Rouge ou mort
  • Date de parution 19/08/2015
  • Nombre de pages 976
  • Poids de l’article 472 gr
  • ISBN-13 9782743633295
  • Editeur RIVAGES
  • Format 169 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Biographies, Mémoires

Rouge ou mort

3.79 / 5 (115 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

« Et les supporters du Spion Kop jettent leurs écharpes à Bill. Leurs écharpes rouges. Une pluie d'écharpes tombe sur Bill. En guise de remerciement. Toutes leurs écharpes. Leurs écharpes rouges. Et Bill ramasse leurs écharpes. Toutes leurs écharpes. Leurs écharpes rouges. Et Bill noue une écharpe autour de son cou. Une écharpe rouge. Et Bill brandit une autre écharpe. Une autre écharpe rouge. Entre ses poings. Une écharpe. Une écharpe rouge. Tenue bien haut. Entre ses bras levés. En signe de remerciement. » C'est dans un style incantatoire et hypnotique que David Peace raconte l'histoire du Liverpool Football Club lorsque Bill Shankly en prit la direction. Il prend, dans Rouge ou mort, une hauteur extraordinaire et signe le grand roman de l'année.

livré en 5 jours

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  • Date de parution 19/08/2015
  • Nombre de pages 976
  • Poids de l’article 472 gr
  • ISBN-13 9782743633295
  • Editeur RIVAGES
  • Format 169 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Seul David Peace pouvait me convaincre d'avaler un roman de presque mille pages traitant du football. Et dans "Rouge ou mort", le football n'est ni un prétexte, ni une toile de fond. Il en est l'essence, le centre, l'obsession...


Il retrace plus précisément le parcours du club de Liverpool durant les quatorze années (1960-1974) où il fut entre les mains de l’entraîneur d'origine écossaise Bill Shankly qui, après l'avoir sorti de la deuxième division, lui permit d'accéder à la coupe d'Europe. Non content d'en faire une des meilleures équipes d'Angleterre, il en fit surtout l'une des plus populaires...


Il faut dire que la carrière de Bill est exemplaire, dans le sens où elle est un rappel criant de quelques principes de base que le football d'aujourd'hui semble avoir quelque peu occulté. Entre autres que...


... le football est un sport. 

La chance, la satisfaction, sont des notions qui n'y ont pas leur place (Shankly aurait même voulu les bannir du dictionnaire). Un seul moyen de progresser, a fortiori de gagner : des heures d'entrainement, de préparation tactique, (et pour Bill, de négociations avec les dirigeants du club), de persévérance, car rien n'est jamais acquis. Lui-même travailleur opiniâtre, habité par la quête incessante du mieux et par la hantise de la défaite, Shankly va toujours de l'avant, ne baisse jamais les bras. Refusant d’enchaîner ses rêves, il se donne, avec enthousiasme et fierté, les moyens de les réaliser. Lucide et extrêmement organisé, c'est aussi un stratège hors pair, capable d'employer l’empathie comme la ruse pour motiver ses "garçons", comme il les appelle.


... le football est un sport populaire.

Et s'il est un homme à même de redonner à cet adjectif tout son sens, toute sa noblesse, c'est bien Bill Shankly. Issu d'un milieu modeste et laborieux, il revendique inlassablement son appartenance au peuple, forçant le respect par sa droiture et sa simplicité. C'est d'ailleurs une véritable histoire d'amour qui l'unit à cette ville viscéralement ouvrière qu'est Liverpool et à ses supporters, Bill devenant au fil du temps une sorte d'idole accessible, une figure familière et omniprésente. Il ne la quittera plus à partir du jour où il intégra son club en tant qu’entraîneur, tout comme il vivra jusqu'à la fin de ses jours dans la petite maison qu'il y acquit à son arrivée. Et rien ne le met davantage en colère que l'idée que ses joueurs n'aient pas donné leur maximum, quand le public d'Anfield* a dû amputer une partie de son salaire pour assister à un match. Car si l'obsession de Bill pour la réussite révèle parfois, comme en passant, l'expression d'un but existentiel (gagner, c'est être quelqu'un mais c'est surtout être tout court), elle est fixée sur un objectif principal, qu'il martèle à son équipe : ne pas décevoir les supporters, sans lesquels elle n'est rien, en leur donnant toujours le meilleur.


... le football est un sport d'équipe.

