Les fantômes du vieux pays
  • Date de parution 23/08/2018
  • Nombre de pages 960
  • Poids de l’article 480 gr
  • ISBN-13 9782072798009
  • Editeur FOLIO
  • Format 177 x 107 mm
  • Edition Livre de poche
Biographies, Mémoires Anglo-Saxon Romans étrangers

Les fantômes du vieux pays

4.01 / 5 (820 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Scandale aux États-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public par une femme de soixante et un ans qui devient une sensation médiatique. Samuel Anderson, professeur d'anglais à l'Université de Chicago, reconnaît alors à la télévision sa mère, qui l'a abandonné à l'âge de onze ans. Et voilà que l'éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu'il n'a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice. En désespoir de cause, le jeune homme promet un livre révélation sur cette mère dont il ne sait presque rien et se lance ainsi dans la reconstitution minutieuse de sa vie, à la découverte des secrets qui hantent sa famille depuis des décennies.

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  • Date de parution 23/08/2018
  • Nombre de pages 960
  • Poids de l’article 480 gr
  • ISBN-13 9782072798009
  • Editeur FOLIO
  • Format 177 x 107 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Résumé

Aux Etats-Unis, le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, est agressé en public par une femme d’âge mûr, Faye Andresen-Anderson. Les médias s’emparent de son histoire et la surnomment Calamity Packer. Seul Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’université de Chicago, passe à côté du fait divers, trop occupé à jouer en ligne. Pourtant, Calamity Packer n’est autre que sa mère !

Mon avis

Cette lecture m’a été recommandée par une amie car je pense que de moi-même je ne serai peut-être pas aller vers ce gros pavé (660 pages).

Ce roman se lit comme une épopée de près de 50 ans d’une famille américaine. Le narrateur, Samuel, professeur de littérature, n’a plus de nouvelles de sa mère, Fraye, qui est partie sans explication alors qu’il n’avait que 11 ans et quand il a de ses nouvelles c’est par biais des informations : Calamity Parker, la femme qui a lancé des gravillons sur le gouverneur candidat à l’élection présidentielle, c’est elle Faye. Il va être obligé de quitter son clavier et sa manette de jeux vidéo pour venir en aide à cette femme qu’il ne connaît plus et trouver les clés de sa disparition.

Samuel songeait que le couple formé par son père et sa mère était le mariage d’une petite cuillère et d’un vide ordure. (p93)

L’agression du gouverneur est le fil rouge mais surtout le prétexte à une plongée dans la société américaine entre 1968 et 2011 : l’immigration, la guerre au Vietnam, les mouvements pacifistes, la place des femmes dans la société, leur éducation, leur émancipation mais aussi l’addiction d’une jeunesse aux jeux vidéos, à un monde virtuel, la guerre en Irak, la vieillesse etc…

Composé de 10 parties alternant les deux époques 1968/2011, l’auteur a un regard sans complaisance, lucide sur le monde d’aujourd’hui qui n’est que la conséquence du monde d’hier, sur la politique, les médias, la justice.

Connait-on bien ses parents, leur passé, leurs origines, leurs choix. Faire les bons choix par convenance, par soucis de répondre aux attentes des familles, pour être comme les autres ou par conviction ?

Le tout est bien ficelé, construit, avec quelques rebondissements et la résolution n’arrive qu’en toute fin. J’ai particulièrement aimé la partie concernant le grand-père de Samuel, Frantz, ses origines norvégiennes qui apportent une touche d’exotisme et de magie au récit mais aussi son parcours….. Les souvenirs qui le poursuivent et la présence de ces fantômes : chacun a les siens, son passé, son vécu, son ressenti. Est-on obligé de tout révéler, de tout savoir. Chacun a ses propres raisons mais il y a aussi ce qui résulte de la société, de l’éducation, des mentalités….

La recherche des motifs de l’agression va permettre à Samuel de comprendre qui il est, vraiment, revoir sa vie sous un autre angle.

Quand on échoue jamais dans rien, c’est qu’on ne fait jamais rien qu’on pourrait rater. Jamais rien de risqué (p285)

Comprendre plutôt que d’accepter, s’impliquer, l’influence des événements sur sa vie voilà les leçons de ce récit.

A travers l’histoire d’une famille de la middle-class américaine, le premier roman de cet auteur est une promesse car il y a de la maturité, du recul, quelques longueurs pour moi particulièrement concernant les parties sur les jeux vidéos (mais peut être parce que je ne suis pas une fan ni une pratiquante). Un voyage agréable dans une Amérique des contradictions, puritaine et excessive.


J’évoquais il y a peu une frénésie de lecture favorisée par une météo pluvieuse m’imposant de longs et réguliers trajets en transports en commun. Pour réduire un peu le rythme (et ne pas me retrouver avec des dizaines de billets à rédiger), j’ai sorti de mes étagères ce pavé qui y dormait depuis plusieurs années, et auquel certains lecteurs avaient de mémoire reproché quelques longueurs…

Je l’ai dévoré…

Alors oui, c’est dense. Mais ça l’est délicieusement, à la manière de ces romans dans lesquels on s’installe, pris dans la richesse d’une trame dont la construction est parfaitement orchestrée, embarqué aux côtés de personnages à l’inverse imparfaits, ce qui les rend d’autant plus palpables et attachants.

