Chien du Heaume
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Je pense pouvoir affirmer qu’il y a dans mon parcours littéraire un avant et un après Gueule de truie. Ce bouquin fait partie de ces ouvrages dont la démarche et l’exécution sont trop réussi·e·s pour que mon plaisir de lecture soit le seul prisme pertinent dans ma réception ; un genre de claque conceptuelle qui a clairement établi un nouvel étalon de mesure dans mon esprit. Et donc, forcément, en feuilletant le catalogue des sorties de J’ai Lu pour le troisième trimestre 2024, quand j’ai vu qu’un roman de Justine Niogret était une option, je n’ai pas hésité longtemps à demander un SP. Il fallait que je creuse son travail, c’était obligatoire, parce qu’intimement important. Et ça le sera toujours à l’avenir, parce que cette fois n’était malheureusement pas la bonne, pour des raisons assez inattendues et franchement assez décevantes. Pour ne pas dire frustrantes.
Chronique triste et un peu pénible à écrire à suivre.
Chien du heaume est une jeune femme au parcours on ne peut plus chaotique et difficile. Balancée très tôt sur les routes après la mort de son père, elle a tracée sa voie dans la vie en tant que redoutable mercenaire, dont la réputation lui a donné son nom en remplacement de celui qu’elle n’a jamais su. Et si elle n’attend ni ne demande plus grand chose de cette cruelle existence, elle s’est tout de même donné une quête à remplir : retrouver l’identité de son père, et dans le même temps la sienne. Et ce peu importe les obstacles à surmonter ni le sang à verser.
Ça partait si bien, pourtant ! Pour tout dire, je me suis même fendu d’un message sur les réseaux pour exprimer publiquement la joie non feinte qui a été la mienne à la lecture du prologue de ce roman, un petit bijou d’écriture et de subversion des attentes, provoquant un rire nerveux chez votre serviteur, dont la puissance n’avait d’égale que la rareté (le rire, pas le serviteur ; ce dernier est assez banal, dans son genre). Et derrière cette merveilleuse introduction, terriblement glauque mais également réjouissante pour ce qu’elle suggérait d’une certaine fraicheur dans la façon qu’avait l’autrice d’aborder son sujet, le début du roman m’a d’abord semblé tenir la promesse tacite ainsi formulée ; on va faire de la fantasy, oui, mais d’une autre manière. Je me suis dit qu’on était dans cette configuration que j’aime tant, où les questions changent à chaque fois que je crois tenir une réponse, me faisant joyeusement mener en bateau tout le long du récit sans jamais me sentir arnaqué ou manipulé.
Et sincèrement, ça l’a fait pendant je dirais un bon tiers du roman. Tenu en haleine par la quête somme toute simple de notre protagoniste, mais aux ramifications philosophiques et narratives potentiellement infinies, j’étais prêt à subir tous les cliffhangers et renversement situationnels de fin de chapitre que Justine Niogret semblait avoir prévus à mon encontre ; même en imaginant un côté extrêmement programmatique voire redondant dans la démarche, parce que ça me semblait extrêmement bien jouer avec les codes du genre qu’elle défiait ostensiblement à chaque fois. Ça marchait d’ailleurs d’autant mieux que le travail stylistique de l’autrice est absolument époustouflant, parvenant à tenir – et ça c’est un compliment que je lui accorderais à l’aune du roman entier – un registre de langue d’une précision, d’une richesse et d’une consistance impeccables.
Moi qui, vous le savez maintenant, ne suis vraiment pas un styliste dans l’âme, y voyant trop souvent une démarche visant plutôt à mettre en lumière l’auteurice derrière le texte que ce que le texte lui-même à a dire ou transmettre ; j’ai ici trouvé un travail de vocabulaire, de grammaire et de syntaxe qui confère au récit un réel supplément d’âme et une atmosphère que la narration seule n’aurait pas réussi à invoquer sans un volume bien trop conséquent. En dépit des reproches que je vais formuler à son travail dans ce qui suit, je dois insister là dessus : c’est très fort de la part de Justine Niogret d’avoir réussi à tenir un tel niveau d’expression avec une telle cohérence et une telle tension narrative tout le long de son roman.
Après, puisque vous l’aurez compris, il y a eu un moment où, en dépit des indéniables qualités de son travail, elle m’a complètement perdu. En deux étapes, si je devais être précis, toutes deux situées environ à chaque tiers du roman.
Après le premier tiers, j’ai commencé à avoir le regrettable sentiment que l’autrice commençait à essayer de gagner du temps. Si j’essayais de me faire devin, je dirais que c’est précisément à cause de ce que j’ai dit plus haut ; craignant que la structure de son roman devienne un peu trop redondante et/ou prévisible, Justine Niogret a tenté de casser le rythme et de faire diversion. Et si intellectuellement, je comprends l’idée, personnellement, je trouve ça dommage. Parce que du coup on se retrouve avec un roman qui, alors qu’il avait trouvé son rythme et une certaine idée à exploiter – à savoir je crois la subversion du motif de la quête de fantasy – subitement, nous donne complètement autre chose, se concentrant sur des enjeux qui jusque là étaient présentés comme totalement secondaires, les creusant le temps d’une chapitre ou deux avant de réintégrer la route primaire de l’intrigue comme si de rien n’était. Et je suis peut-être (sans doute) pénible avec ça, mais j’ai eu à chacune des reprises où cela est arrivé l’impression qu’il ne s’agissait que de donner du volume à un récit qui aurait sans doute gagné à mes yeux en se resserrant uniquement sur son concept de départ, quitte à se répéter un peu – avec un côté un peu ironique/pastiche, à la rigueur – ou à simplement se réduire au volume d’une novella ou d’un roman très court. Cela a créé chez moi un premier sentiment de frustration, parce que je ne savais plus vraiment quoi faire des informations fournies par l’autrice, alourdissant au passage les séquences les plus lyriques du roman, ne trouvant dans les expressions d’emphase et de poésie de certains personnages qu’une envie d’avancer plus vite pour en revenir au cœur de ce que le récit m’avait proposé de prime abord et qui m’avait emporté.
