généralement lors de la sortie poche des titres retenus. J’ai fait cette fois une exception pour deux, trois titres dont j’ai entendu parler en bien, notamment celui de Pierric Bailly, porté aux nues sur je ne sais plus quelle émission de radio, et dans un billet de blog.
Dès le départ, j’ai eu du mal… mon esprit s’est montré rétif à cette écriture plate, m’empêchant de m’intéresser au narrateur, qui en acquiert une fadeur soporifique. Décidée à donner une chance au texte (et puis je l’avais un peu mauvaise d’avoir acheté, neuf, un ouvrage aussi insipide), j’ai admis que ce ton sans flamboyance donnait au personnage sa crédibilité -c’est vrai, on finit par avoir le sentiment d’entendre sa voix-. Et je me suis dit que le meilleur restait sans doute à venir, comme le laissait espérer le début de l’histoire.
Notre narrateur donc, Julien, est natif du Jura où il exerce l’été le métier de berger, travaillant l’hiver dans une station de ski. Avec sa compagne Héloïse, enseignante, ils projettent d’aller s’installer à La Réunion. Leur union est sereine, franche, et laisse la place à leur besoin mutuel d’indépendance.
Il est à l’image du berger tel qu’on peut se le représenter, déconnecté de la modernité -il vit sans smartphone ni internet- et d’une actualité sur laquelle il a toujours plusieurs mois de retard. C’est en lisant un des journaux destinés à faire démarrer le poêle et la cuisinière pendant sa saison d’alpage qu’il tombe sur un stupéfiant fait divers : l’un de ses anciens camarades de lycée va être jugé pour meurtre, après avoir tué un chasseur à coups de planche.
Comment imaginer qu’Alexandre Perrin, cet élève aussi brillant que charmeur, drôle, cultivé, aussi honnête envers les autres qu’envers lui-même, ait pu se transformer en assassin ? Devenu vétérinaire dans la région lyonnaise, marié et père de deux enfants, il menait par ailleurs une existence a priori sans histoire. Julien a été à l’inverse un lycéen immature, cabochard, et sans flamboyance. Il évoque l’admiration jalouse qui l’a poussé à imiter les attitudes, à plagier l’assurance et l’humour d’Alexandre dès lors qu’il n’a plus eu de contact avec celui qu’il considérait comme un modèle, et qui a longtemps continué d’accaparer ses pensées. Bien que n’ayant plus de lien avec lui depuis longtemps, la découverte de cet événement relance son obsession pour son ancien camarade. Après moult tergiversations, Julien envoie un SMS à la compagne de ce dernier, Nadia, qu’il a également connue au lycée et qui lui a donné son numéro de téléphone lorsqu’ils se sont par hasard recroisés quatre ans auparavant. Il n’avait alors pas donné suite.
Comme je l’exprime plus haut, la parole du narrateur est d’une évidente authenticité, et c’est peut-être la force de ce roman, mais c’est là aussi que, selon moi, le bât blesse, dans la mesure où ce personnage ne présente guère d’intérêt. Il donne l’impression de n’avoir jamais réussi à trouver sa propre personnalité, adaptant son comportement selon son environnement et ses interlocuteurs, le calquant parfois sur eux, flottant dans une indécision permanente quant à ses aspirations profondes, considérant ses propres émotions avec une distance qui en neutralise la force.
J’ai cru, par moments, qu’arriverait une révélation fracassante, l’aveu d’un lourd secret amenant à reconsidérer toute l’histoire sous un nouvel angle. L’auteur entretient d’ailleurs, volontairement ou non, cet espoir, au gré de rares allusions laissant planer un vague parfum de mystère…
"Je calfeutre, je badigeonne, j’enduis, je maquille, je me maquille, je me poudre, en espérant me réveiller un jour en collant à l’image que les autres se font de moi. Un personnage de fiction avec ses quelques traits bien définis. Un mec ouvert, un mec tranquille, un mec cool, pas compliqué, qui profite de la vie. Un mec sans souci, sans contrariété. Un mec à l’esprit léger. Un mec qui ne rumine pas, qui n’en veut à personne. Ah, si vous saviez."
Ben justement, on aurait bien aimé savoir… mais non, ça fait flop. L’histoire s’enferre dans une consternante banalité et le héros reste terne jusqu’à la fin. Même le procès jugeant l’incompréhensible geste d’Alexandre, obsédé d’honnêteté et de transparence au point que lui aussi finit par nous ennuyer, ne suffit pas à rendre l’ensemble intéressant.
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