Un Coup au coeur
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l’avis des lecteurs
Journal de bord d’une miraculée
Emmanuelle de Boysson a vécu une expérience de mort imminente le 7 février 2022. Dans ce roman, elle en retrace les circonstances et surtout les sensations éprouvées, sans oublier les suites. Bouleversant et revigorant!
Commençons par décerner à Emmanuelle de Boysson le titre de meilleur incipit de l’année. En trois lignes tout est dit: «Je suis morte le 7 février 2022. Il était 17 h 20 lorsque mon cœur s’est arrêté. Je ne me suis aperçue de rien.»
Reste à développer cette singulière expérience d’arrêter de vivre avant de revenir au sein de la communauté des hommes.
Il y a d’abord une succession de hasards qui font qu’au moment où son cœur a lâché, Anton, son compagnon était présent. Il devait être à la rédaction de son journal, mais on lui avait demandé de rédiger une nécrologie.
«C’est donc grâce à un mort que je suis vivante» explique la narratrice qui, grâce au témoignage de son sauveur a pu reconstituer la chronologie des faits, le massage cardiaque en attendant les secours, puis les tentatives des ambulanciers de la réanimer, en vain. Le même combat du médecin du SAMU qui a pris le relais, a intubé sa patiente pour l’oxygéner. Mais le cœur reste inerte. Si bien qu’il ordonne un septième électrochoc. En vain. «Le temps est passé. Tout a été tenté. C’est fini.»
Les pompiers auront finalement l’idée d’en rajouter un huitième, «un dernier pour la route». Et c’est alors que le miracle se produit!
Entre soulagement et peur des séquelles, la famille et les proches vont se succéder à l’hôpital Cochin où se joue une partie décisive.
Mais la miraculée, plongée dans un profond coma, n’en a pas conscience. Elle vit dans un univers parallèle.
Comme dans d’autres témoignages d’expérience de mort imminente, ou en anglais de NDE (Near death experience), son esprit est dissocié de son enveloppe charnelle. Elle s’envole, par exemple vers les ballons des Vosges. «Les ailes déployées, je plane au-dessus des prairies, des lacs et des forêts qui parsèment les sommets arrondis, lorsque j’aperçois mon père sur un champ d’herbes blondes. De là-haut, il semble tout petit, mais peu à peu, il m’apparaît tel qu’il était lors de nos balades sur les sentiers de randonnée, quand nous nous arrêtions pique-niquer dans une clairière, faire griller des saucisses, cueillir des myrtilles ou déguster une omelette au lard dans une ferme-auberge.» Une sensation qui va se renouveler et l’emmener dans divers endroits, seule ou en compagnie de différentes personnes, avec toujours ce même sentiment de plénitude. Et cette envie de garder une trace de ces voyages. Mais clouée sur un lit d’hôpital et appareillée de partout, l’objectif est difficile à atteindre.
Jusqu’à cet «après-midi tristounet de mars» où elle peut reprendre la plume. «La tête embuée, la main pâteuse, j’ai du mal à pianoter, les yeux qui se ferment, mais le crissement du crayon sur la feuille finit par restituer le murmure d’une fontaine, l’odeur du jasmin, la douceur d’une fourrure. Peu à peu, je renoue avec ce délié, ce lâcher, cette magie d’une pensée en action. Les phrases coulent et s’entrelacent, suivant une géographie intérieure faite d’impressions. Un pur plaisir, une renaissance, un instant à moi, la satisfaction, que jamais l’ordinateur ne donnera, d’épouser des arabesques, de vagabonder, de jouer aux devinettes, de filer la métaphore à n’en plus finir. Sans complexes, je me vautre dans le moelleux des figures et des tournures.» Et par la grâce de cette plume virevoltante, elle nous offre le cadeau de ce roman inattendu.
Avouons-le, je fais partie des sceptiques et des mécréants, de ceux qui se disent qu’un mort retourne à la poussière et qu’une fois de l’autre côté, il ne revit que dans le souvenir de ses proches. Ce qui n’est déjà pas mal. Mais je me souviens avoir été impressionné par la lecture de La Traversée de Philippe Labro. Au point de faire ensuite comme Emmanuelle de Boysson, c’est-à-dire de creuser le sujet en me plongeant dans L’Expérience de mort imminente, Une enquête aux frontières de l’après-vie de Jocelin Morisson. Préfacé par le journaliste scientifique Stéphane Allix, cet ouvrage a fait vaciller mes certitudes. Ajoutons pour faire bonne mesure, le témoignage de David Foenkinos qui, à l’occasion de la sortie de La vie heureuse, a confié à Minh Tran Huy pour Madame Figaro qu’à seize ans, il avait lui aussi fait cette expérience : «J’ai eu ce sentiment physique d’être arrêté dans cette chute extatique, et d’être remonté vers la vie. Je sais à quel point la rencontre avec la mort peut vous propulser dans une nouvelle énergie, une forme de renaissance, et cette expérience de mort a fait de moi une seconde personne. Après, pendant les mois à l’hôpital, je me suis mis à lire alors que je ne lisais pas, j’étais animé par la beauté, la sensibilité. Cela m’a propulsé de manière foudroyante ans une autre personnalité. On devient plus fort d’avoir été ainsi fragile.» Mais après tout chacun se fera sa propre opinion.
En revanche ce témoignage a une autre vertu, trop peu soulignée à mon gré. Il nous rappelle combien les gestes qui sauvent sont importants, que les premières minutes sont très importantes et qu’il ne faut pas renoncer trop vite à laisser la Camarde gagner. Jamais peut-être l’expression coup de cœur n’aura mieux porté son nom pour un livre!
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