L'immense obscurité de la mort
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l’avis des lecteurs
Comme disait le grand Pierre Desproges, on reconnaît ses amis assez facilement : ce sont eux qui, un jour ou l’autre, vous déçoivent. Cela pourrait s’appliquer à nos auteurs préférés, qui deviennent, eux aussi, des amis dont on attend trop. Tout cela pour dire que j’ai été très déçu par le dernier roman de Massimo Carlotto (coécrit avec Marco Videtta) : Padana City.
Plutôt que d’en dire du mal je vais donc vous parler de deux chef-d’œuvre parus en 2006 chez Métailié. Deux chocs, deux bijoux noirs, d’une concision étincelante, analyses implacables en même temps que tourbillons d’émotions.
L’immense obscurité de la mort est un roman à deux voix : Celle de Silvano Contin dont la vie s’est arrêtée le jour où deux braqueurs ont tué sa femme et son fils de huit ans qu’ils avaient pris en otage. Et celle de Raffaelo Beggiato, un des deux tueurs, qui purge une peine de prison à vie. L’autre tueur n’a jamais été arrêté. Silvano survit, mécaniquement, et ne pense qu’à une chose : retrouver l’homme qui vit tranquillement de son butin. Quinze ans après les faits, Raffaelo, atteint d’un cancer en phase terminale formule un recours en grâce pour passer ses derniers jours libre et demande le pardon de Contin.
Ce court roman est absolument implacable. Le va et vient constant entre l’assassin et la victime, entre le fou homicide et l’homme anéanti maintient en permanence le lecteur dans un équilibre instable. Un équilibre qui s’écroule quand il s’avère, peu à peu, que les rôles vont en s’inversant. Sans effets dramatiques, et sans explications psychologiques il nous fait plonger dans la douleur de l’enfermement, et dans la folie de l’absence et de la vengeance. Il nous fait partager les désespoirs des deux hommes, simplement en leur laissant la parole. La chute inattendue et vertigineuse, laisse le lecteur complètement sonné.
Rien, plus rien au monde est un monologue. Celui d’une femme qui en a marre d’une vie terne, à regarder à la télé tout ce qu’elle n’aura jamais, à compter le moindre sou, à partager un appartement minable avec un mari qu’elle n’aime plus, qui ne lui a pas apporté ce qu’elle espérait. Alors quand elle lit ce que sa fille, qui, à plus de vingt ans, ne fait rien pour avoir une vie différente de la sienne, a écrit dans son journal, elle voit rouge.
Texte court (une soixantaine de pages) qui arrive à tout dire d’une vie désespérante qui bascule dans l’horreur et la folie. Au gré du monologue de la narratrice, abrutie de télévision et d’ennui, le lecteur passe de la commisération, à l’angoisse, puis à l’horreur. Carlotto a l’immense talent de résumer sans caricaturer, de présenter, au travers d’un parcours individuel, toute l’inhumanité et l’aliénation d’une société basée uniquement sur l’argent et l’acquisition de biens. Une société privée de valeurs, où l’ignorance et la frustration peuvent transformer une victime anonyme, en bourreau ordinaire. L’écriture est sèche, sans mélo, angélisme, ou prêchi prêcha, et surtout sans pitié pour le lecteur.
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