Et dans la continuité de ce sentiment, le dernier tiers a été extrêmement douloureux à parcourir, puisque après plusieurs dizaines de pages passées à simplement attendre qu’on revienne sur les rails initialement posés par Justine Niogret, j’avais la lancinante et tenace impression que je savais désormais précisément où le récit allait, en dépit de ses ambitions de subversions des attentes. Et dès lors, ce que j’avais identifié – sans grand mérite, hein, je ne me leurre pas – comme le noyau conceptuel du roman, à savoir la quête d’identité, avait de trop fortes chances pour moi d’aboutir sur une conclusion prévisible pour que je m’en satisfasse complètement à l’aune des promesses que le roman semblait avoir initialement formulées. Ce qui n’est pas pour dire que la prévisibilité est une mauvaise chose en soi, d’ailleurs ; j’ai lu beaucoup d’ouvrages dont la fin était courue d’avance et dont je me suis régalé sans problèmes. Non, mon souci était qu’avec la maestria du début de ce roman, j’avais initialement anticipé d’être surpris et emballé par une conclusion qui m’aurait livré quelque chose de formellement inattendu : pas tant un twist narratif qu’un twist formel sur une formule plus ou moins convenue lui donnant une saveur unique, quelque chose de… Niogretien, ou que j’aurais pu identifier comme tel avec ce que je sais – ou crois savoir – de l’autrice.
Et mon souci, ici, avec cette conclusion en particulier, c’est bien que le compte ne me semble pas y être. Et c’est d’autant plus agaçant pour moi que ça se joue à un rien, à un détail couillon, mais qui me semble entrer en complète contradiction avec tout le reste du roman. Parce que comme je l’ai sous-entendu auparavant, j’ai effectivement senti venir la chute de ce roman d’assez loin, sans jamais l’anticiper négativement ; j’attendais de savoir de quelle manière l’autrice allait me servir cette révélation qui n’en était pas vraiment une avant de décider si j’allais ou non pardonner ses quelques errements narratifs dans l’intervalle entre le moment où j’avais capté l’astuce et celui ou j’allais pouvoir témoigner de son traitement.
Et c’est difficile à dire sans grassement spoiler, mais disons qu’après un roman entier où l’héroïne a été agente de son destin et jamais autre chose que proactive, la lire soudainement et brutalement être dépouillée de sa capacité d’action pour ensuite être spectatrice impuissante d’une fin qu’elle a si longtemps cherché, se faisant infliger une décision qu’elle était à mes yeux la seule en droit de prendre, ça m’a infiniment frustré. Peut-être est-ce voulu de la part de l’autrice, auquel cas j’ai peut-être raté ses intentions, expliquant d’ailleurs peut-être aussi les quelques refus d’obstacles analytique auxquels je me suis volontiers abandonné sur quelques séquences difficiles du roman. Mais n’empêche qu’en me basant uniquement sur le texte et sa prime réception, je ne peux m’empêcher de le trouver, au final, thématiquement et narrativement démantibulé, tenu ensemble avant tout par un brillant mais insuffisant travail stylistique.
Quelle angoisse pour moi, de devoir écrire ces chroniques. D’abord parce que ça ne me fait jamais plaisir de devoir expliquer pourquoi la sauce n’a pas prise, mais aussi et surtout parce que je suis trop conscient de la nécessité pour moi de les sortir de mon esprit afin de ne pas gamberger dessus indéfiniment et regagner un peu de précieuse sérénité. Les deux sentiments étant exacerbés ici parce que j’ai la fine mais tenace conviction que j’ai peut-être raté quelque chose, en dépit de ma certitude d’avoir compris l’essentiel. Ma lecture n’a, paradoxalement, pas été aussi difficile et âpre que celle de Gueule de truie, malgré encore un bon nombre de séquences ardues et bien bien glauques, mais j’y ai aussi trouvé nettement moins de plaisir, au final, que ce soit en tant que lecteur ou en tant que critique (quelle arrogance).
Peut-être parce que l’axe de transgression choisi ici par l’autrice n’était pas le bon pour moi, quand bien même j’aime beaucoup son ambition affichée de prendre la fantasy par la nuque et de la ramener un peu au niveau du sol pour lui faire exprimer des choses plus pragmatiques et violemment concrètes que ce que j’ai l’habitude de lire. À cet égard, je reste assez bêtement convaincu que c’est parce que l’histoire ne se concentre finalement pas assez sur Chien du heaume, son personnage le plus profond et le plus intéressant, tentant des détours et diversions qui alourdissent et déraillent le récit dans son ensemble.
Triste, donc. C’était pas pour cette fois. La prochaine, peut-être. On y croit.
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