Et bien que ce qui précède pourrait laisser croire que le récit est uniquement centré sur la personnalité de Bill Shankly, "Rouge ou mort" n'est pas le roman d'une individualité, ni même de plusieurs. C'est celui d'un collectif, constitué non seulement de l'entraîneur et de ses joueurs -l'un n'étant rien sans les autres-, mais aussi de son public, celui de Liverpool en général et du brûlant Spion Kop* en particulier. Les personnages de "Rouge ou mort" ne sont évoqués qu'à travers le football, et si le roman s'attarde davantage sur Bill, c'est parce qu'il est le moteur, presque désincarné, de l'obsession qui lie le groupe et le fait avancer. N'attendez pas de David Peace qu'il vous livre des anecdotes sur la vie privée ou le caractère des joueurs. Leurs noms ne sont cités que comme les pièces d'un puzzle composant une entité rendue homogène grâce au talent de stratège et de meneur d'hommes de celui qui les emboîte.


Voilà pour le fond...


Quant à la forme, eh bien, elle est typiquement "Peacienne". Épileptique, lancinante... et, du coup, efficace. Lire David Peace, c'est comme livrer une bataille, se colleter avec la sécheresse tenaillante d'une écriture qui, je dois l'avouer, a failli me faire jeter l'éponge à plusieurs reprises. Mais au final, bien que lu il y a maintenant plusieurs semaines, "Rouge ou mort" a laissé en moi une empreinte profonde, dans la mesure où la technique de "martèlement" appliquée par l'auteur impose avec force dans l'esprit du lecteur le sens de ce qu'il exprime. Par la succession de phrases brèves, assénant les mêmes faits, il instaure une routine laborieuse qui rend compte avec une inimitable justesse des efforts incessants que nécessite l'objectif d'une réussite pérenne. De même, ce style si particulier instaure un rythme qui se veut à l'image de celui que vivent ses personnages : matchs après matchs, saisons après saisons, bilans après bilans, la vie de l'équipe est constituée de la répétition des mêmes rendez-vous, des mêmes points à gagner pour atteindre le haut du tableau. Il permet, enfin, de nous faire appréhender l'ampleur de l'obsession de Bill pour ce sport, et pour la nécessité de la victoire. Les gestes insignifiants et récurrents de son quotidien s'entremêlent aux réflexions stratégiques, aux remises en question que produit son cerveau en constante ébullition.


Vous l'aurez compris, je n'ai pas trouvé cette lecture confortable, mais lire David Peace ne l'est jamais. En revanche, le sujet de "Rouge ou mort" l'exempte de la dimension habituellement glauque qui dote la plupart de ses autres titres de cette intensité cauchemardesque difficilement supportable. Bon, moi j'aime quand David Peace est glauque, et j'avoue qu'ici, ça m'a un peu manqué, même si je salue l'exercice de style et la noblesse des valeurs que véhicule ce roman, et que je suis ravie d'avoir pu faire plus ample connaissance avec l'attachant Bill Shankly...


Je commence à avoir lu quelques bouquins. Ca fait un peu vieille baderne, mais c’est comme ça. Et j’en ai lu (beaucoup moins) qui m’ont secoué, fait rire, époustouflé, bluffé … Mais encore aucun ne m’a fait l’effet de Rouge ou mort de David Peace. Aucun.


Bill Shankly. Un bon joueur de foot écossais des années 30-40. Bon mais sans plus. En décembre 1959, alors qu’il est s’occupe d’un petit club, il est contacté par le Liverpool Football Club alors en deuxième division pour en devenir le manager. De 1960 à juin 1974, date à laquelle il démissionne, il amène le club au sommet de l’Europe, lui faisant gagner tous les titres ou presque. Il devient surtout l’idole du Kop d’Anfield, la tribune populaire rouge capable de porter le stade à incandescence. Cet homme, issu de la classe ouvrière, restera fidèle toute sa vie à ses convictions socialistes et à ses origines.

C’est son histoire, de 1959 à sa mort (en 1981) que raconte David Peace dans Rouge ou Mort.

Alors pourquoi aucun livre ne m’a fait cet effet ? Pas parce que c’est le meilleur que j’ai jamais lu, ni celui qui m’a le plus touché. Il est excellent, il m’a touché, mais ce n’est pas ça qui est bluffant.

Ce qui est bluffant c’est que j’aurais dû détester ce livre, je n’aurais pas dû aller au-delà de quelques pages.