Samuel Anderson est professeur de littérature dans une petite université de Chicago. Sa vie est empreinte de l’insignifiante morosité qu’exsudent les discrets et les invisibles, de ceux qui se font passivement doubler dans les files d’attente et se sont construits sur leurs seuls regrets. Il n’a ainsi pas fait le deuil d’un amour adolescent qui ne s’est d’ailleurs jamais concrétisé, et s’il a eu un bref succès avec une nouvelle de jeunesse, il a laissé en friche le projet de roman que lui avait commandé un éditeur. Son métier même lui semble dépourvu de sens. A quoi bon faire lire Shakespeare à des étudiants à l’égo surdimensionné qui ne courent qu’après l’argent facile, à qui l’école n’a appris qu’à rester assis derrière un écran en faisant semblant de travailler, et qui préfèrent consacrer leur temps et leurs capacités intellectuelles à inventer de complexes subterfuges pour obtenir leur diplôme en trichant, plutôt que de les gaspiller à lire de vieux auteurs qu’ils jugent inutiles et ennuyeux ?

La réapparition inattendue de sa mère, partie un beau matin une valise à la main pour ne plus jamais donner de nouvelles à son époux et à son fils de dix ans, vient briser sa morne routine. En agressant, lors d’une réunion publique, un gouverneur candidat à la présidence des Etats-Unis, Faye s’est exposée à la vindicte médiatique, et par la même occasion au regard de ce fils abandonné trente ans auparavant. Alors qu’il avait enfin cessé de la chercher en permanence, Samuel se voit contraint de rencontrer celle qu’il était parvenu à réduire à l’état de souvenir endormi et silencieux. Non qu’il ait souhaité ces retrouvailles, mais sommé par son éditeur de rembourser l’avance touchée -et depuis longtemps dépensée- pour un roman inexistant, il lui propose d’écrire un récit sur cette mère défaillante qui fait le buzz.

A partir de cet épisode qui initie et charpente l’intrigue, cette dernière digresse, remonte le temps, traverse à l’occasion un océan, et nous familiarise avec d’autres personnages équitablement pourvus en densité. Il y a Pwnage, roi de la procrastination atteint d’une sévère addiction aux jeux vidéo, refuge qui lui évite affronter la dimension imprévisible et déceptive de la vie mais qui le rend peu à peu obèse et inadapté au monde réel ; il y a les jumeaux Bishop et Bethany, rejetons d’un père richissime dont le premier s’emploie dès son plus jeune âge à expérimenter toutes les insolences pendant que la seconde se consacre au violon ; il y a Laura Pottsdam, l’insupportable étudiante qui a juré de se venger de l’intransigeante intégrité de Samuel…

Et puis il y a Faye, énigme que Nathan Hill s’emploie à dévoiler très progressivement, en explorant les traumatismes a priori anodins et pourtant déterminants de l’enfance avant de nous immerger dans l’effervescence libertaire de l’année 1968.

L’ensemble est plombé de la mélancolie, voire de la souffrance, qui habite les héros, et fait écho au triste constat que dresse l’auteur de l’état de la société dans lequel ils évoluent. Car s’il étrille les faiblesses de ses protagonistes -leurs arrangements fallacieux avec leur conscience, la décorrélation entre leurs actes et leurs principes, leur propension à tomber amoureux de ce qui les rend malheureux…- et semble prendre un malin plaisir à n’évoquer que des relations familiales toxiques, sa plume se fait d’autant plus féroce qu’elle fustige l’iniquité et les absurdités d’un système menant à la déroute et à l’appauvrissement, qu’il soit matériel, moral ou intellectuel.

Il dépeint un monde moderne épuisant et spirituellement débilitant, peuplé d’individus engouffrés dans la course à l’argent, focalisés sur leur soif de possession, suivant les commandements répétitifs, infantilisants et paranoïaques, d’une Amérique hantée par la conviction que les autres sont des ennemis, et qui voudrait leur faire croire qu’il s’agit là d’un principe vital et galvanisant. Les médias participent pour beaucoup à alimenter cette mécanique en rabâchant des informations insipides, faisant du détail un événement et accumulant, dans leur quête de sensationnalisme et de manipulation de l’opinion, spéculations et hypothèses spécieuses. La littérature elle-même n’échappe pas au bulldozer de la marchandisation. Entre les mains de multinationales, l’édition est vouée au profit, à l’utilitaire.

Mais ne vous méprenez pas, "Les fantômes du vieux pays" est aussi et surtout un texte très drôle, par son sens de la formule, son ton grinçant et profondément cynique, mais également par le comique de situation qu’amène la dimension pathétique et subtilement caricaturale dont l’auteur dote ses personnages, insufflant à son texte, même quand le propos est dramatique, une cocasserie fort réjouissante.

J’ai adoré !


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