Je me contrefous du foot en général, du foot anglais et de celui de Liverpool en particulier. S’il y a bien quelques noms cités ici que j’ai reconnu, je n’avais pas la moindre idée de qui était Bill Shankly, et pas la moindre curiosité le concernant.

Je suis totalement en accord avec la maxime d’Elmore Leonard qui disait « La plus importante de mes règles résume toutes les autres. Si ça a l’air écrit, je réécris. ». Et plus « écrit » que Rouge ou Mort, ça n’existe pas.

Voilà, j’aurais dû détester et lâcher ce pavé de 800 pages dès le premier chapitre. Et je l’ai dévoré, j’ai été hypnotisé, enchanté (au sens premier du terme), emporté par le rythme, le flot, par cette répétition incessante, comme mis en transe par la pulse des mots.

Je l’ai dévoré, et je me suis surpris à lire frénétiquement, pour voir si le Liverpool Football Club allait gagner tel match, si la combinaison de passes, décrite intégralement mais sèchement allait ou non aboutir à un but, si le club allait remonter au classement du championnat. Et parmi toutes les répétitions, et malgré mon impatience de connaître le résultat, je n’ai pas sauté un seul mot, une seule ligne.

Je l’ai dévoré et je me suis surpris, durant ces quatre jours de lecture, à avoir envie de parler à ma femme, à mes gamins, à mes collègues du résultat à domicile, ou à l’extérieur, de tel match, du but de Keegan ou de l’arrêt de Clemence.

Proprement hallucinant, proprement incompréhensible, de la pure magie.

Et une fois le livre refermé, j’ai été époustouflé par la cohérence de la démarche, par le travail et la discipline qu’elle suppose, en osmose totale avec la vie et le travail de Shankly, marqués eux aussi par une cohérence, une discipline et une fidélité sans faille.

David Peace aurait pu, à un moment, se relâcher, éviter certaines répétitions. Il aurait pu craindre de finir par fatiguer le lecteur. Il aurait perdu en cohérence, il ne l’a jamais fait. David Peace aurait pu, à un moment, être tenté de parler aussi de ce qui se passe hors de cercle du foot, la naissance du rock anglais, les luttes politiques, l’ébullition des années 70. C’est tentant. Il ne le fait jamais, sauf si cela a des incidences sur le travail de Shankly et les matchs de foot. Parce que Shankly ne s’intéressait qu’au foot, aux supporters du club, et, quand il avait le temps, aux élections.

Durant 800 pages, le propos et le style du roman sont d’une cohérence absolue.

Tout ce que j’écris là pourrait laisser penser que l’on a là un roman froid et qui n’apprend rien sur le monde hors du stade. Et bien entendu, il n’en est rien, et ça aussi c’est hallucinant.

J’ai eu la gorge serrée à plusieurs reprises, en même temps que ce diable de bonhomme. J’ai été touché par sa fidélité, sa proximité avec les supporters, les minots, les paumés, ceux qui n’ont rien à quoi se raccrocher, rien dont ils puissent être fier, sinon leur club (et pourtant je suis anti supporter, je n’aime pas suivre, bref, c’est pas du tout moi). J’ai été touché par ce qui lui arrive, par ses bonheurs, ses peines, ses joies, sa souffrance, son exaltation, son sentiment d’abandon …

Et j’ai été scotché par la façon dont la description de l’évolution du club et de ce qui se passe autour est le reflet terrible de toute l’évolution de la société.

Montée de l’individualisme, là où Shankly prône toujours le collectif, explosion du l’argent dans le foot (les premiers transferts dont parle Peace se font pour 10 000 livres) et comme seule valeur revendiquée de la société, destruction d’un modèle où les valeurs centrales sont le travail et l’appartenance à un groupe, pour aller vers le star system. Violence grandissante de la société qui se traduit par l’apparition de la violence dans et autour des stades. Tableau en ombres chinoises de ce qui se passe ailleurs, quand les grèves, les manifestations, les violences se traduisent par des restrictions d’électricité.

Au final, sans jamais dévier de son cap, sans jamais lâcher Shankly et son travail, son quotidien ô combien répétitif, c’est toute la société anglaise, et européenne dont David Peace nous décrit l’évolution entre 1960 et 1981.

Magistral, hallucinant, incompréhensible, envoutant. Voilà.

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